FUP 2019 : Paul Mirabel et Morgane Cadignan vainqueurs
Comme chaque année, le Festival d’Humour de Paris (FUP) s’achève sur une soirée réservée aux nouveaux humoristes. Retour sur la clôture du FUP 2019 et la performance des 9 finalistes et des 2 vainqueurs à Bobino, Paul Mirabel et Morgane Cadignan !
FUP 2019 : Bobino, entre sauna et passages enflammés
Cette année, Le spot du rire a eu le privilège d’être invité en Carré or. Merci Laura Lozano, rencontrée dans le jury des Best de l’Humour et qui dynamise les Trempoint ! On en a profité pour choisir un +1 hors du circuit, mais qui connaît Alexis le Rossignol. Ça tombe bien, deux ans plus tôt, l’artiste recevait le prix SACD…
En arrivant à Bobino, c’était l’occasion pour moi de me vanter auprès de cet invité et de lui montrer que je connaissais plein de gens inconnus du grand public. Dans cinq ans, il réalisera l’ampleur du truc, mais vous, vous savez déjà #LesVrais.
Je ne sais pas si c’était le réchauffement climatique ou quoi, mais le chauffage tournait en plein régime. J’ai même cru me sentir mal à la fin du spectacle. Organiser le festival un mois plus tard, c’est bien, mais changez le thermostat les gars.
La présentation de Nicole Ferroni tranchait avec la chaleur ambiante. Je l’ai trouvée vraiment inégale, et même molle au début. Malgré deux ou trois coups d’éclat, elle a été en-dessous du niveau de Vérino l’an dernier. Après, je ne fais pas partie des fans de cet artiste, cela peut aussi jouer !
Après, l’essentiel du FUP 2019 était de mettre en lumière les jeunes artistes. Revenons sur chaque prestation !
Pierre Thevenoux
Autant vous le dire tout net, j’étais dégoûtée de voir Pierre Thevenoux en premier. Sans surprise, il faisait partie de mes favoris pour la soirée et la chauffe de Nicole Ferroni ne l’aidait pas à lancer la soirée.
Son passage était bon, mis à part peut-être une blague qui n’a pas fonctionné comme d’habitude. Pas d’applaudissements, mais les rires tombaient là où il fallait.
Maryvonne Beaune
J’ai découvert cette humoriste la semaine précédente, lors du Trempoint. Elle faisait partie de la brochette d’humoristes qui joue au Sentier des Halles, lors d’une exceptionnelle. Cette salle, c’est la dernière acquisition de Jean-Marc Dumontet, le big boss du Festival (et de la majorité de l’humour parisien…).
Je ne m’attendais pas à ce qu’elle m’impressionne autant. J’avais lu la description de son spectacle de l’époque, et je n’avais pas été convaincue par le pitch. Et pourtant, lors du Trempoint, elle a assuré. J’ai même cru, comme Félix d’ailleurs, qu’elle pouvait cartonner.
Malheureusement, la prestation n’était pas aussi forte que prévu. Je ne l’ai pas trouvée mauvaise en soi : la folie fonctionnait, mais cela ne portait simplement pas. Si vous étiez à Bobino, ne la jugez pas simplement sur ces quelques minutes : elle peut vraiment mieux faire !
Certe Mathurin
Certe Mathurin est rodé. Comme au Trempoint samedi, il a demandé qui a été voir son premier spectacle. Il le jouait à La Nouvelle Seine, ce qui n’est pas rien… Et pourtant, au Point Virgule comme à Bobino, j’étais la seule à avoir fait le déplacement et à applaudir…
Habitué des plateaux et de la scène, Certe a réalisé une prestation correcte. Il a mis de côté les soucis de diction de son début de carrière. Ses idées sont sympathiques, son passage fonctionne mais cela plafonne toujours un peu. Il manque le petit plus pour éclore véritablement, mais sa détermination le lui offrira sûrement…
Félix
À l’applaudimètre, Félix a cartonné. C’est lui qui a sorti le public de sa torpeur. Les premiers applaudissements, les rires incontrôlés de celle qui a un rire bizarre et qui est toujours dans les salles de spectacle. Je me suis dit qu’il allait le gagner, ce foutu concours.
