32e Festival National des Humoristes : William Pilet au sommet

Juliette Follin 29/08/2021

Le spot du rire assistait pour la première fois à une institution du rire : le Festival National des Humoristes à Tournon-sur-Rhône. Un rendez-vous pris de longue date, qui a suscité beaucoup d’attentes… et de pression puisque nous figurions dans le jury.

Avant de vous livrer les coulisses dans un papier qui reviendra sur chaque prestation et les à-côtés du festival, faisons le point sur les primés.

William Pilet et Harold Barbé, artistes aguerris et trop longtemps ignorés, séduisent le jury du Festival National des Humoristes

L’humoriste William Pilet a remporté les faveurs du jury du Festival National des Humoristes à Tournon-sur-Rhône. Cet humoriste absurde a déployé son comique d’accessoires pour surprendre tout en finesse un public en liesse.

Interview de William Pilet par la presse locale (source : le Dauphiné Libéré)

Harold Barbé a quant à lui remporté le second prix du jury grâce à un passage qui montait en puissance. Entre stand-up caustique et act-outs savoureux, l’artiste Caennais a confirmé son statut de vieux routard du rire.

Troisième artiste et meilleur des autres, Avril a été le dernier artiste largement cité par le panel de professionnels autour de la table. Le jury a récompensé ses choix scéniques originaux et son travail soigné de mise en scène. Prometteur, mais pas suffisant pour recevoir un Bouffon au contraire de William et Harold !

Envie de voir ces artistes à Paris ? William Pilet jouera à la Petite Loge les vendredis 17 et 24 septembre à 20h. Harold Barbé n’a actuellement pas de programmation parisienne, mais si vous êtes chauds, il sera à Lagny-sur-Marne (77) le samedi 6 novembre à 21h. Avril reprend son spectacle au Métropole tous les mardis à 20h à partir du 14 septembre.

Au Festival National des Humoristes, les Apollons restent les chouchous du public 

Entre le public des festivals et les Apollons, l’histoire d’amour continue. Ne vous fiez pas au nom de ce duo comique. Il donne l’impression de voir des artistes jouer la carte d’un humour 100% vieillot… Leur prestation techniquement très soignée séduira un public familial venu s’amuser sans prise de tête.

William Pilet terminait légèrement derrière ce duo, ce qui n’a rien d’étonnant. Lors de la première soirée de découvertes, il a largement creusé l’écart en matière de volume de rires.

Dans les coulisses d’un des festivals d’humour les plus cotés : zoom sur la programmation et le jury

Avec plus de 30 ans d’existence, le festival de Tournon est l’un des plus en vue. C’est l’un des rendez-vous phares pour découvrir de nouveaux talents. La recette : des talents triés sur le volet, jugés sur un passage de 30 minutes. Les ordres de passage et les mélanges d’univers sont savamment orchestrés.

Pour le comparer aux Best de l’Humour dans lequel j’étais également jury, l’approche est beaucoup plus professionnelle. Vous connaissez forcément le président du jury, Alexandre Pesle. Pas forcément de nom, mais si vous êtes déjà tombé sur Caméra Café, vous avez forcément aimé Sylvain de la compta. Alexandre Pesle est également un auteur aguerri, qui a notamment contribué à l’écriture de la série H

Un panel varié, aux sensibilités artistiques différentes mais animé de la même passion

J’ai croisé à de nombreuses reprises Amandine Guillot lorsqu’elle travaillait à l’Alhambra. Aujourd’hui, elle œuvre pour le festival Performance d’Acteur à Cannes et a récemment rejoint l’équipe du Montreux Comedy. Sa présence aussi soutenue était forcément un gage de qualité. Marion Monin-Iacono écrit pour le magazine We Love Comedy, rattaché au Paname Art Café. Depuis son arrivée, étrangement, les contenus de ce site web sont meilleurs. Elle a rejoint l’un des comedy clubs historiques de la capitale dans le cadre de son master en alternance en journalisme culturel. Sa curiosité et son regard artistique déjà bien affûté lui ont permis d’être tout de suite à l’aise dans l’exercice, bien loin d’être impressionnée par le cadre du festival.

