Interview 2 Tocards + Antoine Sentenac : « À Nantes, on doit régulièrement se renouveler »
Interview des Tocards – Kévin Robin et Maxime Stockner sont les deux protagonistes d’une série sur le stand-up : 2 Tocards font du stand-up. Depuis des mois, nous les découvrions sur YouTube dans les coulisses de leur travail d’humoriste, tandis qu’ils s’affairaient à faire rire le public nantais.
À force, on a vraiment voulu découvrir ce partenariat comique et l’ensemble de la scène nantaise qui se développe à vitesse grand V. L’interview s’est déroulée dans l’appartement des deux humoristes, non loin de l’oreille attentive d’Antoine Sentenac, passé — presque — à l’improviste pour s’incruster.
L’interview de Kévin Robin et Maxime Stockner, alias « 2 Tocards font du stand-up »
Pourquoi avez-vous lancé la chaîne des Tocards ? Est-ce que ça vous a ouvert des portes ?
Kévin Robin : On voulait créer 1 minute de blagues par jour, comme ça tu as un spectacle au bout de 60 jours. Ensuite, on s’est rendu compte que tu peux avoir une minute de blagues par jour, mais nulle ! Si tu n’as que 30 minutes de drôles, c’est dommage…
Maxime Stockner : Si ça nous a ouvert des portes ? Oui, ça m’a ouvert la porte de passer des dimanches entiers à monter les épisodes… Ça, c’en est une belle ! (rires)
Kévin : Le 33 Comedy, la première fois que j’y ai joué, je crois que c’est parce qu’Antek regardait les épisodes.
Maxime : On est allé faire la première partie du rodage du spectacle d’Alexis le Rossignol au Scénarium. Alexis nous a proposé de jouer quinze minutes chacun, et d’ailleurs, toi Antoine, tu es allé le faire à deux reprises pour faire un 30 minutes en première partie.
Antoine Sentenac : Je fais partie de l’interview, maintenant ?
[Tout le monde se marre]
Maxime : Il avait proposé à tous les nantais de le faire… Là-bas, il y avait Cyril Hives qui a débarqué. Il regardait la série. On s’était présenté…
Kévin : Je suis le premier à avoir rencontré Cyril.
Maxime : Quand j’ai été joué à Paris, Cyril m’a fait jouer au Comédie Paradiso, à ce genre de trucs. Ça a aidé un petit peu.
Kévin : Ça a ouvert des petites portes !
Quand même, il y a un vrai engouement dans la communauté stand-up !
Maxime : Pour résumer, ceux qui regardent la série nous connaissent. J’ai l’impression qu’il y a uniquement les gens qui font des blagues qui la regardent, d’ailleurs.
Antoine : Non, y a Basile qui la regarde…
Kévin : Les Tocards, ce sera vraiment bien quand il y aura plus d’épisodes et qu’on réussira quelque chose de bien (une grande salle…). À ma connaissance, personne n’a fait cette démarche de montrer la progression depuis les débuts. Et si ça arrive, les gens retomberont sur les premiers épisodes et se rendront compte qu’au début, ce n’était pas terrible !
Maxime : Maintenant, on filme toute la bande à Nantes. Si l’un d’entre nous cartonne d’un coup, ça mettra le tout en lumière. D’ailleurs, parfois ça me dérange de voir certaines vidéos de mes passages sortir, mais ça ne me fait jamais ça pour les Tocards. Pour les passages, j’ai peur de savoir ce que la personne en pense, alors que je m’en moque pour les Tocards. J’espère que quand on aura des gamins, on pourra regarder ça et qu’on me dise : « wow, mais papa quand t’avais 22 ans tu ne faisais que baiser ! »
Kévin : Ce qui est complètement faux, Maxime !
[Là, on a digressé très loin, jusqu’à New Delhi. On vous épargne les détails.]
À quel point travaillez-vous ensemble pour écrire des vannes, organiser des événements, etc. ?
Maxime : Il y a un an, on écrivait pas mal ensemble, on faisait pas mal de ping-pong. Mais depuis quelque temps, on parle de nos blagues et c’est plus indépendant. 95 % du temps, quand on écrit, on est tous les deux. Parfois, il y aussi Basile, Antoine… Tu vois qui c’est, Antoine Sentenac ?
