Retour sur le festival Paris Paradis 2021

Juliette Follin 20/10/2021

Le 26 septembre dernier, j’ai assistĂ© au festival Paris Paradis. Quatre plateaux d’humour avaient lieu au Cabaret Sauvage, dans le parc de la Villette. Pour la troisiĂšme Ă©dition, exit l’hippodrome de Longchamp, bienvenue dans le XIXe arrondissement de Paris.

J’avais choisi les plateaux de 14 heures (pour Fanny Ruwet, principalement) et de 18 heures (meilleur line-up). Cependant, je savais que je n’allais pas passer la meilleure aprĂšs-midi de ma vie. En effet, comme je vous le dĂ©crivais avant le festival, cet Ă©vĂ©nement vise le grand public. Les amateurs d’humour, qui connaissent trĂšs bien les artistes et leurs passages « sĂ»rs », connaissent dĂ©jĂ  la musique.

En quĂȘte d’originalitĂ© au festival Paris Paradis

Le problĂšme avec les artistes Ă©tablis en reprĂ©sentation, c’est que leur renouvellement ne passe pas toujours par une prise de risque. Bien sĂ»r, il est trĂšs complexe de garder un niveau Ă©levĂ© tout au long de son parcours. En revanche, dans certains cas, il est dommage de voir des renoncements artistiques, sur le plan de l’originalitĂ© notamment. Le public apprĂ©ciait le moment, il n’y a pas eu de drame. En revanche, je n’ai pas rĂ©ussi Ă  apprĂ©cier le passage de Tristan Lopin. Il y a longtemps, j’ai Ă©crit une critique positive de son spectacle. J’ai mĂȘme parlĂ© d’originalitĂ© Ă  son Ă©gard


Or trois ans plus tard, je vois ce passage oĂč Tristan Lopin enchaĂźne les sujets de sociĂ©tĂ©. Le propos est d’une grande faiblesse, les clichĂ©s pleuvent et le passage est moralisateur. D’autres artistes prĂ©sents livraient des performances moins clichĂ©es, mais quelque peu aseptisĂ©es.

Remplir des salles : regarder la prise de risque d’un autre prisme

Je commençais Ă  perdre patience. Mais l’émotion avait-elle pris le pouvoir ? D’une part, j’allais Ă  ce festival parce que c’est un Ă©vĂ©nement mĂ©diatique d’ampleur. OrganisĂ© par le Parisien, le festival Paris Paradis est un endroit oĂč il faut ĂȘtre pour asseoir sa lĂ©gitimitĂ©. Qu’on soit artiste ou professionnel, d’ailleurs.

Du reste, je l’interprĂ©tais comme cela. Pour cet Ă©vĂ©nement, je sacrifiais donc le visionnage d’un Grand Prix de Formule 1. Cet Ă©lĂ©ment a pesĂ© dans la balance de ma dĂ©ception, on ne va pas se mentir.

Mais ce n’était pas tout ! Cela faisait quelques temps qu’une musique envahissante occupait mon esprit. J’ai rĂ©alisĂ© que j’ai lancĂ© un lobbying pro-originalitĂ©, Ă  contre-courant des statistiques de buzz et d’influence.

Je passe Ă  cĂŽtĂ© de tous les phĂ©nomĂšnes d’ampleur qui m’ennuient ferme. Je cherche Ă  reprogrammer le monde pour faire aimer des artistes mĂ©connus, obscurs
 Mais qui font rire les rares Ăąmes qui tombent sur eux, souvent par hasard. Tout cela fait Ă©cho Ă  l’un des points du lundi matin d’Harold BarbĂ©, jugez plutĂŽt la divine promotion de son spectacle Ă  la toute fin de cet Ă©pisode
 Il sortait le lendemain du festival. CoĂŻncidence ?

À force de voir un bal d’humoristes formatĂ©s dans les principaux comedy clubs et dans les mĂ©dias
 À force de ne pas comprendre pourquoi la comĂ©die alternative n’est pas aussi populaire que McFly et Carlito. Et Ă  force de voir toujours les mĂȘmes interviewĂ©s dans des podcasts pour la soixantiĂšme fois
 J’ai dĂ» vriller, Ă  un moment donnĂ©.

