Les Auguste 2025 et autres remparts à l’entre-soi humoristique

Les Auguste sont une nouvelle cérémonie (on devine le clin d’œil aux Olivier au Québec) qui célèbre l’humour. La première édition se tient aujourd’hui même (et si vous voulez comprendre les coulisses, ils publient leur règlement en toute transparence). Absente depuis quelques temps, je profite de cette actualité pour relancer les publications du spot du rire.
La temporalité compte. Après une année 2024 éprouvante, entre algorithmes aveuglants et déflagration #MeTooStandUp, on a envie d’un renouveau cette année. On le sent dans l’air : il est possible. La temporalité compte, donc, car février 2025 marque également la fin des auditions. Quelles auditions, me direz-vous ? Celles dont Yacine Belhousse parlait dans l’excellent podcast Les grands remplaçants, où le stand-up se faisait ratatiner par du one-man ringard ? Ça aurait pu (et je vous le suggère parce que son visionnage est jouissif).
En l’occurrence, je ne vous parle pas d’un tremplin ou festival d’humour. Je parle des auditions de la commission d’enquête relative aux violences commises dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité.
Je vous conseille vivement l’écoute de ces entretiens. Il faut certes du temps, mais ce temps est nécessaire. D’abord, celle concernant Yassine Belattar et la manière dont, même si l’alerte a été lancée, elle a été étouffée malgré beaucoup de volonté de la part de certaines équipes encadrantes (voir ci-après). J’y ajoute celle des journalistes de Médiapart et celle où des femmes de l’ombre comme dans la lumière narrent les conséquences délétères, voire irréversibles, pour leur carrière.
Comment garantir les droits des artistes et des pros de l’humour en 2025 ?
Je mets en parallèle cette série d’auditions avec les Auguste à la suite d’une réaction d’une productrice indépendante. Elle appelait de ses vœux la naissance d’un syndicat pour défendre les droits des artistes plutôt que la création d’une nouvelle remise de prix.
L’idée n’est pas nouvelle ; son exécution est urgente. Alors que les Auguste continueront de célébrer une part infime de l’écosystème, ne mettons pas sous le tapis les conditions complexes dans lesquelles les nouveaux talents émergent.
Comprenez-moi bien : la naissance des Auguste est une excellente nouvelle. Mais nous ne pouvons plus faire l’impasse sur les conditions d’accès à la profession. Cela vaut autant pour les artistes que pour les professionnels de l’humour. Vous le savez peut-être, je me reconvertis dans le milieu. C’est super, j’ai choisi une formation qui est sans doute la plus adaptée… Sauf que niveau humour et stand-up, leur expertise est limitée.
C’est normal : les conditions pour rentrer dans le milieu correctement n’existent pas encore. Sa professionnalisation est encore balbutiante et se concentre notamment sur les formations d’artistes. Ce faisant, les points de vue ne sont pas assez confrontés et les manières de développer les artistes risquent de rester archaïques.
On a d’abord des propositions extrêmement volontaristes et à la pointe en matière de progressisme. Certaines sont super, d’autres sont en mode fake it until you make it. Jusqu’à quand ? Les paris sont ouverts. Ensuite, l’ancien monde, qui se porte à merveille. Si vous pensez que le #MeTooStandUp a fini sa tournée, vous n’êtes pas prêts pour la suite… Enfin, les artistes aimés des algorithmes et trop souvent décevants sur scène. D’un extrême à l’autre, on n’y voit plus très clair. Je sais que dans l’ombre, certains se battent et résistent en y mettant leurs dernières forces. Tenez bon, vous êtes les remparts à la médiocrité.
Pétarader l’entre-soi une bonne fois pour toutes
Pour revenir aux cérémonies, elles seront toujours bénéfiques, mais elles ne trancheront pas dans le vif les sujets qu’on élude.
Prenons un exemple pas si futile que ça. Est-il nécessaire d’être drôle pour être reconnu par la profession, ou bien le message permet-il de faire l’impasse sur la comédie ? Je ne le pense pas, mais d’autres auront un tout autre regard. Je respecte Waly Dia pour son travail, mais son art est-il davantage un positionnement politique que du pur comique ? Les Auguste ont tranché, il concourt dans 3 catégories. Et encore, je prends Waly Dia comme exemple, un artiste qui fait consensus…
Alors imaginez ce qu’il en est pour des artistes qui sont là on ne sait trop pourquoi ! La catégorie Révélation scène de l’année 2024, la plus intéressante à mes yeux, est en partenariat avec la Fédération des Festivals d’Humour. Elle stipule que les « artistes révélations, sont nommés à partir des indications fournies par la FFH, qui communique la liste des artistes ayant obtenu le plus de prix dans les festivals pendant la période de référence. » Pour les stand-uppers, on repassera…
Les Auguste, et plus largement ce qui doit permettre à la profession d’accueillir de nouveaux acteurs, doivent donc poursuivre leurs efforts. En année 1, tout va bien, mais l’ambition pour la suite doit être revue à la hausse. L’objectif, c’est de pétarader l’entre-soi, l’effet de groupe qui pousse les jurys à ne voir qu’une poignée de talents et les boîtes de l’ombre à parler toujours aux mêmes.
Si la quantité de prétendants à ce milieu est abyssale et a forcément bougé quelques lignes, il faut constamment repousser ses œillères et tendre la main. Ce n’est pas vraiment la culture française, vous me direz, frileuse à donner sa chance… Mais si l’on veut annihiler les violences et répartir le pouvoir plus équitablement dans les organisations, il faut faire mieux.
Festival Plus fort·es ensemble : zoom sur la première édition et nos suggestions d’ateliers
Jessie Varin, présidente du jury des Auguste, sera également en première ligne pour le festival Plus fort·es ensemble organisé par Derrière le rideau début mars prochain. Comme quoi, on peut organiser les Auguste et faire bouger les lignes par ailleurs. Il suffit d’ouvrir les yeux et de se retrouver dans des initiatives comme celle-ci ! Alors parlons-nous cette année, plus que jamais.
Atelier | Date | Intervenant·es |
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Comment mettre en place un climat de travail sécurisant et sécurisé ? | Jeudi 13 mars 10h-13h | Sylvie Foissey, Laura Favier et Mélodie Molinaro |
Humour et représentation des femmes, un enjeu de pouvoir | Samedi 15 mars 14h-16h | Noémie de Lattre, Florence Mendez et Jessie Varin |
Le rôle des hommes dans la prévention des VHSS | Samedi 15 mars 16h-18h | Rossana Di Vincenzo, Thomas Piet, Axel Lattuada et Stéphane Gaillard |
Le rôle des médias et des réseaux sociaux | Dimanche 16 mars 14h-16h | Coline Clavaud, Julie Letourneur, Clotilde Biron et Camille Giry |