Carnet d’humour : la vie, les plateaux et les copains
J’adore le mois de mars. Chaque année, il n’y a pas que pour les publicitaires que ça repart. Ce mois-ci, je n’ai pas vraiment eu envie d’écrire mille critiques de spectacles. A l’inverse, j’ai vécu des expériences assez dingues en plateau, dans les comedy clubs et café-théâtres.
Je me rends compte que j’ai beaucoup de choses à partager, et qu’il y a sans doute des anecdotes qui vont manquer. J’ai eu aussi la chance (ou la malchance, question de perspective) de perdre mon job et d’en chercher un autre avant de me consacrer corps et âme à la comédie. Le midi, le soir, la journée, bref j’ai vu des gens tout le temps. Trêve de blabla, voici quelques instantanés du rire pris à la volée en plateau et ailleurs !
Marion Mezadorian dans une autre dimension
Si vous ne le savez pas encore, Marion Mezadorian assure sa propre production depuis le début. Même si j’ai annoncé que j’arrêtais le concept de résidents, je n’ai cessé de la suivre sur scène et en dehors. Après des mois à zoner au 33 Comedy, j’ai à nouveau pris place au Théâtre du Marais pour voir son spectacle nouvelle version.
Car cette œuvre artistique a du kilométrage dans les pattes. Marion a eu l’intelligence de s’entourer de plusieurs âmes pour la mise en scène. Francis Magnin l’a encouragée à ajouter du stand-up au début. Ce n’est pas un hasard, quand on connaît la genèse de Pépites. Elle l’écrivait au Paname Art Café – le personnel pensait qu’elle écrivait un livre ! Ensuite, elle a testé dans ce même lieu et joué ce spectacle. Pendant longtemps, je la retrouvais à la Comédie des 3 Bornes. L’émotion était vive la première fois. C’est sa personnalité qui porte le tout. Cette acharnée de travail ne lâche rien, ne s’économise pas et se donne comme peu d’artistes.
Ensuite, il y a eu Alexis, puis dernièrement Alexandra Roth. Petit à petit, elle s’affirme avec son ADN : celui de comédienne. Le fil rouge du spectacle s’étoffe, gagne en fluidité. Les applaudissements de fin étaient d’une intensité rare. L’année de Marion ne fait que commencer : elle jouera à Avignon, au Marrakech du Rire et vous la verrez même au cinéma en fin d’année… La fusée Mezadorian continue son ascension, et ce n’est que le début. Le plus fort, c’est que dans tout ça, elle garde du temps pour les gens. A titre personnel, elle m’a tellement apporté ces dernières années ; j’en profite donc pour la remercier pour son temps malgré tout le travail qu’elle abat depuis des mois. Elle revient en plateau ces derniers temps, profitez-en ! D’autant plus que mardi, c’est sa dernière au Théâtre du Marais ! Elle devrait y revenir à la rentrée.
Laura Lozano et le plateau Trempoint 2.0
Pour une institution comme Le Point Virgule, les temps qui courent sont une menace. Je vous parlais du Théâtre du Marais, qui continue de monter et d’attirer des talents d’exception. Sans réaction, le Point Virgule peut vraiment devenir ringard.
Mais ce n’est pas dans l’ADN du Point Virgule de ne pas réagir. Les Trempoint, c’est un plateau qui permet à l’équipe de ce théâtre de décider qui jouera là-bas, ou dans les salles de Jean-Marc Dumontet. Et cela ne donnait pas envie : le public ne venait pas beaucoup, surtout parce que vous ne saviez jamais qui allait jouer. Il y avait une pauvre publication sur les réseaux sociaux, sans visuel ou autre, avec parfois la programmation.
Aujourd’hui, le Trempoint se remplit sans trop de difficultés, alors qu’il est parfois annoncé à la dernière minute. Il n’a plus vraiment d’horaire fixe, et paradoxalement ça marche. La programmation est systématiquement présentée : c’est devenu un plaisir d’y jouer comme d’y participer.
Je ne sais pas si l’arrivée de Laura Lozano dans l’équipe a joué dans cela, mais cette femme-là sait tendre la main aux jeunes artistes. Je l’ai rencontrée aux sélections des Best de l’Humour, elle m’a nourri en chocolats pour tenir les 4 heures de show de la deuxième soirée parisienne.
Même si je ne suis pas corruptible par le sucre, c’est grâce à elle que j’ai survécu à cette soirée. J’étais complètement décalquée toute la semaine (c’était un lundi soir). Depuis, je l’ai revue à la soirée des humoristes de demain, lors de différents Trempoint et aussi au spectacle de Marion Mezadorian. Je ne sais pas si je lui ai dit que sa présence pour les sélections allait changer la donne, mais j’y crois dur comme fer. Le prochain défi, c’est aussi d’intégrer le Sentier des Halles à l’écosystème de Jean-Marc Dumontet. Cette salle est super chouette, mais difficile à remplir. C’est là que vous allez découvrir des artistes émergents. Laura, et Antoinette Colin bien entendu, y veillent au grain. Moi aussi, et je ne manquerai pas de mettre l’énergie là où il faut pour faire émerger des talents et passer des plats, comme on dit vulgairement.
