Des Batignolles au Sacré Frenchy : deux salles, deux ambiances
Chaque soir de stand-up est diffĂ©rent. Ce mardi, je dĂ©couvrais le Batignolles Comedy, un nouveau plateau non loin de lâEuropĂ©en. Une premiĂšre rencontre inattendue, car je devais me mĂ©nager pour la soirĂ©e de la semaine, voire du mois : lâanniversaire du Laugh Steady Crew.
Mais vous savez ce que câest, quand vous attendez quelque chose avec impatience. Câest souvent dĂ©cevant. LâĂ©tait-ce ? En grande partie, et câest douloureux quand la rentrĂ©e du plateau a Ă©tĂ© si bonne. Mais il faut des soirs en demi-teinte pour vivre des moments inoubliables, alors jâai hĂąte de revenir au SacrĂ© Frenchy !
Batignolles Comedy : Vega & Vega et Renaud Sanviti assurent
Le Batignolles Comedy est une petite salle, qui rappelle la configuration du 33 Comedy Ă la Grange en plus intimiste encore. Je me suis tout de suite sentie chez moi. Les MC sont Vega & Vega, un Franco-Espagnol rigolo, et Renaud Sanviti, le puriste du stand-up comme on aime lâappeler.
Renaud assurait sa premiĂšre chauffe et sâen sortait avec les honneurs. De plus, son passage sur les motocrottes me rappelait le jour oĂč jâai entendu ce terme pour la premiĂšre fois : avec Ăric et Ramzy. JâĂ©tais tellement saisie par ce moment que jâai Ă©crit un article, lâun des premiers du siteâŠ
Dans le line-up, on Ă©tait ravi de retrouver Omar DBB, que les autres humoristes adoraient en coulisses. Il y avait aussi Pierre DuDza, dont lâĂ©nergie nonchalante fonctionnait particuliĂšrement bien. Je lâai trouvĂ© aussi Ă©puisĂ© de vivre quâattachant, et câĂ©tait un moment vraiment exceptionnel.
Bref, on riait sur scĂšne et hors scĂšne, câĂ©tait convivial et jâai repoussĂ© lâheure du dĂźner plus que de raison juste car je ne voulais pas quitter cette ambiance. Un cocon, le seul endroit oĂč jâaurais voulu ĂȘtre Ă ce moment-lĂ . Je vous conseille vivement cette expĂ©rience stand-up.
Anniversaire du Laugh Steady Crew au Sacré Frenchy : une soirée en dents de scie
Je ne sais pas si câĂ©tait le contraste avec les Batignolles, mais le Laugh Steady Crew a jouĂ© avec mes nerfs 24 heures plus tard. Il sâagissait dâune Ă©dition anniversaire, donc jâai imaginĂ© une ambiance similaire au Bar Ă Bulles.
En rĂ©alitĂ©, la soirĂ©e Ă©tait assez banale. Pourtant, elle commençait trĂšs bien avec lâOpen Mic. Pour lâoccasion, les meilleures recrues de la scĂšne ouverte bĂ©nĂ©ficiaient dâun passage au SacrĂ© Frenchy. Le lieu est mieux que le Maximilien, mais câĂ©tait difficile de faire pire. La salle du Maximilien est bien, mais le cadre du bar ne mâa jamais fait vibrer. LĂ encore, câest la salle qui porte le lieu, car la partie bar minuscule a suffi de dĂ©goĂ»ter lâagoraphobe que je suis.
Mais le cadre, on sâen fout un peu. Ce qui compte, ce sont les artistes sur scĂšne. Comme tout le monde lâavait pronostiquĂ©, Noah et Jean-Paul se dĂ©marquaient des autres lors de lâopen mic. Câest tout ? Non, parce quâil y avait un homme au-dessus de tous les autres. Un super-hĂ©ros du rire : Humourman.