Félix, c’est quelqu’un que je vois jouer depuis longtemps. Et contrairement à Certe, il a débloqué quelque chose. C’est un performer qui a su, petit à petit, attirer la sympathie. Ses thèmes se sont aussi modernisés. Au lieu de chercher à se placer sur le bon filon marketing, il aborde les sujets qui le tiennent à coeur et dénonce avec beaucoup plus de finesse que les années précédentes. Je ne m’attendais pas à ce qu’il m’impressionne, et il l’a fait.
De l’aveu de tous les humoristes présents, c’est lui qui a été le plus efficace. Ce qui lui a manqué, c’est de devoir se confronter au mec le plus bankable du moment…
Paul Mirabel : Grand Prix du FUP 2019
Certains humoristes m’ont dit qu’ils ne voulaient pas s’aligner au FUP 2019. La raison : Paul Mirabel. Vainqueur du Campus Comedy Tour en 2018, puis des Best de l’Humour le mois dernier, Paul plie les festivals.
Comment s’y prend-il ? Il y a quelque chose de spécial dans l’air quand il monte sur scène. Une présence immédiate vient cueillir les spectateurs. Il semble qu’il n’ait qu’à dire bonsoir pour faire rire. C’est vraiment très fort. Dès cette première seconde, j’ai compris que le prix était pour lui.
On rit pour l’homme plus que pour le texte, même s’il est déclamé avec beaucoup de talent. C’est une sorte de bulldozer de l’humour qui reprend les codes de l’autodérision pour mieux la disrupter. Si ses camarades ont choisi cet angle depuis des lustres, il l’incarne comme personne.
La seule chose qui me faisait douter, c’est qu’il a moins de bouteille que les autres. Un peu comme Djimo l’an dernier : on doutait de sa capacité à jouer une heure… et il a réalisé ce défi sans broncher ! Mais les grandes salles deviennent son terrain de jeu (La Cigale…). Ne vous y méprenez pas : il doit gérer le trac, mais il a une manière de se mettre dans sa bulle et de faire abstraction de l’extérieur. S’il continue ainsi, il s’offrira une belle ascension humoristique ! On espère qu’il sera bien entouré et qu’il ne se brûlera pas les ailes.
Ambroise et Xavier
Si vous êtes fidèle au spot du rire, vous connaissez Ambroise et Xavier. Au Sonart, ils enchantaient et bluffaient les foules. Je me suis pris une claque à cette occasion, et je m’excuse pour tous ceux qui ont développé des attentes trop élevées sur ce duo.
Le problème, c’est qu’en plateau, ils ne sont pas aussi efficaces. Avez-vous déjà voulu manger dans un étoilé pour manger le pain et des cacahuètes ? Non, certainement pas.
Je ne sais pas si c’est le choix de l’extrait ou simplement si leur univers demande un peu d’immersion, mais ça ne fonctionne pas autant. C’est d’autant plus cruel que ce talent, je l’ai vu, je vous le certifie. Là, c’est drôle, mais pas transcendant. Et comme ça s’est vérifié au Point Virgule et à Bobino, il y a des correctifs à faire.
Dommage, parce que le duo a fait des efforts pour adapter sa prestation à Bobino. Xavier est toujours aussi efficace, mais le public n’a simplement pas le temps de s’attacher à Ambroise. Je pense qu’ils vont rapidement rectifier le tir, parce que je suis intimement convaincue de leur talent. Ils écrivent et jouent comme personne dans un bon cadre : à eux de le trouver !
Morgane Cadignan : prix SACD au FUP 2019
Quel bonheur de voir Morgane Cadignan récompensée. Un peu comme Paul Mirabel, elle a un truc bien à elle. Sa plume, certes, mais aussi une personnalité. On l’aperçoit timidement derrière un texte en béton armé, mais cette fille a l’air vraiment dingue.
C’est un peu le genre de rebelle qui n’explose pas tout de suite, qui sait s’indigner quand il faut. Elle observe le monde comme peu de gens et livre un portrait poétique de la société. Et elle n’est pas du genre à vouloir se faire emmerder. Quand Nicole Ferroni lui a posé une question complètement à côté de la plaque, je l’ai vue fidèle à elle-même. Elle m’a rappelé tous ces gens qui montrent à l’interviewer qu’il est à côté de la plaque, et je vous avoue que c’est son pêché mignon. N’y voyez pas là de l’arrogance, mais une réaction humaine et sincère, sans fioriture.
