Morgane Cadignan, Guiguipop, Marie de Brauer… Les cool kids du stand-up

Juliette Follin 24/04/2024

Le 17 avril, j’étais au Cartel Comedy Club pour voir 3 cool kids du stand-up : Morgane Cadignan, Guiguipop et Marie de Brauer. Une soirée idéale pour cerner ce style de stand-up très particulier. Plongeons ensemble dans ce monde parallèle pour vérifier sa pertinence artistique !

C’est quoi, le monde des cool kids du stand-up ?

Quand j’ai franchi les portes du Cartel Comedy Club, je salue Guiguipop et Morgane Cadignan. Ils vont jouer juste après ; en toute détente, ils discutent derrière le bar. Morgane me lance : « Tu viens pour le 30 ? ». La nana est tellement cool qu’elle ne prend plus le temps de dire 30-30.

Sur le toit du monde des cool kids, on va à l’essentiel. Casquette vissée, verre à la main, socialement ancrée, elle force le respect. Guiguipop enchaîne les éclats de rire avec ses fellow cool kids. Pierre Thevenoux a fait un AVC à la vue de cette liste d’anglicismes — pardon.

Aux côtés de Guiguipop, je reconnais Marie de Brauer. Comme Guiguipop, elle a un podcast que les gens écoutent. Féérique, ce concept. Comme lui, elle entrera en scène quelques minutes plus tard. Justine le Pottier, fondatrice du Cartel, est aussi présente. Elle déambule, téléphone à la main. En parallèle, je me demande en quoi consiste le travail de ces gens.

J’en découvre une partie quelques minutes plus tard, quand elle fait retentir une cloche. Le spectacle va commencer et l’armée de spectateurs se colmate en quelques secondes. J’ai assisté à toute la scène, je savais avant tous ces buveurs de rires qu’on allait descendre. Et pourtant, ils se levaient pour leur performance de natation synchronisée, me dépassant avec un aplomb exceptionnel.

Pendant que j’observais ce manège, casque vissé sur mes oreilles, je regardais d’un autre œil le podcast de Podkassos avec Pierre Thevenoux, Ghislain Blique et Franjo. Une bande rivale ? Un truc pour affirmer mon appartenance aux comedy nerds ? Je me sentais dépassée, mentalement et physiquement, par cette marée humaine d’initiés.

Marie de Brauer en première partie du 30-30 au Cartel Comedy Club

Satisfaite de me retrouver dans le ventre mou de cette queue, je prenais place près de la sortie. On me plaçait, puis déplaçait en m’appelant « madame ». Chic, je suis incognito ici ! C’était comme au Canal Football Club, ce moment où la citoyenne de seconde zone doit raser les murs. Déportée pour faire place au staff de Guiguipop. Au moins, cette fois, ce n’est pas parce que ma gueule faisait tache au premier rang…

Après quelques minutes (le Cartel est efficace pour installer le public !), Marie de Brauer rejoint la scène. Une partie de son set me semble familière. Soit entendu en podcast, soit vu sur internet. Ce passage donnera le ton de la soirée : un fond hyper banal, d’une parisienne in qui parle de son célibat… Dans le genre on s’en fout, on y est. Mais le set est porté par une forme qui assoit sa légitimité. J’ai compris à cet instant que pour Marie, le stand-up n’était pas une lubie de cool kid. Et heureusement !

Elle s’y mettait vraiment ; elle était simplement au début du processus. Le propos fleurait bon le monde de l’influence et des podcasts. Rémi Boyes l’explique brillamment dans cet épisode. Si on devait dresser un parallèle, c’est ce que Camille Lorente était à ses débuts. Ancienne journaliste sexo devenue vlogueuse sur YouTube, remarquée dans Comedy Class, elle rode son spectacle à Bruxelles début juin… La trajectoire de Marie de Brauer, multi-casquette passée par le monde du journalisme, semble faire écho à celle de Camille. Alors on attendra le spectacle !

