Mauvaise graine : Marine Leonardi déjà culte à la Petite Loge

Juliette Follin 11/12/2023

Mauvaise graine est le premier spectacle de Marine Leonardi. Elle le joue depuis la rentrée à la Petite Loge. Malgré cette précocité, la copie rendue est excellente et elle rappelle les plus belles heures du plus petit théâtre de la capitale.

Marine Leonardi dans Mauvaise graine : des salles complètes incontestables

Nous sommes à un moment charnière pour le stand-up où les vidéos remplissent parfois mieux les salles que le talent. Toute la profession en souffre, c’est un cri du cœur des artistes et même le public se retrouve floué. Fort heureusement, certains irréductibles humoristes arrivent à allier les deux. Vous me direz, c’est une salle d’une vingtaine de places, rien d’insurmontable. Mais imaginez la détresse de ceux qui n’arrivent pas à ce premier palier… Ils furent nombreux, et parfois résolument talentueux !

Marine Leonardi a su conjuguer les deux mondes pour le meilleur. Produire de la qualité, trouver son public dans les caves de stand-up comme sur les réseaux sociaux : une formalité, vous dites ? Pas vraiment. Il suffit d’écouter cet épisode, dans lequel Marine revient sur sa reconversion dans le monde du stand-up.

Certains viennent sur scène en touriste, sans grand propos à partager. Marine Leonardi n’est pas faite de ce bois, comme décrit dans son portrait de découverte humour. J’ai l’impression que c’était hier, alors que ce papier a déjà plus de deux ans.

La maternité, la famille, le féminisme ou encore le monde du travail : des sujets classiques mobilisés avec la manière

Marine Leonardi propose un stand-up quasiment chirurgical. Cela fait longtemps que je n’avais pas vu un tel niveau dans cette salle. Je mettrais en parallèle Mauvaise graine avec les shows de Charles Nouveau et de Marina Rollman au 2, rue la Bruyère. Des plumes qui savent jouer des personnages, mettre leur patte comme personne. Les sujets sont finalement assez basiques, mais la personne qui les incarne ressort nettement. Mentionnons aussi Aude Galliou à la mise en scène, qui continue de propulser de nombreux talents (Verino, Lisa Perrio, Tristan Lucas, Urbain…)

Marine Leonardi évolue comme un poisson dans l’eau. Son association avec Hugo Gertner dans l’écriture du spectacle fait sens. Pourrait-on qualifier Hugo Gertner de solaire ? En tout cas, Marine Leonardi illumine la scène de deux mètres carrés. Blague à part, sur le fond, les deux sont assez pince sans-rire et leurs univers sont très compatibles.

Marine a aussi une voix, un peu comme Marina quelque part. Cette signature vocale qui a déjà séduit Rire et chansons colle avec son interprétation, qui porte l’ensemble. Son sens accru du détail pourrait échapper aux plus néophytes. Or croyez-moi sur parole, il n’y a aucun hasard dans cette heure de stand-up de grande qualité. Résultat : un show « aligné » et carré, à des années lumières du stand-up fast-food (pardonnez mes anglicismes).

L’appel des grandes salles

À titre personnel, je n’oublierai jamais ce spectacle. Habituellement, les spectacles qui parlent de la parentalité me font fuir. Je n’ai pas su écrire une critique quand Fosko passait à la Petite Loge. La raison honteuse se cache derrière ma peur panique des enfants. J‘aurais de la peine à voir Giorgio Alessi, alors que ça a l’air super et que son nom ressemble à Jean Alesi.

Mais avec Marine Leonardi, tout cela devient fun. En plus, sa blague sur les personnes qui ne veulent pas d’enfants en début de spectacle m’a cueillie. Libérée d’un poids, dans le même temps (elle sait lequel). Je m’identifie à elle sur bien d’autres aspects que ses thèmes de spectacle. Pour autant, la voir raconter ces histoires me garde dans le collectif. Je suis reconnaissante de l’avoir vue planter la première graine de sa carrière dans un lieu qui m’est cher. La prochaine étape arrive très vite…

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