Je vais également citer Nina Lamparski, la touche internationale du jury. Si elle travaille à l’AFP sur des questions internationales, elle a l’expérience de plusieurs festivals internationaux réputés en Écosse (oui, c’est le Fringe) et en Australie. Arrivée légèrement plus tard car supposée cas contact, l’humoriste Cécile Giroud apportait une vision d’artiste à ce jury, complétant ainsi celle du président Alexandre Pesle.

Il y avait aussi des amateurs d’humour plus populaire comme Thierry Roudil, à la tête d’une salle atypique et réputée, l’Appart Café. Capable d’apprécier un Harold Barbé à l’humour très soigné, il se défend aussi d’apprécier Julien Bing (nous y reviendrons). Vincent Pillet, responsable des programmes à l’antenne locale de France Bleu, avait lui aussi un regard plus rustique.

Des programmations à la pelle, la promesse de carrières qui décollent

Outre les prix, chaque artiste a bénéficié de la présence de professionnels francophones du spectacle vivant. Venus des quatre coins de la France mais aussi de la Belgique et la Suisse, ils venaient faire leur marché.

Plusieurs artistes ont reçu des propositions de programmation, tremplins humour et même des masterclass. Tout est bon dans l’accompagnement. Plus sérieusement, la réputation du festival apporte toujours un boost appréciable aux artistes qui marquent sur scène.

Cette année, la programmation était comme souvent très bonne. De l’aveu des organisateurs, elle était meilleure que précédemment car tous ont donné le meilleur d’eux-mêmes. Pas un seul bide n’a été observé… Peut-être était-ce la présence d’une première partie quotidienne et malaisante qui explique à elle seule le désamour des jeux de mots. Vincent Roca arrivait chaque jour sur scène avec un PowerPoint d’images qu’il commentait avec des jeux de mots. Résultat des courses : le soulagement de voir un artiste faire autre chose, sous réserve qu’il ait bien travaillé, allait aider le public à se détendre.

Du génie festivalier ou une erreur de casting ? Je n’ai pas osé demander : après tout, ils prenaient en charge tous les frais sur place. Règle d’or de l’invité : on fait profil bas sur la critique sur place. Après, c’est autre chose…

Des jeux de mots, quand c’est bien fait, pourquoi pas. Sur un ton professoral et sans votre consentement, vous rigolez moins.

Il allait en chercher quelques-uns très loin, mais davantage pour montrer qu’il connaît le dictionnaire que pour apporter quelque chose de plus à la comédie. Il les annonçait avec un ton nonchalant, presque celui d’un professeur sans histoire qui jouit de voir son audience devoir écouter sans pouvoir s’échapper. Le fond et la forme rendaient ce moment généralement raté. Les petits rires, disparates et pas toujours homogènes, contenaient malgré tout cela de vrais mordus de son univers. Nous sommes en festival, tout est normal.

Tournon en bref : dans le prochain épisode

La retenue, c’est bientôt fini. Ce festival a été une expérience très intense. Je vous ai raconté mon expérience à Tournon-sur-Rhône de la manière la plus neutre possible… Sauf pour Vincent Roca, car c’est important de garder des bases « spotiennes ». Objectif : réduire l’influence de ces expériences qui contribuent au nivellement par le bas de la comédie.

Dans le prochain épisode, on passe à ce qu’on a vraiment pensé de tous les protagonistes. Nous avons traqué tout départ de feu menant à des injustices comiques, surveillé tout dérapage non contrôlé d’artistes ou de professionnels. Mais aussi chassé les anecdotes inédites au plus près des artistes (même s’ils ont tenté de nous séparer, ces petits malins de bénévoles). C’était épique, il y avait des larmes (je n’ai pas dormi) mais pas de sang, donc ça va. Impatients ? Moi aussi, car à l’heure où j’écris ces lignes, la suite n’est pas encore écrite et le mystère demeure sur la forme que cela va prendre…

Crédits photos

© François Maquaire / Festival National des Humoristes

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