Course à l’audience vs. choix artistiques au festival Paris Paradis

La course Ă  l’audience dilue-t-elle vĂ©ritablement les choix artistiques ? Le festival Paris Paradis offre une synthĂšse assez intĂ©ressante, mĂȘme si je reste sur ma faim. Parce qu’il faut aussi analyser l’envers du dĂ©cor : LĂ©o Domboy et le Parisien sont copains, et ça se ressent dans tous les Ă©vĂ©nements humour du Parisien. L’attachĂ©e de presse vedette case ses poulains, et c’est bien normal. GrĂ©gory Plouviez fait le taf, mais il ne peut pas ĂȘtre partout et il s’appuie naturellement sur cette aide bienvenue et confortable.

Mais face Ă  cette influence, les places sont chĂšres pour diversifier les noms Ă  l’affiche. Donc peu de renouvellement dans les personnes mises en avant. Alors quand GrĂ©gory Plouviez, le monsieur humour du Parisien, a glissĂ© Ă  Avril qu’il y serait peut-ĂȘtre l’annĂ©e prochaine, je croise simplement les doigts pour qu’il tienne cette promesse.

Le MĂ©tropole, l’un des thĂ©Ăątres qui montent Ă  Paris via les nouveaux talents

AprĂšs tout, sur scĂšne il y avait deux artistes Ă©galement Ă  l’affiche du mĂȘme thĂ©Ăątre, le MĂ©tropole : Nordine Ganso et Sebastian Marx. Si Sebastian Marx a beaucoup de mĂ©tier, niveau expĂ©rience de spectacle, Nordine Ganso est moins avancĂ© qu’Avril. Mais qui est son attachĂ©e de presse ? LĂ©o Domboy. CQFD. Regardez son nombre d’abonnĂ©s sur les rĂ©seaux sociaux : il n’y a pas de comparaison. N’oublions pas l’exposition dans Stand-up vie et le soutien de Shirley Souagnon en dĂ©but de carriĂšre.

J’aurais d’ailleurs pu prendre un autre exemple (comme William Pilet). Mais quitte Ă  manquer un Grand Prix de Formule 1 Ă©pique, autant essayer de jouer aux LĂ©o Domboy du dimanche et dire : « coucou, voici les talents que je veux trimballer partout ». Ça tombe bien, ce festival avait lieu un dimanche. Rendez-vous en 2022 ? Suspense


Des tĂȘtes d’affiche qu’on a manquĂ©es : session de rattrapage au Cabaret Sauvage

Dans le mĂȘme temps, je n’avais jamais eu le privilĂšge de voir Dedo sur scĂšne. Je ne saurais vous dire pourquoi
 Ça ne s’était jamais fait. Évidemment, j’ai pris une claque. Sans ce festival, ce moment n’aurait pas eu lieu. Il faut croire qu’il m’arrive parfois d’avoir le regard naĂŻf d’un public non initiĂ©. Si les tous nouveaux humoristes n’ont gĂ©nĂ©ralement plus de secret pour moi, je demeure moins familiĂšre avec la gĂ©nĂ©ration prĂ©cĂ©dente.

Et que dire de Yacine Belhousse, que j’avais manquĂ© lorsque je l’ai dĂ©couvert pour la premiĂšre fois en spectacle ? Cela ne fait pas bien longtemps que son talent m’a sautĂ© au visage. Par hasard, d’ailleurs : la captation de son dernier spectacle Ă  l’EuropĂ©en Ă©tait miraculeusement disponible. Il m’avait dit de venir, pourtant, et j’ai commis la pire erreur possible. Adopter la politique de l’autruche. Prendre le train en retard. Je peux donner des leçons aux journalistes, je fais juste la mĂȘme chose avec les gens les plus connus
 Chacun son rĂŽle ? La question mĂ©rite rĂ©flexion.

Parce qu’il faut toujours terminer un mea culpa par un sursaut d’orgueil, j’aimerais avoir une pensĂ©e pour mon humoriste prĂ©fĂ©rĂ© pour conclure. Oui, je fais mon coming out comique. Par pitiĂ©, arrĂȘtez d’envoyer Pierre Thevenoux en premier dans un plateau d’humour ! Mesurez-vous son efficacitĂ© dans ses punchlines ? Il arrive mĂȘme Ă  gĂ©nĂ©rer des vues sur YouTube. Il perce demain ; allez, on le met en clĂŽture et on satisfait les gens comme moi qui s’ennuient quand il sort de scĂšne. Enfin, sauf pour Yacine, Dedo et les autres


A propos de l'auteur