Alors Humourman, câest un clown. Un clown, depuis le dĂ©part dâAude Alisque du Laugh Steady Crew, ça manque cruellement Ă la troupe. Son passage Ă©tait peut-ĂȘtre encore perfectible, mais sa prĂ©sence Ă©tait enthousiasmante. Jâai particuliĂšrement apprĂ©ciĂ© les longueurs et silences, et puis ensuite son jeu Ă la toute fin de la soirĂ©e. Il jouait comme un enfant en flirtant avec le jeu de lâhumoriste et celui dâun type qui se retrouve dans cette situation, comme Jean-Philippe de Tinguy pouvait le faire. LâannĂ©e prochaine, Thierno, intĂšgre ce futur gĂ©nie dans la troupe ! Câest un ordre.
En ce qui concerne les autres humoristes de lâopen mic, le niveau Ă©tait correct par rapport aux attentes. Ayrton Ă©tait celui qui empruntait le plus les codes du stand-up au dĂ©triment dâune proposition personnelle, mais sâil sâapplique, il pourra progresser. Au stade de lâopen mic, ça va.
Quand les meilleurs outsiders de lâopen mic tutoient lâĂ©quipe rĂ©guliĂšre du LSC
Avait-on encore de lâĂ©nergie pour la suite de la soirĂ©e ? Un peu moins, mais lâenthousiasme nous maintenait en haleine. Il aura Ă©tĂ© de courte durĂ©e. DĂ©jĂ , lâun des deux guests Ă©tait absent : Alexandre Kominek joue son spectacle au mĂȘme moment, difficile pour lui dâarriver avec plus de 30 minutes de retard⊠sur la fin de la soirĂ©e. Dommage.
Ensuite, le set de Haroun Ă©tait certes trĂšs bien, mais je le voyais pour la troisiĂšme ou la quatriĂšme fois en deux semaines. Une circonstance attĂ©nuante qui me faisait attendre la suite. Mahaut, qui venait dâapprendre une nouvelle perso difficile, assurait tout de mĂȘme sa prestation comme une battante. Avec les circonstances, cela rendait le tout impressionnant, mais sans cette explication de texte, ce nâĂ©tait pas sa meilleure prestation. ForcĂ©ment, et on ne lui en tiendra pas rigueur du tout.
Cela restait mou avec la suite de la troupe : les prestations nâĂ©taient ni bonnes, ni mauvaises Ă mes yeux. Mais, comme pour la fois oĂč jâai vu Marina Rollman un soir triste, la magie nâopĂ©rait pas. Di Mambro et Audrey JĂ©sus sâen sortaient mieux que les autres, mais cela ne mâaidait toujours pas Ă profiter Ă 100 %. Et puis il y a eu le set dâAvril. Et lĂ , câĂ©tait le drame.
Coupes fatales
Avril, câest un maĂźtre dans la prise de risque, mais câest aussi un humoriste qui a besoin dâexpĂ©rience pour dĂ©ployer tout son potentiel. Alors quand il a commencĂ© un set en jouant un personnage macho et odieux, le clivage commençait.
CâĂ©tait brutal. Comme le coup de tĂȘte de Zidane Ă la coupe du monde 2006. Je me disais, cherchant une once dâhumanitĂ© chez le comĂ©dien pour me rassurer : « Câest normal, ne panique pas. Il va venir nous rĂ©cupĂ©rer en contrebalançant quelque part⊠».
LâidĂ©e de base, câĂ©tait de jouer le rĂŽle dâun dĂ©fenseur du patriarcat qui donnait un atelier pour conserver ses privilĂšges. Lâintention, câĂ©tait de produire un truc fĂ©ministe tellement le personnage Ă©tait grotesque, pour tourner en ridicule ce type de propos. Mais comme le moment salvateur nâarrivait pas, on sâest tous plus ou moins dit : « Mais, dâoĂč il prend le micro ce mec ? Il se prend un mur, et il accĂ©lĂšre en plus ! ».
Du coup, aprĂšs une nuit de sommeil agitĂ©e oĂč je me disais : « oh non pas ça, pas aprĂšs tout ce que tu as fait⊠», jâai Ă©tĂ© Ă la pĂȘche aux infos. Il fallait faire 2 minutes plus court, et quâest-ce qui a sautĂ© ? Les parties de dĂ©samorçage. Ben voilĂ . Bonne lecture du jeu, nâest-ce pas ?
