Critique – Sam, le Garçon qui va faire parler de lui
Sam joue son spectacle Garçon Ă la Petite Loge. Ce premier opus, NoĂ©mie de Lattre le met en scĂšne. NoĂ©mie de Lattre est actuellement Ă lâaffiche avec Lâharmonie des genres. Elle a aussi proposĂ© le spectacle FĂ©ministe pour homme â vous ne pouviez pas manquer lâaffiche dans Paris Ă lâĂ©poque. Autre information : Sam (Samuel Certenais) sort de 3 ans de formation Ă lâEHAS.
Un CV artistique passĂ© au cribleâŠ
Avec tous ces Ă©lĂ©ments, mon premier rĂ©flexe a Ă©tĂ© de snober ce show. Trop peur de revivre un Laurent Sciamma bis (Bonhomme). Les spectacles sur la masculinitĂ©, câest casse-gueule parce que cela peut sembler opportuniste. Aussi, on peut recycler des discours de lutte sans apporter du vĂ©cu, sans sa touche personnelle.
Et le risque est aussi de prĂȘcher des convaincus et cliver ceux qui pourraient progresser Ă lâĂ©coute du spectacle. Enfin, lâEHAS ou lâĂcole du One Man Show me font craindre quâon va encore sortir des gens formatĂ©s pour les festivals, Ă lâoriginalitĂ© nulle car ils ont appris Ă recycler des vieux sketches des annĂ©es 1990. CâĂ©tait ça dans le temps pour lâĂcole du One Man Show. LâEHAS, prolongement de Kandidator, pouvait annoncer le meilleur comme le pireâŠ
Heureusement, quelque chose me rassurait. Il officie Ă la Petite Loge, pas Ă la ComĂ©die des 3 bornes. La ComĂ©die des 3 bornes a, certes, rehaussĂ© son niveau de programmation. Cependant, câĂ©tait parfois lâantichambre des paroles fĂ©ministes qui ne sortent pas de leur cadre. Ă la Petite Loge, Perrine et MĂ©lissa auditionnent et dĂ©veloppent les talents sans concession. Une garantie rassurante.
âŠavant de convaincre avec brio : Sam est-il le garçon ultime ?
Le spectacle Garçon de Sam relate son parcours, dâune enfance affectĂ©e par la maladie (rĂ©volue) jusquâĂ nos jours. En toile de fond, son rapport aux filles, aux femmes, aux garçons, aux hommes. Jusque lĂ , rien dâĂ©tonnant.
Or si je reprends ma critique sur BilletRéduc, postée quelques minutes aprÚs le spectacle⊠Voici un résumé de ma pensée.
Encore un spectacle sur la masculinitĂ©, vous dites ? Laissez de cĂŽtĂ© ces prĂ©jugĂ©s et Ă©coutez, riez, dĂ©lectez-vous de la grĂące de cet artiste complet, capable de vous conter sa vie et faire dĂ©filer la vĂŽtre en l’imaginant tout autre si le monde avait Ă©tĂ© ajustĂ© diffĂ©remment. Les applaudissements Ă©taient interminables tant le public a senti comme un tournant, des vents non plus contraires mais nous poussant dans un monde meilleur. Je ne m’attendais Ă rien, je suis sortie comblĂ©e. Bravo, c’est trĂšs drĂŽle !
Touché par la grùce
Sam voulait plaire Ă son pĂšre, comme tant dâautres mecs. Le foot Ă©tait la voie royale, il lâa donc suivie. JusquâĂ cet incident de parcours qui lâamĂšne Ă explorer et observer la vulnĂ©rabilitĂ© Ă un Ăąge inhabituel. PlutĂŽt que de tomber dans le misĂ©rabilisme, il distille des moments de joie et dâhilaritĂ© un peu partout. Le storytelling est impeccable, servi par une performance aussi textuelle que corporelle.
Sans privilĂ©gier les personnages ou le stand-up, il livre son rĂ©cit avec une authenticitĂ© rare. Des sujets, souvent effleurĂ©s par la concurrence, existent ici en profondeur. Surtout, son histoire est personnelle, non dictĂ©e par un discours engagĂ© recrachĂ© tel quel. Sam est un garçon, un homme libre. Son spectacle relate cette quĂȘte de libertĂ©, et ça fait un bien fou.
Quand certains imitent les codes dâune masculinitĂ© moderne par conformisme, il se les rĂ©approprie et dĂ©veloppe son identitĂ© de maniĂšre singuliĂšre. Jâai aperçu cette prouesse rare chez deux artistes : Alexandre Kominek et Albert Chinet. Dâailleurs, ceux qui aiment Carlos adoreront Sabrina â lâaccent hispanique est 100% compatible avec le plaisir.
Le spectacle Garçon de Sam : un message universel sur la quĂȘte de soi
Pendant que Sam fait dĂ©filer sa vie en une heure de spectacle, vous voyez la vĂŽtre se matĂ©rialiser Ă son tour. Câest vrai quâĂ lâĂ©poque (les annĂ©es 2000 pour moi), les garçons Ă©taient comme ça, les filles comme ça. Il y avait bien des variations, mais parmi elles, combien se retrouvaient bridĂ©es ? Une majoritĂ©, assurĂ©ment. Les adultes regardaient, hagards, sentant parfois que quelque chose clochait. Au lieu dâaider, ils blĂąmaient, ne sachant pas rĂ©agir. Le cocon fĂ©minin autour de Sam lâa bien aidĂ©, et il a su, petit Ă petit, le transmettre Ă ses frĂšres dâarmesâŠ
Lorsquâil parle dâintimitĂ©, chacun peut sâidentifier. Que ce soit nous-mĂȘmes ou les gens que nous rencontrons. Ce mec qui rougit parce quâil nâa pas le permis. Cette meuf qui dĂ©veloppe des passions de mec et qui se fait rejeter. Tous les gens qui ont voulu sâapproprier le meilleur du sexe en mettant les injonctions de cĂŽtĂ©.
Un savant équilibre entre humour, émotion et parole engagée
Sur le plan comique, car on ne peut pas faire lâimpasse, oĂč se situe le spectacle Garçon de Sam ? Le storytelling me rappelle celui de Marion Mezadorian : Ă©mouvant, avec des moments oĂč le rire accompagne ou rompt lâĂ©motion.
LâoriginalitĂ© est au rendez-vous : lâauthenticitĂ© nous captive de bout en bout. Enfin, quand vous connaissez lâexpression show, donât tell, vous apprĂ©ciez ne pas entendre des notions thĂ©oriques lancĂ©es comme des mots-clĂ©s comme « patriarcat ». Je crois quâil ne le dit jamais â un peu comme une Dena qui adopte une approche âcomedy firstâ.
La justesse qui en rĂ©sulte impressionne, Ă©meut ; chacun rĂ©alise quâil a vu un grand spectacle. Quâil poursuive son chemin au Théùtre du Marais ou Ă la Nouvelle Seine, Sam va faire parler de lui. Pour lâheure, laissons-lui du temps â câest fou de se dire quâil vient tout juste de commencer sa carriĂšre comique !