Le spot du rire : 5 ans déjà !

Juliette Follin 10/06/2022

Le spot du rire fête ses 5 ans d’existence. Cette dernière année rimait avec légitimité et immersion. Les deux allaient de pair pour m’offrir une immersion inédite jusqu’alors. La quête de légitimité a débuté dans la douleur, comme pour tout nouvel acteur entrant. Difficile de se faire accepter d’un milieu où chacun galère à l’entrée. Souvent, nos propres limites sont plus dures que l’accueil véritable. Il fallait dépasser la case « groupie » sans nier qu’avant toute chose… Si j’existe, ma vie, c’est d’être fan.

De Pascal Obispo, on se mue alors en Philippe Manœuvre. Inspiration divine à la « Clément l’incruste » du LOL, la drogue en moins, il m’a montré l’exemple. J’ai lu sa biographie lors de ces cinq ans, rêvant un jour de raconter toutes mes anecdotes. Mais au rock’n’roll, j’ai préféré l’air pur suisse parce que j’y retrouvais là un truc qui faisait vibrer mes origines. Qui allait à contre-courant des mondanités, des digressions interminables sur la politique ou le stand-up. Branlettes intellectuelles inutiles qui m’ont souvent fait tourner les talons.

Les bonnes ondes suisses

Mais de l’aveu de Christelle, la gérante du Ch’nit Comedy Club, j’idéalisais sans doute ma nouvelle petite caste préférée. J’ai eu bien du mal à expliquer qu’ils représentaient la synthèse que j’aimais. Musique électronique mi-avant-garde mi-pop pour trentenaires rêveurs, pluralité des styles humoristiques, papiers fouillés, déconne radiophonique. Les ondes de Couleur 3 m’ont fait vibrer de la même manière que celles qui me faisaient me lever aux aurores, quand j’avais 18 ans et que je rêvais déjà d’ailleurs. Londres est devenue Lausanne dans mon cœur, alors qu’au final, je n’y ai passé que quelques semaines. Il y a un truc un peu magique autour de l’écriture, de l’émergence et du flow chez Couleur 3. Tant mieux si cela vous fait découvrir une scène moins huppée pour l’heure que nos voisins belges ou québécois.

Je retiens notamment un moment fort de ces cinq ans, le moment où Valérie Paccaud me montre le montage bêtisier des meilleurs moments à la radio dans son petit appartement lausannois. Je dis souvent d’elle que c’est la Nagui suisse, mais quand vous mettez leurs deux destins face à face, vous vous rendez compte qu’ils n’ont rien à voir… Bref, cette histoire d’immersion à la Philippe Manœuvre, je ne sais pas si c’est une question de voyeurisme, mais je me sens privilégiée d’avoir vécu ça. Juste en lançant un blog/site internet sur ma passion, sans aucune connexion dans le milieu. Merci aux sports mécaniques qui m’ont permis de poser les bases. User d’une méthode qui permet d’entrer en contact avec un nouveau réseau, le valoriser au mieux, avec une exigence d’indépendance et d’argumentation.

Envie de fondre à nouveau pour le stand-up 5 ans après

Autre glissement opéré lors de ces 5 ans : mon attrait pour le stand-up a besoin d’être entretenu. L’ai-je déjà aimé, d’ailleurs ? La question mérite qu’on la pose. Je ne l’ai jamais méprisé, car mon désintérêt va davantage vers une caste de comédiens dramatiques qu’il est de bon ton de connaître et d’encenser… Tant pis si c’est chiant à mourir. Et puis, comme le disait Thomas Wiesel il y a 5 ans, il faut aller au-delà de l’image réductrice du stand-up véhiculée par les médias généralistes (cf. cette interview étrange).

La réalité, c’est que je fustige une normalisation du stand-up. À trop encenser le genre, on en oublierait presque qu’il faut se différencier pour exister. Les comedy clubs et plateaux d’humour habituent le public à un défilé bien trop rapide pour percevoir les nuances. Avant, j’avais la foi de voir des plateaux régulièrement, supporter des artistes que j’aime moins (ou qui sont mauvais, ça dépend).

Maintenant, je priorise et je prends appui sur mes valeurs sûres : les théâtres qui mettent en avant des découvertes. Je regarde aussi les programmations des plateaux dont j’estime le travail. Exemple parmi tant d’autres : le cercle du rire, toujours l’affaire d’Anissa Omri et d’Elsa Bernard. Un autre ? Le dernier comedy club avant la fin du monde, qui mérite le même succès que Dimanche Marrant, quand ça existait encore. Bordel, on a besoin d’un bon rendez-vous stand-up le dimanche, et c’est eux qui l’ont (avec le Motel, je frôle l’incident diplomatique là !). 

Le risque d’oublier les avantages de l’abondance parisienne

Autre aspect important, que j’ai perdu de vue à la longue. Plus jeune, je n’avais pas accès aux spectacles en salle. Je reçois d’ailleurs des messages du public aux quatre coins de l’hexagone. Ils sont formels : j’ai une chance inouïe de pouvoir voir cette nouvelle génération pour qui il n’est pas si simple de s’exporter.