Le passage mâavait tellement dĂ©sarçonnĂ©e que jâĂ©coutais dâune oreille celui de Pierre DuDza. ArrivĂ© par la porte comme une superstar, il avait lâair dâĂȘtre bon, mais je restais en PLS des cinq minutes prĂ©cĂ©dentes. Morgane Cadignan, dans le public, me demandait si jâaimais bien Pierre car je ne rĂ©agissais pas. Câest vous dire. Je crois que Pierre a Ă©tĂ© le meilleur de la soirĂ©e, mais je suis incapable de vous lâaffirmer.
Culture du roast
Les roasts nâĂ©taient pas assez bien structurĂ©s. Ă la base, Jimmy, le MC, devait dĂ©partager des duels. Au final, Mahaut a dĂ©cidĂ© de lancer ses missives Ă chacun. Câest dommage, car il nây en a pas eu pour tout le monde.
Les roasts, je connais mal leur mĂ©canisme. Mais jâai trouvĂ© que ça allait trop souvent en-dessous de la ceinture gratuitement. Heureusement, Anissa Omri Ă©tait la plus percutante et la meilleure dans cet exercice. Pierre DuDza Ă©tait moins bon quâĂ lâhabitude, surtout quâil nous a resservi une punchline dĂ©jĂ faite.
Ă part une ou deux autres rĂ©pliques bien senties, lâensemble de la troupe Ă©tait en-deçà de mes attentes. Dommage pour cette occasion manquĂ©e, mĂȘme si câĂ©tait bien meilleur que lâaperçu des roasts de lâEntrepotes Comedy avec Guillaume DollĂ©, Julien Sabas et Adel.
Un conseil, donc, pour tous ceux qui veulent faire des roasts : regardez Crashing ou dâautres trucs. Pour une fois, je veux bien quâon sâinspire des AmĂ©ricains. Ou quâon crĂ©e des joutes verbales Ă la française, de la poĂ©sie sanguinaire ou lâart de complimenter par des arguments inversĂ©s. Je dis peut-ĂȘtre ça pour mon texte adressĂ© au Cercle du rire, mĂȘme si franchement, je serais incapable de roaster quiconque sur scĂšne et que je respecte la prestation du LSC.
Assister au dĂ©brief : Thierno Thioune, capitaine dâĂ©quipe fĂ©dĂ©rateur
La soirĂ©e terminĂ©e, jâai eu la curiositĂ© dâĂ©couter le dĂ©brief du metteur en scĂšne, Thierno Thioune. Je voulais savoir si jâĂ©tais la seule Ă avoir passĂ© une soirĂ©e en demi-teinte. Il y avait du travail, semble-t-il, mais Thierno voulait surtout crĂ©er une Ă©mulation, un esprit de troupe. Globalement, la soirĂ©e Ă©tait meilleure que mon ressenti. Câest vrai que je ne passais pas la soirĂ©e de ma vie, et que quand le public nâest pas dedans, certaines choses paraissent pires quâelles ne le sont vraiment.
En tout cas, câĂ©tait trĂšs instructif dâentendre Thierno prodiguer des conseils trĂšs justes et mesurĂ©s. Et ce cĂŽtĂ© capitaine dâĂ©quipe fĂ©dĂ©rateur⊠JâĂ©tais bluffĂ©e, bluffĂ©e aussi par lâĂ©coute qui rĂ©gnait Ă cet instant solennel. Ăa bosse dur au Laugh Steady Crew, câĂ©tait juste un anniversaire sans folie. Comme si ça tournait tellement bien que le travail prenait le dessus sur la cĂ©lĂ©bration. Câest peut-ĂȘtre ça, le secret : travailler chaque jour de la mĂȘme maniĂšre, en ignorant les circonstances exceptionnelles.
AprĂšs le dĂ©brief, jâai errĂ© de personne en personne, incapable de rester ou de partir, jusquâau moment oĂč jâai acceptĂ© quâil fallait se casser. Une nouvelle scĂšne mâattend ce jeudi soir, et aprĂšs un accident de parcours, il faut remonter en selle tout de suite. Je vais faire ça, donc.
Crédits photo
Anissa Omri © Maayane Bouillon