Programmer un comedy club pour les nuls

Juliette Follin 11/09/2018

AprĂšs ĂȘtre montĂ©e sur scĂšne, j’ai eu Ă  programmer un comedy club pendant quelques semaines… avant de me rĂ©signer. Vous programmez un plateau d’humour ? Voici quelques astuces pour y parvenir sans encombre. Vous voulez connaĂźtre les coulisses de la programmation de comedy clubs ? Vous ĂȘtes au bon endroit !

Comment j’ai commencĂ© Ă  programmer un comedy club

Cet Ă©tĂ©, je croise Certe Mathurin par hasard. De but en blanc, il me propose de programmer le One More Joke avec lui. Qui dit grosse responsabilitĂ© dit panique, et parfois mĂȘme Ă©chec. LĂ , ce fut le cas.

Plutît que de cracher dans la soupe, je veux vous livrer mes conseils. Voici tout ce que j’aurais voulu savoir avant de m’y mettre !

Programmer un comedy club : le guide pour ne pas foirer

1. Aimer son plateau d’humour

C’est la base. Si vous aimez votre plateau, vous partagez cette affection avec le public. Ainsi, vous pouvez le satisfaire au mieux : vous ĂȘtes en phase avec leurs aspirations. Par exemple, je ne traĂźnais pas vraiment au One More Joke, ce qui ne facilitait pas la tĂąche !

2. Se sentir valorisé

Programmer peut ĂȘtre un pur bonheur comme une tĂąche ingrate. Pour rĂ©ussir, il faut donc se sentir en confiance avec le reste de l’équipe. Garder une communication ouverte avec les animateurs et organisateurs me semble essentiel. C’est pour cela que les gens qui ont des plateaux sont amis ou assez proches.

3. Avoir du temps, la tchatche et un carnet d’adresses

Il faut savoir contacter les bonnes personnes au bon moment. Un humoriste peut vous conduire Ă  six autres. Cette statistique n’est pas scientifique mais elle a le mĂ©rite de parler Ă  tout le monde. Ne faites pas la mĂȘme erreur que moi : parlez aux artistes et non aux boĂźtes de production. Cela me semblait plus facile comme je n’avais pas de contacts, mais cela pose d’autres problĂšmes. Vous aurez des refus ou on vous demandera de l’argent.

Pour programmer un comedy club, il faut donc ĂȘtre prĂ©sent sur les plateaux concurrents au quotidien. Gare Ă  vos autres engagements, car programmer prend du temps. Et si vous ĂȘtes un peu introverti comme moi, vous allez vous confronter Ă  quelques angoisses. Forcez-vous un peu, mĂȘme si c’est dur (ça l’est).

4. Être reconnu ou rĂ©munĂ©rĂ© Ă  sa juste valeur

C’est Ă©vident : vous ne toucherez pas de gros chĂšque. PlutĂŽt qu’une rĂ©munĂ©ration, cherchez plutĂŽt Ă  obtenir un avantage : rencontrer les personnes qui comptent, avoir Ă  boire et Ă  manger gratuitement, toucher un pourcentage du chapeau, jouer de temps en temps
 Pas de secret : plus les avantages vous sembleront justes, plus vous vous investirez.

5. Connaßtre son périmÚtre

Sachez quand et comment prendre des initiatives. Vous devez recevoir des directives claires. Pour avoir l’esprit tranquille, vos choix ne doivent pas ĂȘtre remis en cause. Si vous travaillez Ă  plusieurs sur la programmation, sachez en permanence oĂč l’autre va. Sinon, vous risquez de vous retrouver avec trop d’humoristes sur les bras sur une mĂȘme soirĂ©e. C’est assez lourd, comme vous pouvez l’imaginer.

6. Commencer petit

Vous programmez pour la premiĂšre fois ? Faites-vous la main sur un petit plateau. Bon, si vous recevez l’opportunitĂ© du siĂšcle, soyez transparent sur vos difficultĂ©s. Exigez une passation ou une formation dans les rĂšgles de l’art. Votre interlocuteur n’a pas forcĂ©ment l’habitude non plus de faire une passation. Soyez tolĂ©rant et patient 🙂

7. Être organisĂ©

C’est du bon sens : vous allez gĂ©rer une sorte de planning dĂ©moniaque. Vous avez trop de noms Ă  caser et vous devez penser aux indisponibilitĂ©s (spectacle, tournĂ©e, plateau concurrent…). Tout cela en temps limitĂ© et en crĂ©ant des plateaux homogĂšnes : niveaux, styles d’humour… À plusieurs, tout le monde doit partager la mĂȘme organisation.

Épilogue : les conseils que je ne vous donnerai pas

Sur le copinage

Je ne vous conseille rien sur les amitiĂ©s que vous entretenez avec les autres comiques. On m’a dit de ne privilĂ©gier personne, or certaines personnes sont privilĂ©giĂ©es par amitiĂ© sur le One More Joke. Le public n’est pas contrariĂ© pour autant, comme le phĂ©nomĂšne est trĂšs marginal.

Pour moi, c’est humain : la programmation du One More Joke reste assez juste. Je n’ai rien vu de bien choquant. Tout le monde le fait plus ou moins, sinon on aurait affaire Ă  des comedy clubs stĂ©riles. Laissons donc les sensibilitĂ©s s’exprimer ! Si j’avais rĂ©ussi mon coup, j’aurais eu la possibilitĂ© de faire jouer les copains, aussi.

Sur les aspirations personnelles

Personnellement, j’ai trouvĂ© frustrant de m’occuper des tĂȘtes d’affiche. Ma spĂ©cialitĂ©, ce sont les dĂ©couvertes et les humoristes qui jouent depuis 2014. Pour eux, j’aurais volontiers sacrifiĂ© mon temps libre. Mais pour des gros qui ont les moyens de jouer, d’ĂȘtre en vedette dans le mĂ©tro, etc., je ne vois pas ma valeur ajoutĂ©e. C’est dans mon ADN, et je suis trop indĂ©pendante pour me plier Ă  des consignes comme celles-ci.

C’est donc le moment de se remettre en question : pour toute nouvelle fonction, il faut s’adapter et faire des compromis. Je prĂ©cise que je n’ai pas d’animositĂ© envers Certe. Il m’a fait confiance et a tentĂ© de m’amener dans le game, c’Ă©tait un risque Ă  prendre. J’aurais prĂ©fĂ©rĂ© un peu plus de guidage, mais il faut ĂȘtre rĂ©aliste : le One More Joke Ă©tait trop gros pour moi. Je suis persuadĂ©e qu’il se portera mieux sans moi. Bon courage Ă  Certe pour programmer sans Louis Dubourg cette saison ! Je lui fais confiance : ce plateau tourne Ă  plein rĂ©gime avec de nombreuses tĂȘtes d’affiche et un public conquis !

Crédits photo

© Betty Durieux

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