Mokiri, Couleur 3… Zoom sur notre début octobre !
Du 2 au 8 octobre, les occasions de rire étaient nombreuses. La semaine s’ouvrait en fanfare avec les dix ans du Mokiri à l’Européen. La fanfare était d’ailleurs réelle : les rillettes de Belleville. De quoi offrir un écrin franchouillard au seul Français qui officiait au Couleur 3 Comedy Club à Lausanne : Tristan Lucas.
Les 10 ans du Mokiri à l’Européen (Paris) : une fête qui sentait bon les roulés de jambon
Tristan Lucas était donc le fil rouge de toutes ces péripéties. À tel point qu’au terme de la semaine, au fond d’une salle surchauffée, il s’accordait une micro-sieste avant l’arrivée de la star locale, Nathanaël Rochat. Avant d’en arriver là, petit retour en arrière.
Le Mokiri a donc dix ans. Ce petit plateau à Paris 20e est l’institution qui échappe aux projecteurs, et c’est heureux. Cela dit, Arte a pu filmer l’une des soirées en janvier dernier… où jouaient déjà des humoristes suisses. En réalité, grâce à la troupe d’improvisation Les ours dans ta baignoire, une partie de la bande connaissait Tristan de longue date.
J’ai l’impression que le Mokiri est déjà un lointain souvenir alors que j’écris ces lignes. En ce premier lundi d’octobre, il fallait passer autant de temps en salle que dans les transports. Mais malgré ce désagrément, on a adoré voir le défilé des habitués sur la scène. On retient notamment les happenings de Patrick Chanfray, Alexandra Pizzagali et Clément Kersual. Mais aussi le retour sur scène plus de cinq ans après de Céline Groussard. Les spectateurs les moins pressés pouvaient même s’enquiller des roulés de jambons et autres flans signés Alexis Le Rossignol…
Train matinal pour la Suisse et le Couleur 3 Comedy Club troisième édition… mais pas que !
Il faut dire qu’on pensait déjà au train du lendemain… Le leitmotiv de ce joyeux bordel aurait pu être : envie de téléportation. On courait partout, n’ayant jamais le temps de profiter des choses tant elles s’accumulaient.
Le Couleur 3 Comedy Club (ou festival) démarrait piano le lendemain. Les spectacles d’ouverture (mardi/mercredi) étaient finalement classiques. Ils rendaient ainsi ces premiers jours plus anecdotiques. Il manquait encore un ingrédient spécial : l’esprit de groupe… Un esprit déjà présent quelques encablures plus loin.
Le duel non équitable : Ch’nit Comedy Club au Casino de Montbenon vs. Aude Bourrier à l’ABC
En effet, grâce au Ch’nit Comedy Club, Paul Dechavanne et Jason Brokerss jouaient finalement un peu partout en Suisse romande. Thomas Wiesel, malgré son agenda de tournée ingérable, n’en perdait pourtant pas une miette en ce mercredi soir…
À ce stade, nous étions ailleurs. Aude Bourrier clôturait les quatre spectacles à l’ABC. Dure à queer était pour l’occasion en travaux. Ainsi, les tests, couplés à un public clairsemé, la faisaient ramer quelque peu, même si elle tenait bon. La veille, Lord Betterave jouait devant une salle quasiment pleine. Une entrée en matière efficace, avant de perdre quelque peu pied si certaines blagues fonctionnaient seulement à 80%. C’est le métier qui rentre. Nous avons fait l’impasse sur les spectacles de Cinzia Cattaneo et Thibaud Agoston, déjà vus à Paris.
Une invitée surprise débarque le jeudi
Jeudi arrivait déjà et avec lui une invitée de marque selon notre rédaction, inconnue au bataillon selon les organisateurs. Bertille n’est pas une comedy nerd, mais elle a déjà consommé du stand-up à Paris. Je l’ai notamment amenée voir Adrien Montowski à la Nouvelle Seine en février. Être l’une de mes collègues, c’est finalement entendre des références éloignées des projecteurs. Ainsi, pendant près de 2 ans, on pouvait entendre parler de Valérie Paccaud ou Blaise Bersinger… Couleur 3 tournait tous les jours ou presque. Un rituel qui a déjà commencé depuis ailleurs !
C’était donc la première fois de Bertille en Suisse. Pour accompagner cette découverte, il lui fallait bien un guide de 20 pages pour connaître 2-3 trucs indispensables à sa survie. Or, Bertille est une workaholic qui n’a pas voulu s’emmerder avec une notice de musée. J’avais beau avoir inclus de nombreuses illustrations, cela ne changeait rien. Le défi était de taille : résumer 4 ans de culture suisse à une vacancière de passage.
