Alexandre Kominek : mon rencard avec un bĂątard sensible

Juliette Follin 28/09/2018

Aller voir Alexandre Kominek, ce « bĂątard sensible », avait tout d’une remise en selle. Comme un retour dans le game des rencontres amoureuses versions spectacle vivant.

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Une amie humoriste me confie qu’Alexandre Kominek est vraiment sympa. Son cĂŽtĂ© Roberto d’Un, dos, tres mĂ©ga assumĂ© couplĂ©e Ă  cette information me bouleverse les hormones. Je m’attends Ă  une expĂ©rience sensorielle boostĂ©e par les zygomatiques probablement inoubliable.

La Petite Loge : le Tournez ManĂšge du spectacle vivant

Quoi de mieux, d’ailleurs, que le cadre intimiste de la Petite Loge pour concrĂ©tiser cette rencontre scĂ©nique. C’est lĂ  oĂč j’ai dĂ©couvert Charles Nouveau ou Jean-Philippe de Tinguy. Des mecs qui ont eu une influence Ă©norme sur ma maniĂšre de voir l’humour et la vie aujourd’hui. Des mecs qui font aussi ma rĂ©putation de fan amoureuse.

Quand j’ai su que Perrine de la Petite Loge en a parlĂ© avec Mo Hadji, j’étais mal de traĂźner encore ce boulet-lĂ , que je devrais assumer. Passer outre le fait que ça parle de moi avec bienveillance et un soupçon de pitiĂ©. C’est dans ma tĂȘte, les gens sont surtout bienveillants. Maintenant, je dĂ©cide de cacher mes apprĂ©ciations et de ne plus accorder ce statut de Dieu vivant comique. Grosse rĂ©volution.

Préliminaires

Dans ce contexte, je pense Ă  cette soirĂ©e depuis que j’ai achetĂ© le billet. Cela fait un bon mois. Inconsciemment, j’ai encore envie de me prendre au jeu, quitte Ă  me casser les dents ou le cƓur. Le rapport de sĂ©duction artiste/public est explicite comme jamais. L’intimidation se mĂȘle Ă  la gĂȘne, je ne sais pas si je vais oser le premier rang.

La veille au soir, j’espĂšre ĂȘtre suffisamment en forme. Je ne veux pas vivre un truc Ă  la Ghislain Blique — pour comprendre, Ă©coutez-le sur scĂšne. Le matin, je sors du lit le plus tard possible pour emmagasiner plĂ©thore d’énergie. Plus ou moins inconsciemment, je « fais pĂ©ter » la robe jaune. La rouge fait plus d’effet mais un taureau ne doit pas ĂȘtre tant sollicitĂ© le premier soir. On associe le rouge Ă  la marque sportive et passionnĂ©e Ferrari, mais sa couleur historique, c’est le jaune. Comme Renault. Oui, il y a une subtilitĂ© Ă  saisir dans le rapport de sĂ©duction. Il faut toujours la jouer fine.

Bien Ă©videmment, je n’ai aucune idĂ©e du niveau de conneries atteint dans le paragraphe prĂ©cĂ©dent. Cela dit, j’ai cru comprendre la chose suivante. Si tu as l’air de t’amuser, et que tu t’en fous vaguement, alors tu marques des points. Ce n’est pas de moi, mais des gentilshommes.

L’avant-spectacle

J’arrive Ă  la Petite Loge vingt minutes avant le show. Deux femmes attendent dĂ©jĂ  : une mĂšre et sa fille. Nous resterons trois spectatrices dans l’expectative de longues minutes. Je panique : Alexandre Kominek mĂ©rite une assemblĂ©e plus majestueuse que ça.

Heureusement, deux autres personnes arrivent Ă  la hĂąte. Je ne suis pas Ă©tonnĂ©e : sur le mĂȘme crĂ©neau, Charles Nouveau ne faisait pas toujours des complets. Le spectacle dĂ©bute, ça aurait pu aller. C’est juste que le reste Ă©tait trĂšs, trĂšs en retard.

À la billetterie et rĂ©gie, MĂ©lissa voyait son calme quitter la salle. Un type arrive et se rend compte que le spectacle n’est pas Ă  20h30 mais une demi-heure plus tĂŽt. Nous sommes dĂ©jĂ  en salle et j’aperçois les baskets du comĂ©dien qui trĂ©pignent derriĂšre le rideau.

