Retour sur le festival Paris Paradis 2021
Le 26 septembre dernier, jâai assistĂ© au festival Paris Paradis. Quatre plateaux dâhumour avaient lieu au Cabaret Sauvage, dans le parc de la Villette. Pour la troisiĂšme Ă©dition, exit lâhippodrome de Longchamp, bienvenue dans le XIXe arrondissement de Paris.
Jâavais choisi les plateaux de 14 heures (pour Fanny Ruwet, principalement) et de 18 heures (meilleur line-up). Cependant, je savais que je nâallais pas passer la meilleure aprĂšs-midi de ma vie. En effet, comme je vous le dĂ©crivais avant le festival, cet Ă©vĂ©nement vise le grand public. Les amateurs dâhumour, qui connaissent trĂšs bien les artistes et leurs passages « sĂ»rs », connaissent dĂ©jĂ la musique.
En quĂȘte dâoriginalitĂ© au festival Paris Paradis
Le problĂšme avec les artistes Ă©tablis en reprĂ©sentation, câest que leur renouvellement ne passe pas toujours par une prise de risque. Bien sĂ»r, il est trĂšs complexe de garder un niveau Ă©levĂ© tout au long de son parcours. En revanche, dans certains cas, il est dommage de voir des renoncements artistiques, sur le plan de lâoriginalitĂ© notamment. Le public apprĂ©ciait le moment, il nây a pas eu de drame. En revanche, je nâai pas rĂ©ussi Ă apprĂ©cier le passage de Tristan Lopin. Il y a longtemps, jâai Ă©crit une critique positive de son spectacle. Jâai mĂȘme parlĂ© dâoriginalitĂ© Ă son Ă©gardâŠ
Or trois ans plus tard, je vois ce passage oĂč Tristan Lopin enchaĂźne les sujets de sociĂ©tĂ©. Le propos est dâune grande faiblesse, les clichĂ©s pleuvent et le passage est moralisateur. Dâautres artistes prĂ©sents livraient des performances moins clichĂ©es, mais quelque peu aseptisĂ©es.
Remplir des salles : regarder la prise de risque dâun autre prisme
Je commençais Ă perdre patience. Mais lâĂ©motion avait-elle pris le pouvoir ? Dâune part, jâallais Ă ce festival parce que câest un Ă©vĂ©nement mĂ©diatique dâampleur. OrganisĂ© par le Parisien, le festival Paris Paradis est un endroit oĂč il faut ĂȘtre pour asseoir sa lĂ©gitimitĂ©. Quâon soit artiste ou professionnel, dâailleurs.
Du reste, je lâinterprĂ©tais comme cela. Pour cet Ă©vĂ©nement, je sacrifiais donc le visionnage dâun Grand Prix de Formule 1. Cet Ă©lĂ©ment a pesĂ© dans la balance de ma dĂ©ception, on ne va pas se mentir.
Mais ce nâĂ©tait pas tout ! Cela faisait quelques temps quâune musique envahissante occupait mon esprit. Jâai rĂ©alisĂ© que jâai lancĂ© un lobbying pro-originalitĂ©, Ă contre-courant des statistiques de buzz et dâinfluence.
Je passe Ă cĂŽtĂ© de tous les phĂ©nomĂšnes dâampleur qui mâennuient ferme. Je cherche Ă reprogrammer le monde pour faire aimer des artistes mĂ©connus, obscurs⊠Mais qui font rire les rares Ăąmes qui tombent sur eux, souvent par hasard. Tout cela fait Ă©cho Ă lâun des points du lundi matin dâHarold BarbĂ©, jugez plutĂŽt la divine promotion de son spectacle Ă la toute fin de cet Ă©pisode⊠Il sortait le lendemain du festival. CoĂŻncidence ?
Ă force de voir un bal dâhumoristes formatĂ©s dans les principaux comedy clubs et dans les mĂ©dias⊠à force de ne pas comprendre pourquoi la comĂ©die alternative nâest pas aussi populaire que McFly et Carlito. Et Ă force de voir toujours les mĂȘmes interviewĂ©s dans des podcasts pour la soixantiĂšme fois⊠Jâai dĂ» vriller, Ă un moment donnĂ©.
