La découverte du mois – Juin 2018 – Morgane Cadignan
Morgane Cadignan débarque en force sur la scène stand-up parisienne. La comédienne nous offre des textes soigneusement interprétés et un univers déjà bien balisé.
Cela faisait longtemps que je l’attendais. Depuis quelques mois, je vous proposais des découvertes humour un peu différentes. Soit je ne les avais pas vus sur scène, comme pour Blaise Bersinger. Soit je découvrais un pan insoupçonné dans leur univers, comme pour Laura Calu ou Ahmed Sparrow. Je vois bien des gens qui évoluent, changent de dimension ou me surprennent, comme Brahms ou Mathurin Meslay. Mais Morgane Cadignan m’a vraiment interpellée.
Morgane Cadignan : mais d’où sort ce talent ?!
La scène se passe lors de la première du Jardin S’enjaille. Les humoristes se succèdent, le niveau est très élevé à la fois chez les confirmés et chez les découvertes. Je l’avais alors dit, le cru était très bien sélectionné. J’avais félicité Betty Durieux de sa sélection, et je dois désormais porter cet héritage très bientôt. Mais assez parlé du contexte, revenons à celle qui nous intéresse !
Morgane arrive sur scène et analyse notre monde avec beaucoup de finesse. Il y a quelque chose qui nous saisit immédiatement : elle nous offre un beau moment, hyper bien construit. Sur le coup, on n’arrive pas trop à comprendre pourquoi on aime ce qu’elle raconte. Cela semble un peu irréel, on ne sait pas qui est cette personne mais on a d’emblée envie de la découvrir. Elle nous aguiche comme personne, le processus de séduction scénique est enclenché.
Il y a quelque chose, dans sa narration, qui fait grimper dans les octaves. On est saisi, et on garde son nom en tête. Puis on la revoit sur scène, cette fois-ci au Loup Comedy. Tout revient à la surface, et on a hâte de la redécouvrir, d’essayer de mieux décrypter le phénomène. Elle semble sortir de nulle part, on a l’impression de voir la décontraction d’une Tania Dutel sur les planches. Morgane est à l’aise sur scène comme si elle avait fait ça toute sa vie. Fréquenter le Conservatoire d’Art Dramatique de Versailles depuis 2014 doit bien entendu l’aider, mais tout de même, on est assez bluffé. D’ailleurs, elle nous propose du changement dans son texte, et c’est encore plus incroyable.
Passée par la pépinière Kandidator
Au-delà de la comédie, Morgane est une plume. Comme Alexandra Pizzagali, elle se révèle à Kandidator et elle vient du milieu de la conception-rédaction. Je suis sensible à ces aspects parce que pour moi, l’écriture est un art. J’ai déjà reçu des textes d’humoristes qui voulaient me montrer leur travail, truffés de fautes et dépourvus de style d’écriture. Au fond, on s’en fiche un peu si cela ne se voit pas sur scène, mais quand un comédien de stand-up comprend le rythme de la belle écriture, ça se sent. Chez Morgane comme chez Alexandra, on voit la valeur ajoutée.
C’est assez beau de voir que la Petite Loge sait accueillir des humoristes de cet acabit. Je pense à tant d’exemples : Gaspard Proust, Charles Nouveau, Alexandra Pizzagali (encore !), Félix Radu. Même s’il en fait, des fautes, il y a aussi Jean-Philippe de Tinguy pour son style – on n’oublie pas son livre avec le pseudonyme, par exemple.
Voilà de quoi clouer le bec à ceux qui pensent que le stand-up est uniforme, moulé dans le Comedy Club de Jamel et dépourvu d’originalité. Quelle bouffée d’air frais, merci Morgane !