Têtes d’affiche en stand-up : subjectif ou grandiose ?

Juliette Follin 11/03/2018

La semaine dernière, l’humour avait sa place plus que jamais dans les salles de spectacle. Les scènes de Jean-Marc Dumontet ont mis les femmes à l’honneur. Les plateaux et spectacles se sont succédés. Et j’ai parlé avec certains acteurs de l’humour. Cette semaine m’a fait réfléchir sur les têtes d’affiche.

Journée de la femme : une soirée en enfer

Pour la journée de la femme, j’ai répondu à l’invitation d’un humoriste en sachant que j’allais passer une mauvaise soirée. Je n’avais pas envie de célébrer la femme dans un milieu artistique. Par conséquent, je me suis dit qu’aucun autre spectacle aurait pu me plaire ce soir là. Je pouvais sacrifier la soirée pour une personne qui avait envie de me voir le soutenir. Quelle erreur.

J’avais prévu cette sortie un mois en avance. J’ai ensuite vu que Marion Mezadorian jouerait avec des filles telles qu’Agnès Hurstel au Point Virgule. Je regrettais ma posture initiale, mais j’avais promis de venir. J’avais déjà annulé une fois, en plus, pour une coupure d’eau chaude de 3 jours. Oui, ça a l’air aussi faux que l’excuse du chien qui a mangé tes devoirs, mais c’était vrai.

Dans un autre registre, la soirée du One More Joke me faisait de l’œil. Je n’avais pas mis les pieds là-bas depuis octobre : c’est toujours complet, je ne me sens pas utile pour les soutenir. J’ignorais pourquoi, ce jour-là, j’avais envie de changer mon trajet de métro pour me rendre rue de la Folie-Méricourt. Quelle grave erreur. Alors que je passais l’une des pires soirées de ma vie, j’ai imploré le Dieu Ghislain au bout de 20 minutes de spectacle : faites que ça s’arrête. Qu’il dise c’est terminé.

Ghislain m’a entendue. L’artiste sur scène, qui jouait pour 4 personnes qu’il avait sans doute toutes invitées, n’a pas pris la peine de terminer son show. Je tairai son nom parce qu’il faut toujours respecter un artiste et qu’il a forcément un public. Disons que les spectacles pseudo-élitistes un peu stéréotypés, ce n’est pas ma came. Mais même face à des petites salles, il faut tenir parce que la mauvaise critique n’est jamais bien loin.

Parier sur les têtes d’affiche : Gad Elmaleh au One More Joke, une ambiance de folie

En rentrant chez moi, je découvre sur les réseaux que le One More Joke s’est enflammé. Déjà, j’aperçois Seb Mellia, Roman Frayssinet et Kyan Khojandi s’inviter à la fête. Je me dis que ce plateau est vraiment dans une autre dimension. Et puis, petit à petit, je découvre que Gad Elmaleh était aussi de la partie !

Ce n’est pas la première fois que Gad Elmaleh s’invite incognito dans les salles parisiennes. Quelques mois plus tôt, Seb Mellia venait de terminer son spectacle au Point Virgule. Adrien Arnoux lui dit de se dépêcher de sortir : Gad Elmaleh est là ! Seb croit à une blague, puis hallucine. La star de l’humour français est accompagnée d’Elie Semoun. La soirée au Point Virgule continuait avec un plateau devant peu de public. Ces gens-là, restés tard sur les banquettes rouges, se préparaient à vivre un grand moment : Gad sur scène, rien que pour eux.

Comme je n’étais pas au One More, je vais laisser Seb Mellia en parler (à partir de 20:10) :

Et Sympa la vie en a aussi longuement parlé au début de leur dernier podcast :

Gad Elmaleh en tête d’affiche, ce n’est pas rien. Ce n’est pas subjectif de l’appeler de la sorte. Point pour les têtes d’affiche.

Têtes d’affiche : quand les programmateurs de plateau sont juges et partis

En fin de semaine, le regret d’avoir manqué le plateau de Louis Dubourg et Certe Mathurin est derrière moi. Je décide de revoir le spectacle 100% foot de Charles Nouveau et de le faire découvrir à quelqu’un qui a plein de points communs avec lui. Beaucoup d’esprit, une finesse d’écriture, une passion pour le foot et un fétichisme plus ou moins prononcé sur le curling. Nous sommes au Paname, le samedi à 19 heures. Le plateau n’est pas complet mais assez rempli : le football n’est pas trop un sujet qui passionne les amateurs d’humour. Mais Charles sait parler à tout le monde de ce sport.

Une heure plus tard, le Paname Comedy Club de 20 heures est complet avant même l’annonce de la programmation. Le line-up comprend des personnalités éminemment influentes en vidéo ou sur Instagram, d’autres qui passent à la télé : Marina Cars, Camille Lellouche, Franjo, etc. Il y aussi Jean-Philippe de Tinguy. Cette information est importante : à titre personnel, je me déplace voir un plateau pour le plaisir à deux conditions. S’il y a 2 humoristes que j’aime bien dans le line-up, ou un Jean-Philippe de Tinguy. Maintenant, j’ai un peu élargi cette condition : elle s’applique aussi à Marion Mezadorian et Ghislain. On referme la parenthèse subjectivité.

Bref, je décide de ne pas y aller parce que malgré l’audience de ces personnes, je ne ressens pas le besoin de les voir. Les chiffres et la popularité me parlent peu, je préfère apprécier par rapport à ma sensibilité personnelle. Et puis, je suis en mode détente. L’analyse du niveau des humoristes n’est pas pour aujourd’hui.

Par pitié, sachez expliquer pourquoi vous appréciez un humoriste !

A la sortie du spectacle de Charles Nouveau en rodage, je discute un peu pour obtenir les impressions de mon invité. Test positif. Je croise alors un humoriste et programmateur d’un plateau. Pour préserver l’anonymat de tout le monde, la suite de cette histoire sera truffée d’énigmes. Il me demande si je viens à son plateau la semaine prochaine. Réponse positive.

Après, il me dit qu’il est super content d’avoir Nana Mouskouri* en tête d’affiche (le nom a été changé pour tous ceux cités avec un astérisque). Il s’excite sur l’idée que sa tête d’affiche va terminer la soirée. Je lui dis que pour moi, son plateau est homogène et ils ont tous un niveau similaire. Je lui dis que Stéphane de Groodt* finit souvent les plateaux et que ça se passe bien. Il me répond qu’il est bien sympa, mais que Nana Mouskouri* a vraiment quelque chose en plus, un personnage. C’est bête, Nana*, je ne l’ai jamais vue. Pourtant, j’en ai bu des verres pour rentrer dans les plateaux d’humour.

Je lui fais remarquer qu’il y a aussi Chuck Norris* en tête d’affiche. Il nie complètement. Une vérification sur les réseaux me montre que Chuck* a 2000 abonnés de plus que Nana*, et un célèbre site web humoristique où il évolue comme un poisson dans l’eau. Je promets de rester ouverte, car je ne connais pas Nana*, mais il me l’a sacrément mal vendue !

Moralité : s’il vous plaît, si vous parlez de têtes d’affiche, sachez expliquer pourquoi elles sont douées. Vous créerez ainsi moins d’attente auprès de vos interlocuteurs et faciliterez son travail. Sur-vendre un artiste avant son passage est un appel au suicide artistique.

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