Les filles d’à côté : on lance un remake lausannois en 2023
Notre immersion était totale : on logeait au sein d’une bulle comique. Deux bras cassés en voisins, c’est du luxe. L’un d’entre eux était notre voisin de palier, l’autre était visible en terrasse depuis 40% des fenêtres. Vous avez dit espionnage ?
Pourquoi vouloir être aussi proche d’artistes sans qu’eux ni nous ne subissent la présence de l’autre sur un canap’ ? Se déplacer pour voir du rire est un truc trop solitaire. On ne connaît personne sur place à part eux. On s’aime fraternellement sans le dire. Concrètement, on a des échanges emplis de malaise qu’on sait décoder. Cela requiert une distance parfaite, entre proximité et absence, pour les soutenir et espérer qu’ils croient en notre vision des choses.
Parce qu’à un moment donné, à force d’aimer les artistes, les compliments n’ont plus la même saveur. En France comme en Suisse, ce poison se distille partout. Et on en finit sur des sketches où l’artiste se plaint d’être objet de désir au détriment de ses qualités artistiques. Mais écoute-nous bordel, te fais pas désarçonner par la lubrique d’à côté.
Nous, on était juste Les filles d’à côté, venues pour se marrer et célébrer le rire à la sauce Couleur 3. AB Productions, adaptez-nous tout ça en série contemporaine ! Ça serait fou. Pas beaucoup de téléspectateurs, probablement. Mais question programme de niche, on atteindrait des sommets.
Retour au D! Club pour le coup d’envoi des plateaux
Que retenir de ce jeudi, théâtre du premier plateau au D! Club ? Même sans guide approfondi, on appréciait grandement les hommages et imitations de Thomas Wiesel. Qu’il dresse le portrait de Nathanaël Rochat ou de Marie-Thérèse Porchet, on s’y croyait. Bertille avait déjà des devoirs : regarder « La leçon de géographie » et les anciens passages de Nathanaël au D! Club.
Chez les autres humoristes, que les blagues soient locales ou non, la réussite était de mise. Tout au long du festival, le style d’humour faisait pencher les cœurs vers untel ou untel, pas la performance. Une bonne nouvelle pour moi, qui n’aura donc pas à juger tous les passages !
On s’est juré fidélité
Faisons donc parler le cœur, puisque le public se régalait à chaque instant. Le plateau le plus attendu, c’était celui du vendredi à 19 heures. Notamment pour Cinzia et Thibaud, deux artistes qui jouaient en début de semaine en mon absence. Il fallait bien compenser. Mais en réalité, c’était les deux bras cassés Yannick Neveu et Albert Chinet qui me motivaient le plus.
S’ils proposent un 30-30 à l’avenir, je pourrais faire le déplacement. Ce ne sont peut-être pas les plus grands stand-uppers, tant leur expérience scénique se chiffre sur les doigts de vos mains. En revanche, je suis engagée à 1000% vis-à-vis de leurs chroniques. À la vie, à la mort, comme dans Bad boys. J’ai peut-être déjà écrit ça l’an dernier, d’ailleurs.
Couleur 3 vs. le reste du LOL suisse romand ? Agitons le drapeau blanc !
On va peut-être m’engueuler, car l’humour Suisse c’est pas que les gugus de Couleur 3 (malgré leurs performances en 2021 et en 2022). Manière habile de vous conter un problème en Suisse romande. Couleur 3 est une plateforme médiatique qui cache une scène humoristique plus vaste. Composée de plateaux indépendants dans divers cantons, elle est assez avant-gardiste.
La culture stand-up s’installe doucement ici et là, mais les moyens manquent à des structures privées. Alors la scission entre la station de radio et le reste du LOL crée des frictions. Un peu comme France Inter, mais pas de la même façon. Ce serait trop long à expliquer, revenons au récit, si vous voulez bien.
Après l’esprit Canal, l’esprit Couleur 3… Merci qui ? Merci Valérie !
Méritent-ils des récitals d’amour comique alors que dans des lieux plus confidentiels, des retourneurs de salles sévissent plus fréquemment ? Sincèrement, je vous dis oui. Parce que Couleur 3 n’est pas qu’un émetteur d’ondes positives. C’est un esprit, une école de formation menée par la taulière Valérie Paccaud pour la partie humour.