Toutes les semaines, on peut voir à peu près qui on veut à Paris. L’overdose finit bien sûr par intervenir, mais c’est parce qu’il est impensable de ne pas en profiter… Tout de même, avoir accès à la scène parisienne toute l’année et lui faire des infidélités ponctuelles est le plus simple. En prime, cela permet de faire l’impasse sur Avignon. Et vu le réchauffement climatique, il serait bon d’arrêter cette hérésie, où les théâtres climatisés et les organismes exténués jouent les athlètes quelques semaines durant.

Ceci étant dit, parfois la passion donne envie d’ailleurs, d’un air un peu plus pur et à taille humaine. Je prie en tout cas pour une décentralisation plus franche de l’humour. Les théâtres se vident à Paris, tant l’offre surpasse la demande… Pendant ce temps, les artistes s’épuisent à tenter de remplir face à un public atteint de FOMO. 5 ans après le début du site, certaines choses restent identiques.

5 ans : ceux qui partent, ceux qui restent, ceux qui reviennent

À l’inverse, certains ont laissé des plumes. Le 33 comedy n’est plus… Mais ce n’est pas si grave, car ses premiers et seconds rôles sont toujours là. Haroun et Pierre Thevenoux, parmi les humoristes récurrents, sont à un rythme respectivement stratosphérique et de croisière. Le petit gars de Poitiers qui fait le buzz, qui remplit une salle qui s’appelle le Théâtre de la Renaissance ?

Et que dire des Julie-Albertine et Adrien Montowski, toujours près des Ghislain Blique, Antek et Jean-Patrick ? Les deux jouent à la Petite Loge ! Vous vous souvenez, d’ailleurs, du monde où nous rêvions encore de la première heure de Ghislain ? Elle a eu lieu sur un temps assez long, toujours à la Petite Loge. Il y a même une exceptionnelle au Point Virgule le 22 juin !

Je vous parle de premières heures… Que dire d’Adrien Arnoux ou de Rémi Boyes ? Eux aussi ont fait le grand saut. Au Point Virgule, au Barbès Comedy Club… Tout ceci est arrivé. Comme tant d’autres choses, d’ailleurs.

On se dirige petit à petit vers un monde où l’on va commencer à regarder individuellement les femmes humoristes. Alexandra Pizzagali, Marion Mezadorian, Emma de Foucaud, Camille Lavabre… La liste est très loin d’être exhaustive ! C’est l’effet pervers de ces énumérations : le cerveau trouve quelques noms sur le moment, puis il bloque. Ce n’est que grâce à la recherche minutieuse des talents, et l’écriture pour la postérité, qu’on va retrouver nos petits.

Je pourrais vous parler de tant d’autres événements, comme la déliquescence du Laugh Steady Crew, l’essor des nouveaux comedy clubs, les ponts entre Paris, les régions et l’étranger… Des projets disparaissent, d’autres voient le jour, et il faut continuer de suivre étroitement ces évolutions.

Vous savez que j’écris toujours mes papiers en avance. Celui-ci ne déroge pas à la règle ! Mais une fois achevé, un événement inimaginable a marqué les plateaux. Jean-Philippe de Tinguy est de retour ! Voilà une excellente nouvelle pour ma consommation de plateaux. Je l’ai revu au Trempoint, la scène ouverte du Point Virgule, et les souvenirs revenaient aussi vite que les habitudes prises pendant tant d’années. Un bol d’air frais bienvenu, et le retour de la blague du teckel.

La nouvelle génération du rire au-delà du marketing : entre découvertes et espoirs du rire

Le paysage médiatique, lui aussi, s’étend. Le slogan « nouvelle génération », tout le monde le reprend. Kyan Khojandi, Rire et Chansons, France Bleu Paris… Institutionnellement, tout le monde a compris qu’il y a des centaines d’humoristes qui ont plus faim que les autres. Ils renversent l’ordre établi de manière spectaculaire.

On se focalise à raison sur Paul Mirabel, mais dans son ombre, combien de destins s’écrivent sous nos yeux ? Pour ma part, après cinq ans, le temps des découvertes n’est plus. Vous le savez, en début d’année, le dispositif de découvertes humour disparaissait, officiellement temporairement. Aujourd’hui, je suis heureuse de vous dévoiler son évolution. Au lieu de vous proposer un portrait par mois, je vous donne rendez-vous bientôt pour vous présenter non pas 12 mais 6 talents « découvertes ». Avec plus de recul dans leur sélection, il sera plus simple de les promouvoir avec justesse.

Une autre nouveauté interviendra : nous allons mettre en avant 3 « espoirs » du rire. Ces découvertes d’antan commencent à s’implanter durablement en humour. Au lieu de les lâcher, nous observerons comment ils relèvent les défis de la professionnalisation humoristique.

Cette nouvelle saisonnalité me permettra de continuer à conjuguer vie professionnelle, activité semi-professionnelle et vie privée. Le spot du rire fait partie de moi, il me semble compliqué de lâcher le projet. On repard pour cinq ans, et plus si affinités ?

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