Antoine : Un très, très bon gars !
Maxime : Yohan Bertetto aussi… On écrit tous ensemble. Pour l’organisation de soirées… Vas-y Kévin.
Kévin : C’est toi qui en fais le plus !
Maxime : Oui, du coup je vais répondre… (rires) À Nantes, on est une bande de 10-15 copains. Dès qu’il y a un plan CE ou quoi, on est ensemble. Il y en a peut-être un qui est à l’initiative, mais on se retrouve régulièrement ensemble pour préparer la soirée et débriefer à la fin.
Kévin : Dans l’organisation, il y a aussi la communication sur les réseaux sociaux, la programmation. C’est Maxime qui s’occupe de cet aspect. On vient, on aide à mettre en place la salle, on joue et c’est tout.
Maxime : Je ne veux pas y aller tout seul, voir un bar et dire que je veux faire ça. À chaque fois, on est accompagné. Le nom, je ne le décide pas tout seul : j’envoie sur la conversation pour savoir ce que tout le monde en pense. Également, je propose les logos et demande l’avis de tout le monde. Ce n’est pas si solitaire que ça !
Cela dit, je n’organise pas tous les plateaux. Je gère les soirées du lundi, Lundi de merde, et du vendredi, Week-end comédie. Le West Side Comedy Club et le Stand-up Factory, c’est Yohan et William qui gèrent. En plus, la soirée du vendredi, Antoine et Basile la gèrent désormais.
Et vous travaillez à deux ?
Kévin : Là où on travaille à deux, c’est le mardi à la Maison café pour la soirée Kévin, Maxime et Cie font des blagues dans le grenier. On y a joué notre 30-30 pendant un an. Aujourd’hui, c’est un 4×15 min ou un 3×20 min.
Maxime : Antoine a aussi fait une soirée « Stand-up dans ton salon ». Tu vois qui c’est, Antoine Sentenac ?
Je crois qu’on en a entendu parler, je crois voir de qui tu parles à ma droite…
Maxime : En gros, on avait joué dans son salon. On avait invité 25 potes, on avait installé des chaises, amené des bancs et le matériel de Kévin (son et lumières).
Kévin : On a bidé chacun 10 minutes…
Antoine : La première soirée, ça allait ! C’était une configuration stand-up qui se transformait en soirée.
Kévin : La première chose qu’on apprend à un stand-upper, c’est de ne pas jouer avant 3 Pelforth. Antoine Peyron ne boit pas, c’est pour ça qu’il est mauvais !
Maxime : Et puis Basile boit moins ces derniers temps…
[Tout le monde se marre parce que le rire de Kévin est puissant.]
La scène nantaise est peut-être la plus dynamique/désirable hors Paris.
Kévin : Ce n’est pas peut-être, c’est la plus dynamique !
Maxime : Je pense que ce n’est pas nécessaire de nous mettre après Paris…
[Kévin se marre encore longuement.]
Peut-on dire que Paris, c’est la quantité, et Nantes, la qualité ?
Kévin : Non, tu ne peux pas dire ça, Juliette ! Tu ne nous laisses pas parler…
Maxime : Tu es vraiment forte parce que certaines de tes questions engendrent un compliment sous-entendu ou une manière de souligner du mérite.
Kévin : Certaines de mes questions ?
Maxime : Certaines des questions de Juliette. Et toi, Kévin, tu es très bon pour les esquiver et ne pas passer pour un fils de… Moi, je tombe dans le panneau, à dire « oui, évidemment ! ». C’est super gênant.
Kévin : On ne côtoie pas assez souvent le milieu parisien pour répondre. Si tu penses aux meilleurs humoristes parisiens… Ils nous fument le cul sur un plateau ! Ça nous arrive de bider sur des soirées, je suis sûr qu’eux retourneraient la salle… Après, Nantes, serait-ce l’originalité ? Et là je soulève un buisson !
Maxime : Qu’y a-t-il sous ce buisson ?
Kévin : Ce n’est pas vraiment l’originalité, mais il y a ce côté…
Maxime : …moins influencé par… Il y a moins de hiérarchie, et donc moins de mimétisme. Il y en a, bien sûr, mais dans une moindre mesure.