Course Ă lâaudience vs. choix artistiques au festival Paris Paradis
La course Ă lâaudience dilue-t-elle vĂ©ritablement les choix artistiques ? Le festival Paris Paradis offre une synthĂšse assez intĂ©ressante, mĂȘme si je reste sur ma faim. Parce quâil faut aussi analyser lâenvers du dĂ©cor : LĂ©o Domboy et le Parisien sont copains, et ça se ressent dans tous les Ă©vĂ©nements humour du Parisien. LâattachĂ©e de presse vedette case ses poulains, et câest bien normal. GrĂ©gory Plouviez fait le taf, mais il ne peut pas ĂȘtre partout et il sâappuie naturellement sur cette aide bienvenue et confortable.
Mais face Ă cette influence, les places sont chĂšres pour diversifier les noms Ă lâaffiche. Donc peu de renouvellement dans les personnes mises en avant. Alors quand GrĂ©gory Plouviez, le monsieur humour du Parisien, a glissĂ© Ă Avril quâil y serait peut-ĂȘtre lâannĂ©e prochaine, je croise simplement les doigts pour quâil tienne cette promesse.
Le MĂ©tropole, lâun des thĂ©Ăątres qui montent Ă Paris via les nouveaux talents
AprĂšs tout, sur scĂšne il y avait deux artistes Ă©galement Ă lâaffiche du mĂȘme thĂ©Ăątre, le MĂ©tropole : Nordine Ganso et Sebastian Marx. Si Sebastian Marx a beaucoup de mĂ©tier, niveau expĂ©rience de spectacle, Nordine Ganso est moins avancĂ© quâAvril. Mais qui est son attachĂ©e de presse ? LĂ©o Domboy. CQFD. Regardez son nombre dâabonnĂ©s sur les rĂ©seaux sociaux : il nây a pas de comparaison. Nâoublions pas lâexposition dans Stand-up vie et le soutien de Shirley Souagnon en dĂ©but de carriĂšre.
Jâaurais dâailleurs pu prendre un autre exemple (comme William Pilet). Mais quitte Ă manquer un Grand Prix de Formule 1 Ă©pique, autant essayer de jouer aux LĂ©o Domboy du dimanche et dire : « coucou, voici les talents que je veux trimballer partout ». Ăa tombe bien, ce festival avait lieu un dimanche. Rendez-vous en 2022 ? SuspenseâŠ
Des tĂȘtes dâaffiche quâon a manquĂ©es : session de rattrapage au Cabaret Sauvage
Dans le mĂȘme temps, je nâavais jamais eu le privilĂšge de voir Dedo sur scĂšne. Je ne saurais vous dire pourquoi⊠Ăa ne sâĂ©tait jamais fait. Ăvidemment, jâai pris une claque. Sans ce festival, ce moment nâaurait pas eu lieu. Il faut croire quâil mâarrive parfois dâavoir le regard naĂŻf dâun public non initiĂ©. Si les tous nouveaux humoristes nâont gĂ©nĂ©ralement plus de secret pour moi, je demeure moins familiĂšre avec la gĂ©nĂ©ration prĂ©cĂ©dente.
Et que dire de Yacine Belhousse, que jâavais manquĂ© lorsque je lâai dĂ©couvert pour la premiĂšre fois en spectacle ? Cela ne fait pas bien longtemps que son talent mâa sautĂ© au visage. Par hasard, dâailleurs : la captation de son dernier spectacle Ă lâEuropĂ©en Ă©tait miraculeusement disponible. Il mâavait dit de venir, pourtant, et jâai commis la pire erreur possible. Adopter la politique de lâautruche. Prendre le train en retard. Je peux donner des leçons aux journalistes, je fais juste la mĂȘme chose avec les gens les plus connus⊠Chacun son rĂŽle ? La question mĂ©rite rĂ©flexion.
Parce quâil faut toujours terminer un mea culpa par un sursaut dâorgueil, jâaimerais avoir une pensĂ©e pour mon humoriste prĂ©fĂ©rĂ© pour conclure. Oui, je fais mon coming out comique. Par pitiĂ©, arrĂȘtez dâenvoyer Pierre Thevenoux en premier dans un plateau dâhumour ! Mesurez-vous son efficacitĂ© dans ses punchlines ? Il arrive mĂȘme Ă gĂ©nĂ©rer des vues sur YouTube. Il perce demain ; allez, on le met en clĂŽture et on satisfait les gens comme moi qui sâennuient quand il sort de scĂšne. Enfin, sauf pour Yacine, Dedo et les autresâŠ