Elle les biberonne à coups de rires iconiques ; ils se sortent les doigts. Et enfin, je ne serais pas sincère si je vous dressais un tableau de performances objectif. Je le suis quand je vous dis que ma jambe tremblait frénétiquement avant l’arrivée de Yannick. Et que mon cerveau retrouvait la genèse de chaque micro-segment du passage d’Albert. En plus, ces fous à Couleur 3, ils les ont fait passer l’un après l’autre.
Thibaud Agoston : l’humoriste renversant que la France ne connaît pas encore
Objectivement, le plus percutant du plateau était Thibaud Agoston. À Paris, ils sont peu à soupçonner ses capacités. C’est dommage, car cette furie comique monte tant en puissance ces temps ! En matière de retournement de salle, il se place aussi haut que son corps le suggère. Traduction : je le trouve grand.
Mon autre plateau coup de cœur était celui du samedi à 19 heures. Naturellement, Valérie Paccaud menait la danse. J’ai eu peur qu’elle soit seulement MC, mais elle a aussi livré un passage absurde-réaliste du plus bel effet. Puisqu’elle crache des chroniques de qualité à la chaîne, elle semblait tout aussi à l’aise dans cet exercice. Le temps où elle hésitait à faire du stand-up est bien loin…
Retrouvailles croisées : Donatienne Amann, Tristan Lucas, Robin Chessex, Philippe Battaglia…
Et que dire de Donatienne Amann, dont le set sur le permis de conduire me donne toujours autant de frissons ? Oui, car je l’ai déjà vu à Neuchâtel… Ou bien Tristan Lucas, dont les tubes comiques résonnent avec autant d’aplomb aux quatre coins du globe ?
Ou encore de Philippe Battaglia et Robin Chessex, aussi farfelus qu’hilarants dans leur style ? Il reste encore Julien Doquin de Saint-Preux. Lui, c’est la rigueur : c’est carré, vous n’avez pas intérêt à décrocher une seule seconde. Les amateurs de stand-up efficace en avaient pour leur argent !
Blaise Bersinger, Charles Nouveau, Nathanaël Rochat… La ligue des champions en clôture de festival
Trois vedettes et Yacine Nemra nous faisaient de l’œil sur le dernier plateau. Jugez plutôt : Blaise Bersinger, Charles Nouveau, Nathanaël Rochat. Quelle brochette ! Il y avait aussi Julie Conti, récemment promue chez France Inter. Ascension très rapide pour cette nouvelle tête du rire. C’était assez bien, mais peut-être anglé de manière classique.
Quant à Vanessa Lépine, la qualité de son stand-up est difficile à juger. Je ne veux pas être influencée par des on-dit de coulisses scéniques, tant je la vois peu jouer. Je réserve mon jugement à plus tard, ou jamais car à chaque fois, je n’arrive pas à trancher.
Blaise Bersinger jouait entre autres le même set qu’à Paris en début d’année. Au Mokiri, déjà, chez Tristan Lucas, quand il y avait Arte. Et aussi à Neuchâtel… La boucle est bouclée, décidément ! Charles et Nathanaël, comme d’habitude, performaient là où on les attendait. La fatigue couplée à la chaleur — la zone VIP était irrespirable — m’empêche d’avoir une analyse fine de ces ultimes instants. Rapport à la micro-sieste de Tristan évoquée en début de papier, si jamais. Pour ceux qui n’ont pas compris (j’ai eu des plaintes), je n’en ai pas fait. J’ai juste vu Tristan fermer les yeux trois secondes et construit une narration autour de ça…
Couleur 3 Comedy Club : à l’année prochaine ?
À la manière du GP Explorer, on se demande s’il y aura une nouvelle édition. À force d’étendre la durée du festival, d’écumer de nombreux artistes dans des formats classiques (plateaux et spectacles), on finit par rentrer dans le rang. Ce n’est pas très Couleur 3, dans l’esprit.
Or c’est pourtant ce qu’on attend d’eux ! Avant, certains étaient simples chroniqueurs… Désormais, ils doivent se frotter régulièrement au stand-up ! Un exercice qui requiert autant de régularité que les chroniques. Or ces profils sont polyvalents, certains font aussi de la musique… Chacun son parcours artistique.
Je leur souhaite de ne pas trop se mettre de pression quant à une carrière de stand-up ! En octobre, ils sont à la hauteur — c’est l’essentiel.
Crédits photo
- Le Mokiri © Chang Martin
- Photo de groupe au Couleur 3 Comedy Club © Léonore Porchet
- Photo de Charles Nouveau © loorentpointcom