Kévin : On n’a pas de mec vraiment très fort, qui inspire énormément les autres. À Paris, certains sont tellement forts ; quand tu démarres le stand-up, tu t’en inspires. Derrière, une sorte de standardisation émerge. Tout le monde s’inspire des meilleurs, et fait plus ou moins la même chose. À Nantes, sans cette figure-là, chacun fait sa merde. C’est peut-être de la merde…
…mais de la merde authentique !
Kévin : Si tu es influencé, tu peux tout de même être authentique.
Maxime : Tu peux être influencé le temps d’apprendre. Un moment, tu comprendras que tu dois plus t’orienter vers autre chose et tu développeras ton style.
Kévin : Ça, c’est une vision globale. À Paris, il y a de tout. Certains sont très originaux… Et faire une moyenne, c’est impossible, en vrai !
Maxime : C’est ça : tu vas avoir 500 personnes, 70 % vont sortir des sentiers battus ou déboiter. Ici, comme on est moins, le pourcentage augmente un peu. Comme on est peu nombreux, l’impression qu’on donne d’être originaux se joue à un rien. Dans un an ou deux, il y a peut-être des nouveaux qui vont arriver avec des codes de la culture stand-up, comme ceux du Jamel Comedy Club. Et là, on commencera aussi à se standardiser.
Antoine : Je vous trouve un peu dur sur le niveau à Nantes.
Kévin : Je ne pense pas, on se comparait surtout aux meilleurs de Paris pour dire qu’on n’était pas à leur niveau. Chez nous, il n’y a pas de mec au-dessus du lot dans notre bande au point qu’on se dise : « Putain, j’ai envie de faire ça comme ça ! ».
Vraiment ?
Antoine : Tu es au-dessus du lot Kévin. Mais effectivement, tu as raison. En revanche, quand certains d’entre nous jouent en plateau à Paris, je trouve qu’on se démarque bien. Ce sont aussi les retours qu’on peut nous faire.
Kévin : Edgar-Yves revêtait un peu ce rôle, mais il est parti faire son chemin à Paris. Et quand il était à Nantes, il ne faisait pas ce qu’il joue maintenant. Les jeux de mots et tout, j’étais le premier à lui dire d’arrêter ! Les jeux de mots, les danses, les chorégraphies…
Antoine : Je me dédouane de ce qui vient d’être dit…
Maxime : À une plus petite échelle l’an dernier, Kévin, William Pilet et Nicolas Fabié, vous étiez les références pour retourner les salles. La différence de niveau était moins flagrante, c’est sûr…
Kévin : Et ce n’était pas au point que les autres s’inspiraient de notre manière de faire. C’est pour ça qu’être peu, ce n’est pas viable. Tu ne peux pas faire une moyenne sur seulement 10 ou 20 personnes. Sur 150 personnes, ils seront beaucoup plus à fonctionner !
Pour résumer, y a-t-il un stand-up nantais ?
Maxime : C’est loin de toute influence, on n’a pas de grosse star qui retourne la salle à tous les coups. Aussi, on doit pas mal se renouveler, un peu à la manière dont Roman Frayssinet décrivait Montréal quand il y était. Ils étaient peu nombreux à faire ça, le nombre de soirées était limité… Le public était récurrent et les obligeait à se renouveler. On vit les mêmes contraintes.
C’est cool, d’ailleurs, car on ne s’arrête pas aux premières blagues qu’on écrit au bout de six mois en se disant qu’on va les rendre fortes. On les abandonnera davantage pour en écrire des nouvelles. Ça peut donc paraître plus original et plus approfondi car on perd moins de temps sur les débuts. Par exemple, Basile et Jihef ont vite abandonné leurs premières blagues. Ils les ont encore, ils les joueront dans leur heure mais ils travaillent plus de nouvelles choses où ils mettent plus d’eux-mêmes. Prenons l’exemple de Jihef et son truc du faire-part de naissance. Il a des manières de blaguer qu’il n’aurait pas au début et qui peuvent paraître originales car il s’est renouvelé. Ce facteur-là joue pas mal, je pense.