Culture : un livre et deux séries
Qui dit chômage, dit temps libre. En plus d’aller voir le plus de monde possible, j’ai repris un mois gratuit sur Netflix. A la base, c’était pour la série sur la Formule 1 sortie le 8 mars dernier. Mais j’en ai profité pour revoir du Jimmy Carr et du Jack Whitehall. Ah, les comiques britanniques…
Catastrophe : en couple/cloque malgré vous
C’est pourtant sur myCANAL que j’ai pris le plus de plaisir. J’ai suivi la recommandation d’Els – Lost in France. On a vu Premières Vacances ensemble en français sous-titré anglais, avec plein d’expatriés. J’adore les événements où les anglophones pullulent, mais on y vient. Chaque chose en son temps ! Bref, elle m’a fait voir Catastrophe. C’est l’histoire d’un couple qui se crée malgré lui.
Si vous aimez Platane, les comédies romantiques et aussi les (gros) tracas du quotidien, vous aimerez Catastrophe. Je ne suis pas une adepte du binge-watching, mais j’ai consommé les quatre saisons en 2/3 semaines. Si vous souhaitez le pitch de la série, Télérama l’a rédigé mieux que je ne pourrais le faire.
Please Like Me : ça me parle
Sur Netflix, j’ai vu Please Like Me. Pareil, quatre saisons. Je n’ai pas encore terminé. A la base, j’ai commencé à regarder parce que c’étaient des mecs qui couchaient ensemble. Ça m’a rappelé l’adolescence, quand j’ai découvert Queer as Folk. Mais ça, c’est un délire personnel.
C’est une série australienne, dont vous pouvez retrouver le pitch sur Konbini. Comme pour Catastrophe, les comiques jouent devant la caméra. Il y a même Hannah Gadsby, je ne l’ai pas reconnue d’ailleurs. Encore trop occupée à regarder Josh se taper des beaux gosses, c’est malin…
Ce que j’aime, c’est l’instantané d’une génération un peu perdue, qui appréhende ses émotions. J’adore le personnage de Claire, allez savoir pourquoi.
Le Graal des humoristes : histoire du Point Virgule
Gilbert Jouin, un intervieweur qui connaît bien les paillettes, vient de consacrer un livre sur le Point Virgule. J’ai lu les 3/4 du livre, et je me suis ruée sur les dernières interviews de Fary et Panayotis Pascot. C’est un recueil d’interviews des bâtisseurs (ceux qui ont construit et maintenu le théâtre dans les coulisses) et des artistes.
Il y a beaucoup d’émotion dans la première partie, sur les bâtisseurs du lieu. On se rend compte que ce lieu est une affaire de passionnés et de générosité. Aussi, ça fait du bien de vanter les qualités humaines d’un Jean-Marie Bigard. Les médias actuels mettent plus en avant les blagues foireuses et oublient la substance des gens derrière, et c’est dommage.
J’ai été frappée par l’investissement émotionnel de certaines personnes. Je connais très peu Antoinette Colin. Quand je la vois, je n’ose pas trop lui parler. Il y a ce profond respect pour ce qu’elle fait, notamment programmer Jean-Philippe de Tinguy (et tant d’autres !) sur un coup de cœur, jusqu’à trois soirs par semaine. Je ne sais pas s’il était prêt à ça, mais je sais qu’il a atteint ses objectifs artistiques là-bas.
C’est l’occasion de découvrir une femme qui semble discrète, mais dont le fort caractère lui a permis de tenir tête à Jean-Marc Dumontet pour conserver l’identité du lieu. Pour les détails, je vous recommande la lecture de cet ouvrage. Certains entretiens, comme celui de Laurent Ruquier, n’ont aucun intérêt (mais sans doute n’a-t-il pas voulu y consacrer du temps ?) tant ils sont courts. J’aurais voulu avoir plus de détails sur la nouvelle génération, mais aujourd’hui, le Point Virgule n’a pas le monopole de la détection de talents. C’est un héritage, une marque à entretenir et à moderniser en même temps. Vaste défi pour ce lieu qui accueille un plateau historique.
Plateau d’humour : changement de cap
Dimanche Marrant a longtemps été mon rendez-vous phare de la fin de semaine. C’est de l’histoire ancienne, maintenant. Le Motel est arrivé, et j’y ai découvert Hugo Gertner. Je l’ai aussi retrouvé avec plaisir – et deux fois – à la Great British American Comedy Night. Ca se passe au Jardin Sauvage, et c’est en anglais. J’ai adoré y voir Ghislain Blique et Charles Nouveau, les voir jouer en anglais, c’est classe.