Par contre, je dois mettre un carton rouge à tous ceux qui ont dit qu’elle a eu le prix SACD parce que c’était une fille. Quelle connerie. Franchement, j’en ai vu des quotas louches. Mais là, ce prix est logique. Comme Charles Nouveau, vainqueur de ce prix en 2018, Morgane Cadignan a évolué dans le monde de la pub. Oui, ce lieu plein de créatifs qui deviennent humoristes ou écrivains (coucou Beigbeder).
Si vous ne parvenez pas à voir son talent, vous avez un sérieux problème. Après, on aime ou on n’aime pas, mais quand même, on peut reconnaître objectivement les belles performances.
Lisa Raduszynski
C’est la prestation en-dessous de la soirée. Si cela passait au Point Virgule, Bobino l’a accueillie très froidement. Pourquoi cela n’a pas marché ?
Déjà, je la trouve plus drôle lorsqu’elle joue en anglais. Elle joue moins avec les clichés et les blagues à l’ancienne. Les juifs, le fait d’évaluer son physique… On attend plus original en 2019.
Après, cela peut tout à fait marcher. Mis à part devant un public très averti, une personne comme Lisa peut fonctionner dans un festival. À mon sens, on l’a envoyée au casse-pipe en la choisissant pour Bobino. L’année prochaine, avec plus de préparation et un jeu en français dans de nombreux lieux, cela aurait pu marcher.
Je l’ai croisée ensuite et je l’ai réconfortée, parce que je pense qu’elle a sa place. Pour certains humoristes, j’estime qu’ils n’ont aucun avenir. Ce n’est pas le cas de Lisa. Il faut simplement travailler et trouver son truc, ce qui la différencie. Ensuite, le reste suivra logiquement ! Au Sentier des Halles, devenu un laboratoire pour Jean-Marc Dumontet et ses équipes, c’est l’endroit idéal…
Didou
Didou a réalisé une prestation dans la lignée de Félix, sauf qu’il avait le défaut de Lisa. L’originalité que j’ai pu voir dans certains plateaux, il ne l’avait pas. L’humour était un peu à l’ancienne.
Pour autant, si ça marche, c’est une question de présence. Didou a de l’énergie et mise sur le côté bon copain. Il y a encore de la place sur le créneau parce que les gens veulent continuer à rire sans se prendre la tête.
Je vous avoue que j’aime beaucoup trop l’originalité pour apprécier pleinement son humour. Au moment où il parlait du doigt d’entrée dans le Marais, j’ai arrêté d’écouter. (Nous avons corrigé la formulation suite à une demande de son manager, qui rappelle que Didou n’est pas un humoriste vulgaire. On est d’accord avec ça, mais c’est important que vous sachiez les coulisses derrière la rédaction d’articles, NDLR). Déjà, j’étais fatiguée de la soirée (il passait en dernier) et la chaleur me faisait littéralement me sentir mal.
J’attendais un peu mieux de Didou, mais je savais que son angle vu et revu ne suffirait pas pour se distinguer.
FUP 2019 : verdict
La soirée des humoristes de demain (ils ont changé le titre, c’est beaucoup plus clair) a réussi son pari. Cette année, je trouvais cela difficile de choisir un vainqueur : les univers étaient très différents, et les observateurs ont noté deux groupes de niveau.
L’un des membres du jury nous a confié que Paul Mirabel se détachait nettement pour eux. Il serait intéressant de voir la réception du public : au-delà des applaudissements et des rires, cela donnerait un indicateur pour la suite de sa carrière. Je ne me fais pas de souci particulier ; en revanche, je suis extrêmement curieuse des prochains mois.
On verra plus que ses passages ultra-rodés – même si j’ai découvert de nouveaux textes. Il me confie sans cesse qu’il a envie de me montrer autre chose, et effectivement, c’était très appréciable.
Le casting du FUP 2019 aurait pu être plus fort, mais on était loin du niveau très, très hétérogène des Best de l’Humour. Chaque festival répond à des codes très précis, mais rien ne remplace le fait d’être dans le public des plateaux pour se faire une véritable idée des forces en présence. Avec autant d’humoristes, personne ne peut prétendre pouvoir offrir un condensé d’une dizaine de personnes…
Crédits photo
© Festival d’Humour de Paris / JMD Production