J’avais choisi le deuxiĂšme rang, finalement. Les deux femmes du dĂ©but Ă©taient derriĂšre moi, le couple encore derriĂšre. Mon sang ne fait qu’un tour : j’implore les deux femmes de m’accompagner sur ce rang. Je sors la rengaine de pitiĂ© habituelle : c’est un jeune artiste, vous savez… Ce serait sympa pour lui. En vrai, le comĂ©dien a souvent plus peur que le public. Ok, il y a parfois des relous sur scĂšne qui te font regretter ton assise. Mais connaissant le niveau de la bande des humoristes suisses (Jokers / Carac Attack), il n’y a rien Ă  craindre.

Elles me rejoignent. Au final, une dizaine de minutes plus tard, chaque rangĂ©e est bien garnie. Les derniers retardataires arrivent quand mĂȘme en cours de route, ce qui doit faire ruminer un artiste en coulisses. Quand ces coulisses se composent d’un local poubelles, la coupe est pleine.

Le spectacle d’Alexandre Kominek

Le miracle se produit : le spectacle commence. Alexandre n’a pas l’air aussi assurĂ© que lorsqu’il joue un personnage. La relation qui s’installe n’a rien Ă  voir avec un rapport de force. Je trouve ça touchant qu’il ait un rictus systĂ©matiquement coordonnĂ© Ă  l’un de nos rires. AprĂšs, je vous rassure, il maĂźtrise parfaitement cette entame. On est loin du jeune humoriste en PLS qui alterne entre trĂ©molos et tremblements.

Les premiers sujets sont tranquilles. Par expĂ©rience, je sais que ça va monter crescendo. On ne met pas les couilles sur la table d’emblĂ©e, mais on est content de les voir apparaĂźtre par surprise. Dans le spectacle vivant, j’entends. N’essayez pas ça avec trop de dĂ©sinvolture par les temps qui courent…

Le storytelling dĂ©marre. La salle est captivĂ©e, les rires augmentent comme prĂ©vu. Globalement, les sujets peuvent ĂȘtre lourdingues : le cul, la drogue, les prostituĂ©es. Or, le tout est amenĂ© avec beaucoup d’intelligence. J’hĂ©site Ă  dire que c’est fin, mais clairement ça l’est bien plus que nombre de ses concurrents.

La patte Fifty Fifty : ça ressemble Ă  du Charles Nouveau, mais ça n’a rien Ă  voir

Le phrasĂ© et le rythme m’accrochent d’emblĂ©e. On sent qu’il a rĂ©guliĂšrement partagĂ© la scĂšne avec Charles Nouveau. J’ai l’impression de voir son frĂšre spirituel. C’est hyper agrĂ©able : aucun ne prend l’ascendant sur l’autre, les deux ont un niveau similaire.

Certaines histoires sont bel et bien incroyables. Certaines thĂ©matiques sont plus inattendues, comme l’expĂ©rimentation sexuelle. Parler de certaines choses avec beaucoup de tact et sans vulgaritĂ© n’est pas donnĂ© Ă  tout le monde. Des mĂ©gĂšres risquent de ne pas ĂȘtre d’accord avec moi, mais je sais ce que j’avance.

Je m’explique : parfois, Alexandre Kominek s’excuse d’ĂȘtre trash. C’est un bouclier anti-troll indispensable pour l’époque, mais si Kominek ne fait pas du Kominek, alors on ne peut plus rien dire. Et ce serait trĂšs, trop dommageable.

Comme il le dit lui-mĂȘme, ne cherchez pas une morale Ă©mouvante dans ce spectacle. Vous avez en revanche une sĂ©rie d’anecdotes racontĂ©es avec beaucoup d’humour et de lĂ©gĂšretĂ©.

Verdict : Alexandre Kominek, bĂątard sensible ?

Le spectacle est en rodage, mais on n’a pas l’impression d’ĂȘtre un cobaye. Au contraire : malgrĂ© les circonstances un peu dures, Alexandre Kominek fait le job. La mise en scĂšne est juste et Ă©quilibrĂ©e, l’utilisation d’élĂ©ments minimalistes du dĂ©cor est intelligente… Bref, si vous analysez les spectacles d’humour ou si vous cherchez Ă  passer un bon moment, vous risquez de passer une bonne soirĂ©e. Bien loin du rencard foireux que tu peux trouver sur Tinder et autres marchands douteux de bonheur moderne.

Profitez, venez, et inversement.

Crédits photo

Alexandre Kominek © Manuel Firme

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