Guillaume Meurice, liberté d’expression et récupération politique

Juliette Follin 03/04/2024

En mars dernier, Guillaume Meurice dévoilait Dans l’oreille du cyclone. Un nouveau livre qui relate, jour après jour, l’histoire d’une blague qui l’amenait directement dans la gueule de la PJ. Que nous raconte cet ouvrage ? La récupération politique déstabilise-t-elle tant les puissants qu’il faille céder du terrain aux censeurs de tous bords ? Sans avoir la prétention de répondre une bonne fois pour toutes à ces questions, voici quelques impressions.

Dans l’oreille du cyclone : Guillaume Meurice sur France Inter, puis à la police judiciaire

Guillaume Meurice a bon dos. Comme d’autres humoristes qui se mêlent à la vie politique en usant de satire, il risque des récupérations politiques et des bad buzz de 48 à 72 heures dans la plupart des cas. Mais pas en novembre 2023, où la récupération politique lui a valu des ennuis judiciaires. Dans l’oreille du cyclone est le journal de bord d’une inquiétante dérive dans une forme d’indifférence générale. Voire de complicité médiatique (voir cet extrait ubuesque sur Quotidien).

Ce livre est aussi le récit d’un deux poids, deux mesures inquiétant. Des journalistes détenteurs de cartes de presse manipulent ainsi des fake news tout en fustigeant le comique de service… En toute impunité — sinon ce ne serait pas drôle ! Il faudrait l’agrémenter d’autres essais sur l’état du journalisme en France. Les mutations récentes entre journalisme d’opinion et journalisme factuel ou encore la montée des médias alternatifs sur le web méritent une analyse. Il en va de même pour le concept de neutralité ou encore le remplacement d’éditorialistes par des personnalités influentes… qu’elles soient de bonne foi ou à tendance complotiste !

L’humour France Inter incarné par Guillaume Meurice : savons-nous vraiment de quoi nous parlons ?

Revenons au sujet initial. Guillaume Meurice agace nombre d’observateurs en incarnant l’humour dit France Inter. Un syntagme qui finit par ne plus rien vouloir dire, ses détracteurs n’écoutant pas ses émissions par ailleurs. Paradoxalement, lorsque cette polémique instrumentalisée a vu le jour, une partie de ses adversaires se ralliait à la cause, tant le foutage de gueule était manifeste. Même les ennemis du « camp du bien » voyaient qu’on pour les prenait pour des débiles profonds et sortaient de leur posture idéologique, plus ou moins marquée.

Dans l’oreille du cyclone de Guillaume Meurice est un signal d’alarme mais aussi une excellente manière de décrypter le bruit des polémiques. Je pense aussi à Gaëtan Matis, complètement instrumentalisé après une story sur Instagram et qui a dû faire profil bas pendant de longs mois. Comment ne pas évoquer Alexandra Pizzagali, clouée au pilori par le service public (contrairement aux deux précédents, elle ne récupèrera pas son statut initial…) ?

Quand les institutions se désolidarisent et cèdent à la peur… le public fait la part des choses

La réaction, comme pour Guillaume Meurice, des structures qui les employaient était une abdication totale alimentée par la peur, parfois par des dégâts matériels bien réels. Dans tous les cas, on a pris au sérieux des gens capables d’asséner des menaces de mort et fustigé des blaguistes. Tout cela dans un écosystème médiatique dont la concentration des pouvoirs ou encore la course au buzz nuit à l’information de qualité.

Puisqu’après la pluie, le beau temps, on voit aussi à quel point le public n‘est pas dupe. Il y a bien plus de bon sens chez nos concitoyens qui écoutent la radio que le tapage médiatique nous l’intime. Ainsi, il faut s’y accrocher, résister à ceux qui veulent façonner l’humour et lui faire perdre son âme. Cela vaut pour l’humour politique comme pour tous les autres, par ailleurs, tant les attaques sont virulentes et proviennent même, parfois, des humoristes eux-mêmes… Mais là encore, c’est un autre sujet où la violence, de plus en plus débridée, inquiète. Les réseaux sociaux se transforment en ring, l’esprit critique est en chute libre et les paroles apaisantes deviennent inaudibles.

Bonus track : l’analyse de la mue éditoriale de France Inter par Blast

Précisons ici qu’avec Usul et Blast dans le camp de l’analyse, vous aurez une certaine lecture de la chose. Cependant, les faits relatés dans la vidéo permettent de comprendre qui souhaite la perte de vitesse de l’humour politique au profit d’un humour plus feel good.

Contrairement au privé, ce n’est pas pour gagner des nouveaux auditeurs de tous bords… mais plutôt de créer du nudge. Comprenez là une incitation subtile à réduire la voilure et s’autocensurer au passage. C’est aussi pour ça que des Rire et chansons se foutent de la gueule de France Inter et de leur soi-disant liberté éditoriale totale. Une liberté supposée bien décryptée dans le livre de Guillaume Meurice, par ailleurs…

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