Stand-up sous algorithme : vers une comédie invisible ?

Juliette Follin 20/03/2018

Sur les rĂ©seaux sociaux, de nombreux artistes de stand-up font leur promotion. Or les changements d’algorithme favoriseraient dĂ©sormais les publications de vos amis Facebook. Et toujours les personnes prĂȘtes Ă  payer pour apparaĂźtre avant les autres. Le Guardian s’est demandĂ© si cela sonnait la mort de la comĂ©die sur le web. On fait le point !

Algorithme et stand-up : la FOMO, le digital detox et les plateaux

Il y a quelques mois, j’Ă©tais accrochĂ©e aux programmations des plateaux d’humour. Pour certains, je programmais mĂȘme des notifications, pour avoir une information immĂ©diate Ă  parution. L’objectif : ne manquer aucun Ă©vĂ©nement parmi l’offre plĂ©thorique de la capitale.

A un moment, je ne pouvais plus dĂ©connecter. Trop d’informations, tant Ă  relayer : ensevelie. J’ai optĂ© pour une solution radicale : l’extension News feed eradicator for Facebook. En gros, quand je m’y connecte au travail, je n’ai plus le fil d’actualitĂ©. Le rĂ©seau social lui-mĂȘme a reconnu que consulter passivement ce flux d’informations menait Ă  des choses sympathiques : anxiĂ©tĂ©, dĂ©pression, addiction aux rĂ©seaux, Ă  la notification.

Ces derniers mois, j’ai ralenti le rythme : moins de plateaux d’humour et moins de relais d’information. J’ai assistĂ© Ă  moins de spectacles (dĂ©solĂ©e pour tous ceux qui m’ont gĂ©nĂ©reusement invitĂ©e). En rĂ©alitĂ©, j’ai repris la mĂȘme routine qu’avant : aller voir des choses parce que j’en ai envie, Ă  un rythme plus raisonnable. Et j’ai surtout goulĂ»ment profitĂ© de quelques plateaux au 33 Comedy, encore et toujours mon lieu prĂ©fĂ©rĂ© pour rire.

Plateaux d’humour et turn-over : les nouveaux talents arrivent par fournĂ©es

Je suis tombĂ©e sur les nouvelles programmations du Paname Art CafĂ© ces derniers jours. Il y a de plus en plus de noms qui me sont Ă©trangers : le roulement marche. Ça confirme une chose : alterner les plateaux d’humour de deux ou trois bandes d’humoristes qui ne se cĂŽtoient pas est la meilleure façon de voir ce qui se fait. Par contre, on ne pourra pas voir tout le monde. J’Ă©tais surprise de dĂ©couvrir Djamil le Shlag au Bordel Club sans jamais l’avoir vu auparavant en plus d’un an passĂ© dans ces lieux. A l’inverse, il m’arrive parfois qu’Adrien Arnoux et RĂ©mi Boyes me manquent.

Au One More Joke la semaine derniĂšre, ça m’a frappĂ©e. J’ai parlĂ© avec Cyril Hives pendant une bonne partie du temps, j’ai croisĂ© Thomas de Laporte (rencontrĂ© au Cactus Comedy) et j’ai pas mal Ă©changĂ© avec Sylvain Fergot. Ces humoristes lĂ , en retrait face aux habituĂ©s, ne sont pas encore stakhanovistes des plateaux ou sortent d’un accident de surf. Et aussi, je les ai rencontrĂ©s dans la vraie vie, pas sur le web. En parlant des habituĂ©s des plateaux, il y avait justement RĂ©mi Boyes (Ă©videmment Joseph Roussin n’Ă©tait pas loin). Charles Nouveau, Jean-Philippe de Tinguy et ces deux-lĂ  ont aussi Ă©mergĂ© en 2014-2015. J’ai littĂ©ralement vu l’Ă©cart, leur Ă©volution dans une autre dimension.

L’influence de l’algorithme sur le stand-up : les chiffres ne veulent-ils rien dire ?

Le succĂšs d’une vidĂ©o ne doit rien au hasard. Je ne sais plus dans quel podcast ou dans quelle vidĂ©o je l’ai entendu. A l’inverse, on se plaint souvent que les contenus de niche ou alternatifs ne dĂ©collent pas. Ce n’est pas moi qui vais le dire le contraire : moins de 250 fans sur Facebook pour ce site. Une nerd qui fait des trucs dans son coin, qui parle Ă  d’autres nerds. Ce n’est pas grave, mais parfois on se demande pourquoi on fait tout ça. Et on continue comme un rĂ©flexe, parce qu’on aime juste ça.

Dans un article rĂ©cent, je parlais du classement des humoristes en tĂȘte d’affiche. Quelques jours plus tard, je dĂ©couvre Baptiste Lecaplain pour la premiĂšre fois sur scĂšne. Il ouvrait la finale du Campus Comedy Tour, remportĂ© par Paul Mirabel (qui succĂšde Ă  Nordine Ganso). La salle a ri de bon cƓur, mais je n’Ă©tais pas Ă  la fĂȘte. Je ne sais pas si liĂ© au style d’humour universel ou si j’avais l’impression d’avoir entendu 1000 fois la mĂȘme idĂ©e, mais j’ai Ă©tĂ© déçue. Bim, 71000 fans sur Facebook. Je reprendrai une fournĂ©e d’alternative comedy. PrĂ©cisons toutefois qu’il m’a dĂ©jĂ  fait rire par Ă©cran interposĂ© et que je suis persuadĂ©e qu’il a beaucoup de talent. Je ne juge qu’une prestation de quelques minutes. Ne l’oublions jamais : cela ne vaut pas le coup de dĂ©verser gratuitement de la mauvaise critique.

Judd Apatow vs. Philippe-Audrey Larrue St-Jacques

Pendant que l’algorithme vient chambouler la portĂ©e des publications de pages d’artistes stand-up, la vie continue. J’ai eu le droit Ă  un anniversaire en retard, comme c’est la tradition dans l’open-space oĂč j’Ă©volue. On m’a offert Mes hĂ©ros comiques de Judd Apatow, je suis en train de le dĂ©vorer et je vous raconterai sĂ»rement tout ça.

Surtout, en commençant la lecture, j’ai eu trĂšs envie de deux choses :

  • assister Ă  la parution d’un livre d’entretiens avec les humoristes francophones d’aujourd’hui ;
  • voir une sĂ©rie Ă  la Parks and Recreation ou Brooklyn Nine-Nine voir le jour avec des comiques francophones.

Pendant que je rĂ©flĂ©chissais Ă  mes fantasmes audiovisuels, l’une des artistes du spot du rire m’a interpellĂ©e… via Facebook. Betty Durieux faisait de la pub pour un artiste qui vient en France en avril pour 3 petites dates au Point Virgule. Apparaissait un nom obscur sur mon Ă©cran de smartphone : Philippe-Audrey Larrue St-Jacques. Tant de questions se bousculaient dans ma tĂȘte : c’est qui, pourquoi ce nom, quel genre d’humour ? Pourquoi me mentionner moi, ce jour-lĂ  ? La publication parlait de dĂ©couvrir un humoriste sans prendre l’avion… et c’est vrai que parfois, je pars en train ou en avion pour en dĂ©couvrir…

Bref, allez voir celui qui est encore un peu Ă©nigmatique pour moi du 12 au 14 avril au Point Virgule ! Parce qu’il repart juste aprĂšs… Vous pourrez ensuite le recroiser sur Facebook, probablement.

Pour l’heure, la comĂ©die se porte bien. Allez en plateau la voir en vrai.

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