Ces 5 raisons qui rendent Alexandre Kominek incontournable

Juliette Follin 05/12/2022

Alexandre Kominek est en train de devenir un visage incontournable du stand-up. Nous avons eu la chance de voir son spectacle dès ses débuts, dans la salle intimiste de la Petite Loge. Par la suite, nous l’avons retrouvé au BO Saint Martin, une salle moins intimiste… où le public venait timidement.

Et comme souvent si l’on n’y prête pas attention, il semble y avoir eu un déclic qui l’a mis sur le devant de la scène. Pour certains, il y a eu un avant et un après France Inter. Mais pour tous ceux qui connaissent sa back story, pour citer son compère de toujours Charles Nouveau, le hasard et la chance n’ont pas grand-chose à voir là-dedans. Voici 5 raisons pour lesquelles il faut le voir au Théâtre du Marais, ou ailleurs !

Il remplit régulièrement le Théâtre du Marais

Le Théâtre du Marais est l’une de ces salles de 100 places qui font et défont les carrières. Moins connue que le Point Virgule et légèrement moins bien située peut-être, elle demande un réel effort de remplissage. Elle n’est certes pas la seule à essuyer un tel revers, surtout face à une concurrence de masse à Paris. Toujours est-il que remplir cette salle à fréquence régulière, ce n’est pas rien.

Alors bien sûr, il y a France Inter… mais Alexandre Kominek n’est pas vraiment l’humoriste estampillé Inter. La station a bien changé, la diversité des styles comiques prenant de plus en plus de place. Mais il faut faire sa place à la radio comme sur scène. À ce petit jeu-là, Alexandre Kominek excelle. On décrypte cela juste après.

Alexandre Kominek reste fidèle à lui-même et se livre entièrement en stand-up

Quand on se développe en tant qu’artiste, il est facile de suivre des modes. D’autant plus que les professionnels et le public vous attendent au tournant. Ils sont accros à la comparaison, et nous tombons aussi dans ce piège.

Alexandre Kominek a parfois essayé de s’adapter, quitte à se manquer parfois. Sa chronique sur Clique consacrée aux passages piétons n’a pas fonctionné… Je me disais alors qu’il aurait du mal à importer la folie qu’il amène si naturellement sur Couleur 3.

Or avec le temps, il a su réunir ces deux mondes assez éloignés pour faire son humour à lui. Peu importe la grandeur de la station, l’histoire comique nichée dans les murs tout de rouge vêtus… L’homme est devenu plus grand que son socle.

Alexandre Kominek fournit une performance de stand-up rare

Au Théâtre du Marais, le spectacle devient plus long : une bonne heure et demie de concentré de Kominek survitaminé. Il donne tout, se livre entièrement et sans aucune concession. Alexandre Kominek ne tremble pas face à l’enjeu de s’engager pleinement dans son œuvre. Il use d’un mantra qu’on ne vous divulgâchera pas… mais qui constitue un fil conducteur qui lui donne un boulevard pour se réaliser pleinement.

C’est un spectacle rare, une véritable performance qui place le spectateur dans l’arène. Ce ne sont pas seulement des rires : il se passe quelque chose de physique, d’unique. C’est le spectacle le plus vivant que j’ai vu, et tout cela sans artifice ou gadget. Et cela se ressent quand on croise le comédien après sa prestation. Il semble rincé, presque éteint tant il a donné. Ce genre de générosité scénique se savoure, croyez-moi.

Il est plus subtil qu’il n’y paraît

Certains pensent peut-être qu’Alexandre Kominek en stand-up, c’est du cul et de la débauche sur pattes. Loin de moi l’idée de vous contredire pleinement, mais dans ses textes, il y a toujours quelque chose de subtil qui se glisse. Cela ne dure pas longtemps, c’est certes furtif, mais cela revient de manière récurrente.

Ceux qui connaissent le mieux Alexandre Kominek louent une personne entière, et ça se ressent entre les lignes. Il n’en fera pas des caisses pour le montrer, mais derrière l’impudeur de ses créations se cache quelque chose de très précieux. Alors tendez l’oreille, observez bien : vous pourrez trouver un joli trésor derrière cette gabegie d’apparences.

Alexandre Kominek progresse à vitesse grand V

Seulement quelques mois séparaient les deux versions du spectacle que j’ai vues en 2022. Habituellement, les améliorations intervenaient selon un rythme classique. Mais là, quelle accélération ! Les passages qui perdurent sont tous remaniés, parfois à la phrase près.

Mais ce n’est pas tout : les nouvelles situations pleuvent ! Le rappel est très dense, alors que le public (et probablement l’artiste) ont déjà vécu une sacrée expérience de plus d’une heure, déjà. Certains affirment faire évoluer leur œuvre en permanence, mais ils en parlent parfois trop, au détriment d’une réelle évolution. Alexandre Kominek parle de « tornade de plaisir » ; voilà qui suffit à résumer l’expérience. L’économie de mots tranche avec le tour de force qu’il nous fait vivre.

Il redonne ses lettres de noblesse au rire en bousculant, surprenant, flirtant avec l’offense

Dernier point, et non des moindres. Un tel engagement physique et psychique sur scène ne laisse pas indifférent. Après un spectacle d’Alexandre Kominek, on a envie de prendre une douche, d’écouter une musique tranquille en boucle ou autre moment de ressourcement dans l’urgence.

À plusieurs reprises, l’humoriste suisse déplore la folie du monde dans lequel on vie, préférant l’ivresse à la sobriété pour oublier cette violence-là. Il propose un spectacle vraiment cru, qui souligne certains pans du genre humain avec une vérité d’une justesse stupéfiante. Tout ce qu’il produit sur scène bouscule le spectateur. Les interjections du type « Oh mon Dieu ! » suivies d’éclats de rire venant de nos entrailles sont fréquentes.

Et la sensibilité, bordel ?

Dans son spectacle de stand-up, Alexandre Kominek sait offenser, choquer, mais pour une noble cause. Avec son spectacle, il vient nous secouer. Tout cela nous réveille et nous recâble, en quelque sorte. Certains artistes le font avec de jolis accords de guitare, des vers poétiques et autres conférences TED (remplacez ça par un truc qui vous parle). Alexandre Kominek fait différemment : au lieu de caresser le public dans le sens du poil, il donne à voir tout ce qui est cru sans jugement de valeur. Et c’est au public de se positionner.

On pourrait penser que la sensibilité n’a pas sa place dans ce spectacle. Or elle est présente dans le titre (Bâtard sensible) et au dos du flyer du spectacle. Comme l’a dit François Rollin sur Radio Nova il y a quelques années, le grand plaisir du public est de faire une partie de chemin par lui-même. S’il ne semble pas faire preuve de sensibilité dans les nombreux moments de jeu, c’est parce que c’est la nôtre qui apparaît de manière crue. Une véritable connexion s’opère. Et rien que pour cela, le spectacle d’Alexandre Kominek surplombe celui de ses contemporains. Profitons de la chance d’avoir un tel talent à disposition sur la scène francophone !

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