Hugo Gertner en plateau, stand-up wingman
Hugo aime le stand-up. Il a plein d’anecdotes à raconter. Pour le remercier de toutes ces histoires, je lui ai personnalisé un avatar (l’annuaire des artistes n’existe plus, ils étaient trop nombreux à arriver…). Si vous en voulez un, et que je vous aime bien, demandez, ça me prend très peu de temps… Et ça fait tellement plaisir, apparemment, alors si je peux aider !
Hugo, c’est un peu comme Marion, ou Pierre Thevenoux (dont la dernière interview du We Love Comedy Magazine est géniale) et Ghislain en un sens. Ils savent trop de choses, à ce stade, sur le plan personnel et sur les ragots de l’humour. J’ai aussi passé un temps fou avec Louis Chappey. J’étais pas mal fourrée au Laugh Steady Crew, notamment pour évaluer la découverte humour de ce mois. Le Bar à Bulles est un lieu incroyable pour le stand-up. Revenons à Louis Chappey : découvert à Nanterre, il est aussi barré qu’attachant. On a beaucoup ri, et j’espère qu’il va continuer à s’amuser en plateau malgré les aléas de l’existence.
J’ai aussi vu Gabriel Francès, l’un des hommes derrière Le meilleur podcast. Attention : il y en a deux, des podcasts comme ça. Ne confondez pas : celui-là, c’est celui qui invite les jeunes humoristes. On y retrouve Cyril Hives, Fabien Guilbaud et bien sûr les hôtes toulousains. On a Gabriel, et aussi Emma de Foucaud et Arezki Chougar à l’animation.
Bref, j’ai retrouvé cette ambiance de copains ce mois-ci. Je pense aussi à Nadim, qui s’est lancé dans des vidéos pour faire le buzz. Sa folie l’emporte dans une autre dimension, j’ai adoré le revoir à la Petite Loge ! Ce qui nous amène à la suite…
Il s’en passe des choses, à Vanves…
Depuis plusieurs semaines, je vais voir du stand-up pour les à-côtés. Je sens un amour du seul-en-scène plus théâtral monter (coucou Sophie Imbeaux), tandis que les codes du stand-up essoufflent mon intérêt. Le public devient rude, aussi. J’étais au Petit Palais des Glaces : cette salle est maudite. On ne compte plus les soirs où les gens quittent la salle avant la fin. Je n’ai jamais vu ça.
Par contraste, je ne m’attendais pas à voir un bon plateau à Vanves. Mais le chômage, c’est fait pour prendre le temps et juger sur pièces. Autant vous dire que mes préjugés ont volé en éclat. Après avoir côtoyé des publics difficiles et été la seule à rire à des vannes de qualité, ça m’a fait du bien d’être avec des gens qui voulaient rire plus que juger.
Tous les ingrédients d’un bon plateau
Un nouveau plateau, ça peut donc être un vent de fraîcheur. Plusieurs raisons expliquent ce succès. J’y suis allée parce qu’ils alignaient Aude Alisque et Alexis le Rossignol. Aude n’a pas pu venir, finalement, mais grâce à la réactivité des MC, Avril et Pierre DuDza, on n’y a vu que du feu. La sélection était équilibrée, et ils ont même attiré Nassim Mellah. Si ce n’est pas mon délire, cet humoriste a de l’expérience. Je l’ai découvert aux Ecuries, lorsque Radio Nova avait un plateau en public. Son set a vieilli, mais il y travaille.
Autre élément : l’investissement du lieu. C’est une salle qui accueille des spectacles d’improvisation mensuels. Il y a une régisseuse très réactive, des éclairages et un micro qui fonctionnent sans impair. Les gens qui bossent à l’Espace Gazier veulent bien faire, et cela passe par tous les détails.
Le public n’est pas celui que vous voyez dans les bars. Urbain disait récemment dans Un café au lot7 qu’il détestait jouer devant des adolescents. Encore un puriste du stand-up qui a manqué son rendez-vous à Vanves…
Il y avait des jeunes, des moins jeunes, des familles venues s’amuser sans prétention. Vanves avait l’air de désirer du spectacle vivant dans sa ville. C’était palpable. Peu importe l’expérience des humoristes à l’affiche, tout le monde a livré ses prestations avec beaucoup de professionnalisme et de générosité. Côté spectacle vivant, c’était probablement ma meilleure expérience stand-up de l’année. J’ai même découvert Jérémy Ippet et revu Boriss Chelin avec grand plaisir. Jérémy vient de recevoir le prix du jury au concours Artishow Nanterre… Il n’y a aucun hasard à cela !…
Le prochain rendez-vous aura bien lieu, comme cette première a eu du succès. Pour réserver quand ce sera annoncé, vous pourrez passer par Eventbrite. L’entrée est à 6 euros et il n’y a pas de chapeau. Vous pouvez prendre une conso sur place. Pour les artistes, le staff vous met bien avec plus de bouffe que vous n’imaginez. Et c’est près du métro. Plus d’excuse pour rire en banlieue ! 😉
Crédits photo
© Guillaume Dollé