Avez-vous un message pour les humoristes parisiens qui veulent jouer à Nantes ? Vous faites régulièrement venir des gens…
Kévin : Régulièrement, pas encore. Il y en a plusieurs : Cyril Hives, Avril Lavigne (sic !), Pierre DuDza, Manu Bibard et Jérémy Ippet qui était là cette semaine. Jérémy, j’ai trouvé originale sa manière de livrer les choses.
Maxime : Je suis assez d’accord !
Kévin : Son naturel, son côté un peu cool, très assuré… Ça m’a trop fait penser à Jerrod Carmichael !
Maxime : De ouf… Mais il écoutait vraiment du stand-up dans sa voiture, quand il t’a raccompagné après le Stand-up Factory ?
Oui, c’était Bill Burr à ce moment-là, mais je crois qu’il en écoute d’autres.
Maxime : C’est dingue ! Antoine, tu as envie de faire passer un message aux Parisiens ?
Antoine : Postulez à Juste pour la Vannes ! Pour l’année prochaine, parce que l’édition 2020 est déjà bookée.
Kévin : Il n’y a pas grand-chose à dire. Si tu viens, passe par Maxime ou Yohan Bertetto. Tu as la possibilité de jouer 5 fois pendant la semaine. Ce ne sera pas toujours des grosses jauges, mais c’est sympa de jouer dans un contexte différent. Cyril et Manu avaient l’impression d’être un peu en vacances… Et puis tu vas boire, mon petit pote !
Maxime : S’il y a des personnes qui ont envie, ce serait cool qu’ils aient fini le Joketober ! (rires)
Antoine : Tu parles de petites jauges, mais Cyril me disait que par rapport à Paris, c’était plutôt bien.
Kévin : Ça dépend en effet ce que tu entends par « petites jauges ».
Antoine : Juliette, tu dois voir souvent des plateaux là-bas, donc tu as sûrement une bonne vision de la chose. Les gens qui jouent devant 3 ou 5 personnes, ça arrive souvent ?
Oui, c’est très hétérogène !
Kévin : À Paris, il y a des endroits où à l’heure où le plateau doit commencer, il n’y a personne et c’est dur de démarrer le plateau. À Nantes, on n’a pas ça.
Le lundi, on joue devant 25 à 30 personnes. Pareil pour le mardi et le vendredi. Mercredi, on atteint la centaine. Le jeudi, on atteint 50 à 60 personnes.
Maxime : Pour des mecs qui sont en intégration dans le milieu parisien, qui n’ont pas encore accès au Paname Art Café, au Start-up comedy club et aux autres plateaux d’envergure, c’est confortable de venir jouer à Nantes. Je ne sais pas où jouent Ghislain et Jean-Patrick / Je suis lapin… Ils comptent passer, et peut-être que ça leur paraîtra des petites jauges.
Ça dépend, ils jouent dans tous les types de plateaux. Il faut se rendre compte qu’à Paris, il y a dix fois plus de plateaux, et parfois ces plateaux annulent faute de public. Prochaine question : quelles sont vos références humoristiques ?
Kévin : Aux États-Unis, je dirais Bill Burr, Louis C. K. — en fait, ce sont souvent les mêmes noms qui ressortent. J’ai bien aimé le spectacle de Daniel Sloss sur l’amour. Bill Hicks, aussi. Jim Jefferies, il est terrible !
Maxime : Jim Jefferies, je trouve son storytelling trop stylé ! J’adore vraiment raconter des histoires, et je trouve qu’il le fait extrêmement bien, avec une sacrée rythmique. Quand je raconte des histoires, je me rends compte que je les raconte de la même manière à chaque fois. Je raconte certes une histoire différente, mais la manière dont le public rigole et le rythme que je mets est identique. Je peux faire une demi-heure avec cinq histoires, très rapidement, mais avec ce même style.
J’aime beaucoup Bo Burnham, c’est trop stylé.
Kévin : Ah, oui !
Maxime : Bo Burnham, c’est trop bien. Grosse claque, j’avais les larmes aux yeux à la fin. C’est le premier truc que Kévin et Nicolas m’ont dit de regarder quand je commençais. Bill Burr, aussi, mais c’est venu après. La première fois que je l’ai vu, je n’ai pas totalement aimé. Ensuite, on avait regardé ensemble avec Kévin I’m sorry you feel that way de nouveau. Avec tes indications, c’était hyper cool. Et le dernier, Paper Tiger, est trop bien !