Rémi Boyes, le stand-upper indé intronisé cool kid

Guiguipop entre en scène

Guiguipop, transfuge du monde de la musique, fait beaucoup parler de lui en stand-up. Vous l’avez sans doute découvert non loin d’Étienne et Antoine lorsqu’ils se lançaient dans leur aventure stand-up vers le Trianon. Ou alors au Random, toujours avec la même bande.

Il a ce côté Frank Matter en plus jeune, avec la veste en jean emblématique. Son intonation de voix me rappelle celle de Jean-Patrick (alias Je Suis Lapin). Deux outsiders versus leur pendant cool kid… Les analogies qui naissent dans mon cerveau ne nous révèlent pas grand-chose. Alors laissons les comparaisons et autres denims au placard.

Guiguipop investit la scène avec une forme de stand-up atypique. On pourrait croire que c’est tricher. Oui, la forme surpasse le fond, qui n’est que prétexte pour tordre le genre d’humour à sa guise. Les mots ajoutés, qu’on aurait envie de couper pour obtenir un propos linéaire, sont tout à coup essentiels — des murs porteurs du LOL. Un virtuose du rythme stand-up entre dans l’arène, et son aura dépasse le réseau des cool kids. La prouesse est plus rare qu’il n’y paraît. Ces 30 minutes sont homogènes, solides et flirtent avec la vanne gratuite. Deux exemples parlants, étirés jusqu’au boutisme : le passage sur les nains de Fort Boyard et sa lose sentimentale.

Morgane Cadignan : la reine des cool kids du stand-up

Après un premier spectacle remarqué, acheté par les meilleures TV francophones, Morgane Cadignan enchaîne déjà sur un nouvel opus. L’ancienne recrue du Laugh Steady Crew conserve son style iconique et le thème de l’humour générationnel. Elle cible notamment un sujet vu et revu : les relations chez les trentenaires parisiens.

Un risque plus grand qu’il n’y paraît ! Comment rester originale et iconique quand tout a été dit, ou presque ? L’un de ses secrets, c’est le sens de la punchline. Je vous offre un rappel historique important pour la suite. En 2019, Morgane Cadignan a reçu le prix SACD du Festival d’Humour de Paris, l’année du triomphe de Paul Mirabel. Oui, à une époque, le FUP pesait dans le game. Ce prix SACD célèbre les talents d’écriture des meilleures prestations vues à Bobino. Sans surprise, la suite était radieuse : France Inter, l’Européen…

Cette montée en célébrité n’a altéré en rien la superbe de Morgane sur scène. En s’acharnant sur l’humour universel appliqué à sa cible, elle affirme sa pertinence plus que jamais. Une autre artiste se casserait les dents sur ce thème, mais pas Morgane. Même dans les moments où la généralisation est trop prononcée, mériterait de la nuance, Morgane n’a pas besoin d’en ajouter. C’est son cadre comique, elle y excelle, on est là pour célébrer cette expérience unique. Morgane Cadignan est, indubitablement, la reine des cool kids du stand-up. Le plus fort, c’est que son règne ne fait que commencer…

La checklist du cool kid qui marquera les esprits en stand-up

  • Participer à un podcast d’envergure (ou le créer)
  • Partir d’un fond somme toute banal (bonus si futile), le relooker dans les Reines du shopping ou Pimp my ride
  • Avoir un look mémorable (friperie acceptée) et s’entourer d’autres cool kids pour le faire remarquer
  • Travailler dur : un cool kid flemmard est relégable et détestable ; à cool kid vaillant, tout est possible
  • Tenir bon : comme pour les prolos des blagues, l’endurance est la clé
  • Adopter des codes visuels liés au rétro sur les réseaux
  • Être dans une réinvention des codes sociaux sur des thèmes comme l’amour, l’amitié ou les plaisirs coupables musicaux

Bonus track – Laury Madel, Fabien Taramasco, Mathilde Abassi : les nouveaux cool kids du stand-up ?

Oui, parce que le Cartel n’a pas le monopole des cool kids. Le dernier comedy club abrite aussi ce genre de talents les dimanches soirs à la Mécanique ondulatoire…

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