Et sinon, tous les gens avec lesquels on joue.
Kévin : Et tous deux qui tiennent un plateau à Paris. (rires)
Ils sont tous excellents… Vous sentez l’ironie ? J’ai le droit de le dire comme je ne suis pas humoriste, j’en profite !
Kévin : Ça se sent un peu, ouais !
Quel est votre meilleur souvenir sur scène commun, et le pire du coup ?
Maxime : Le meilleur… La première de la maison, c’était cool ! Quand le bar a bien voulu renouveler cette soirée toutes les semaines, notamment. C’était blindé, on a été surpris par le nombre ! Il y avait 200 intéressés et certains n’ont pas pu venir car il n’y avait plus de place…
Kévin : Un souvenir commun, ça marche aussi quand un est dans la salle et l’autre sur scène. Quand tu as gagné le Campus Comedy Tour, Maxime, à la Cigale. Il y avait tes parents juste derrière, on était trop contents !
Maxime : Et dans les pissotières, tu avais dit : « Eh bah voilà, c’est volé, c’est cadeau, ça c’est pris, hop ! Le casse du siècle… » avec ton accent de beauf ! Avant ce moment, on n’avait pas vraiment parlé car je parlais à beaucoup de monde. On n’arrêtait pas de répéter ces trucs ce soir-là.
Et le pire ?
Le pire, c’est quand on est parti à Argelès dans l’espoir de trouver un camping où jouer tout l’été et d’être logé gratuitement. On aurait joué dans des bars tous les soirs et distribué des flyers tous les jours. On voulait partir avec Antoine Sentenac, Cyril, leur proposer de passer une semaine, etc. Dans notre tête, c’était plié : on dort en tente, et on passe l’été de notre vie…
On est allé directement à Argelès, on a peut-être claqué 200 balles au total de location de voiture, de bus… On s’est rendu compte là-bas que personne n’était chaud pour ça.
Kévin : Il ne faisait même pas beau, il n’y avait personne et il pleuvait ! Vous pouvez retrouver cet épisode-là dans les Tocards.
Maxime : On n’en pouvait plus ! Je commence à cerner un minimum Kévin avec le temps qu’on a passé ensemble. Toutes les deux secondes, il était à deux doigts de péter un câble. Tu sens que ça peut partir au quart de tour, comme un chat au poil hérissé. À un moment, on est à la station-service. On s’est rendu compte que personne ne voulait de nous, ils étaient plus sur du concert. On claquait des thunes dans des pizzas…
Ah ouais…
Le matin, on se lève et on se dit : « Aujourd’hui, on va à la Grande Motte et on trouve le lieu et on passe un putain d’été avec les gars, ça va être trop stylé ! ». Dans la voiture, on écoute des trucs de motivation en anglais. On arrive à la station-service et impossible d’ouvrir la trappe à essence de la voiture de location. Dans un premier temps, on se gare à droite, la trappe à essence est à gauche… Puis on corrige le tir et je sens Kévin monter en tension. Je me dis : « Ça va péter ! », et là, on ne trouve pas la trappe. On appuie sur tous les boutons, on lance la clim, les essuie-glaces. Rien ne marche ! On appelle la proprio de la voiture, qui nous indique où est le bouton… Mais il n’y est pas !
Kévin : Elle ne savait même pas où il était.
Maxime : Il a pété un câble. Pas un mot dans la voiture pendant cinq ou six minutes. Toute la motivation du matin avait disparu, c’était affreux. Il nous restait une nuit dans la bagnole, on avait mal dormi… Le lendemain, on avait dix heures de bus pour rentrer. On est arrivé à 5h30 du matin, on a à peine dormi.
Kévin : Le plaisir d’arriver à Nantes, par contre ! Et ça, c’est bien que ce soit dans les Tocards. Il fallait faire ça aussi pour se rendre compte que ce n’est pas possible de procéder comme ça.
Vous avez fait un crash test pour tout le monde !
Kévin : En théorie, on se disait que c’était ultra-possible. Et en réalité, quand tu y es, tu réalises que non. Il fallait le faire pour se tromper, je pense.
Vous n’aviez pas pensé à téléphoner ?
Maxime : Si ! Quand on a sorti l’épisode, Sophie Bergeot nous a envoyé plein de bars et tout… J’en ai appelé deux ou trois, mais c’était la même réponse.
Kévin : Pour que ce soit viable, il aurait fallu jouer tous les soirs, ou un soir sur deux. Les bars, si une fois par semaine ils te laissaient jouer, c’était déjà bien.
Maxime : Il y en a un qui a accepté à demi-mot. C’était pour jouer sous une pergola, des trucs un peu lounge avec des grands canapés, à moitié à l’air libre. Le type nous dit : « Ouais, carrément, je vais voir mon patron ! ». La négociation, c’était une fois au mois de juillet, une autre au mois d’août. Il va voir son patron et c’est un refus. Donc on n’a pas eu une seule opportunité.
Pour conclure l’interview des Tocards, quels sont vos actus et vos objectifs pour la suite ?
Maxime : J’écris une nouvelle heure pour me mettre des dates butoir d’écriture. Peut-être qu’à cette date, j’aurais 45 minutes et ça fera l’affaire. Je ferai ça jusqu’à ce que j’obtienne des trucs qui me plaisent. L’objectif ensuite sera de bâtir un spectacle que je pourrai promouvoir et vendre dans des théâtres. Je continue à Nantes pendant encore au moins un an. En septembre prochain, je serais peut-être à Paris en fonction de comment la situation évolue.
Antoine Sentenac va partir à Paris en janvier avec Antoine Peyron.
Et toi, Kévin ?
Kévin : J’attends d’être intermittent. Je veux partir à Paris avec un minimum de sous. Pas rouler sur l’or, mais avoir une petite sécurité. Comme j’y suis bientôt, l’idée c’est d’aller à Paris pour janvier ou février. Ce serait l’idéal. Pour cela, il faut faire des cachets.
Maxime : C’est pour ça que Kévin jouera le 30 novembre à la Taverne de Saint-Géréon.
Kévin : Et les 2, 3 et 4 janvier à la Compagnie du Café-Théâtre à Nantes à 19 heures. Sinon, le projet c’est d’être le plus drôle, pertinent et original possible ! L’idée, c’est de réunir ces trois points pour être à l’aise sur scène.
Maxime : Et beau gosse, histoire de travailler son image ! J’enlèverais ça à la place de drôle ou pertinent. Original, beau gosse, pertinent — ça suffit largement ! (rires)
Le mec fait une conférence, au final !
Maxime : Carrément ! Plus sérieusement, on n’a pas tous les mêmes objectifs à Nantes. De manière générale, tout le monde va partir à Paris, mais il y a une sorte de période de gestation à Nantes. Certains vont considérer que deux ans, ça suffit, tandis que d’autres, comme Kévin, diront que 6, ça sera bien. Edgar-Yves est resté 4 ans. En revanche, des mecs comme William se sentent bien à Nantes. Moi, j’envisage trois ans complets, voire un de plus en fonction des circonstances. Antoine Sentenac part au bout de trois ans. Antoine Peyron, ça fera deux ans.
Kévin : Quand tu regardes, les gens qui s’en vont le font car ils s’ennuient ou stagnent. À Nantes, on fait tous les jours la même chose. Or si tu arrives intérieurement à trouver de nouvelles choses et tu sens de la progression dans ce que tu fais, tu peux rester. À partir du moment où tu comprends que pour atteindre le niveau supérieur, il faut aller à Paris, c’est le moment où il faut y aller.
L’interview des Tocards, Kévin Robin, Maxime Stockner, et Antoine Sentenac : le débrief
La richesse de cet entretien reflète bien toute l’expérience accumulée par les humoristes de la scène nantaise. Soudés, Kévin Robin et Maxime Stockner sont toujours prêts à déconner. En revanche, quand il s’agit de faire de l’humour ou d’en parler, tout devient sérieux. À tel point que Monsieur l’Incruste, alias Antoine Sentenac, a perdu toute envie de perturber nos échanges pour ne pas en perdre une miette…
Loin de leur matricule de « tocards », ces talents vont bientôt se révéler au grand jour. Ils devront passer par la case Paris pour ce faire, mais quelque chose nous dit qu’ils construisent en ce moment-même les fondations d’une scène nantaise qui se médiatisera d’elle-même dans les 5 à 10 ans !