Rétro spot 1/3 – Comment j’ai rencontré le 33 Comedy

Juliette Follin 18/03/2020

Pendant que tout le monde reste chez soi, j’ai décidé de vous livrer des écrits que je n’ai jamais publiés. Bien gardés au chaud, ils relatent mes premières impressions et motivations dans le monde de l’humour. Le premier épisode revient sur ma rencontre avec le 33 comedy… Bonne lecture !


Ma première grange comique

En 2016, le 33 Comedy Club accueille l’une des soirées humour qui va devenir culte. C’est là que j’y rencontre les trois résidents du plateau. Les résidents, ce sont les humoristes qui jouent de manière récurrente sur la même scène de stand-up. Dans ce cas-ci, ce sont les créateurs et organisateurs des soirées. Toujours dans le 2e arrondissement, ils permettent à trois têtes d’affiche de leur montrer la voie.

Leur musique officielle est celle utilisée pour la série La fête à la maison. Elle faisait fureur dans les années 1990 et me comptait parmi ses spectateurs fidèles. Le titre de cette série fait écho à cette soirée, pour moi, car je m’y sens littéralement chez moi. Ce sentiment est généralement partagé par les humoristes, qui passent généralement un bon moment dans cette cave. Le mot « cave » avait, pour moi, une connotation un peu négative avant… qui aurait cru que m’y engouffrer si souvent conditionnerait mon bonheur de jeune adulte ?

À la rencontre des résidents

Très complémentaires, les organisateurs de la soirée m’ont vite acceptée à bras ouverts.

Jean-Patrick et son bonnet de lapin

Jean-Patrick m’a tout de suite fait rire avec son bonnet de lapin et sa présence étrange. J’étais très attirée par toutes les bizarreries du stand-up. Plus un humoriste jouait avec les névroses, plus je l’aimais. Sous ses airs de séducteur comique se cache une personne qui a une vraie analyse sur le monde qui l’entoure. Sa personnalité vaut le détour. Il ne se conforme pas vraiment à un idéal comique américain, contrairement à nombre de ses collègues. Son univers ne transparaît pas au premier coup d’œil, mais je sens chez lui quelque chose de vraiment positif.

Antek et ses lunettes rouges

Antek, c’est l’optimiste de la bande. Avec ses lunettes rouges et son sourire permanent, il accueille le public avec beaucoup d’enthousiasme. Cela fait de lui le meilleur des trois pour lancer les soirées. Sur scène comme dans la vie, il est très bienveillant avec ceux qui l’entourent. Également, il pousse les autres à s’améliorer et se dévoiler. Je l’ai découvert au fil des mois sur le plateau du 33 Comedy, mais pas seulement. À la Grange, il enregistrait son émission de radio avec les moyens du bord, toujours au même endroit. Il proposait d’y assister, et j’ai toujours été la seule personne du public.

C’est dans ce cadre que j’ai commencé à dialoguer avec les acteurs du stand-up. Parfois, ils m’interrogeaient même pendant l’émission, mais ma peur du micro faisait que je le maintenais loin de moi. Souvent, Mathias Fudala me tenait le micro pour sauver les meubles. Il assurait les chroniques ciné et qui allait reprendre le show quelques mois plus tard. C’est lourd, quand même, ce micro…

Ghislain et son harmonica

Ghislain, enfin, c’est l’humoriste qui se révèle le plus des trois. Pourtant, il n’a pas atteint le stade de proposer un spectacle au public (ce sera pour plus tard). Il peut faire rire en manipulant un harmonica comme un débutant. Sa force réside dans un personnage de scène « connard » (sic !) muri au fil des semaines. Et ça marche : cette facette cache une véritable sensibilité, palpable, et une facilité à rire avec les autres peu commune.

Quand Ghislain part en fou rire, c’est incontrôlable. Comme il fume pas mal, il a souvent une quinte de toux associée. C’est un peu lui qui a pris son envol grâce à un podcast inclassable, Sympa la vie. Chaque lundi matin, lui et Paul Dechavanne ont diverti les humoristes et le public. Grâce à ce podcast, il peut jouer un peu partout dans Paris et son style d’humour est clairement identifié.

33 Comedy : premier QG du rire

Au fil des mois, mon attachement au 33 Comedy s’affirme. Après un peu plus d’un an, je passe du côté des loges. Je n’ai plus à rester dans la salle où le public se tient. Cela me comble grandement. Faire la queue 30 minutes pour être assis avec tout le monde, ce n’est pas pareil que d’être en coulisses ! Je veux tout savoir sur ces âmes comiques qui me fascinent et qui me font lever le matin… Paradoxal, puisque je les vois le soir… Mais mon travail est un gagne-pain pour profiter après coup avec ceux qui vont devenir incontournables dans mon existence.

Même lorsque je me situais dans le public, je ramenais le plus de connaissances possibles. Parfois, ils ne se connaissaient pas, comme lorsque j’ai invité un rencard d’une application mobile que je n’utilise plus depuis. Petit à petit, je me sépare ainsi de mes connaissances passées. Je comprends en effet qu’elles ne sont pas viables sur le long terme. Souvent, elles s’intéressent à moi pour les mauvaises raisons. Leur intérêt n’est donc pas aussi sincère que le mien pour les humoristes. Elles veulent me parler de leurs problèmes, cracher sur un ancien patron commun… Ou essayer de me draguer en misant sur ma solitude qui deviendrait désespoir.

D’un cercle social à l’autre

Ainsi, rencontrer tant de nouvelles têtes de l’humour m’a permis de faire le ménage mais, paradoxalement, m’a isolé. Leur tempérament et le mien sont solitaires. De plus, beaucoup semblent avoir besoin de moments où ils se sentent aimés et entourés. On doit véritablement connecter sur ce point.

Pour la première fois, avec le 33 Comedy, je me suis sentie accueillie à Paris. Quelque chose sépare les bandes déjà établies des nouveaux venus. Pourtant, là-bas, je peux passer du temps avec les humoristes sans être toisée. Même l’expérience de commande de boissons au bar ne me semble plus traumatisante. Le personnel me connaît, me demande si ça va – ça change tout.

Trouver ma place : le 33 Comedy conditionnera la suite

Au fil des semaines, je commence à m’affirmer dans l’espace. Je pense d’abord gêner les humoristes en ne sachant pas où me mettre en loges. Puis, je réussis à me lever, comme eux. Je me fraye un chemin pour voir le spectacle. Ainsi, je ne perds pas une miette des infos croustillantes balancées en coulisses. Je veux tout savoir et connaitre le plus de gens possible, pour qu’ils me considèrent comme une des leurs. Encore ce fichu besoin d’appartenance… Or, sans lui, je n’écrirais sûrement pas pour eux. Cette motivation intrinsèque se joue sûrement à ce niveau-là. En m’acceptant et me confiant les secrets du milieu, ils me font gagner en confiance.

Un soir, l’humoriste Certe Mathurin m’a même dit que j’avais changé : je n’étais plus voutée, comme dans les débuts. Il faut dire que parmi les humoristes, parfois introvertis, on se sent moins seul dans ses névroses. On se rend compte que tout le monde est fou. De nombreuses personnes, dans les milieux artistiques, citent le tweet de Ricky Gervais. En somme, il conseille de ne pas trop s’inquiéter parce que personne ne sait vraiment ce qu’il fait. Tout le monde est perdu, et les humoristes savent en rire et permettent souvent d’aller de l’avant. Après une dure journée de travail, se retrouver dans un plateau comme le 33 Comedy est inévitablement salvateur. Cela confère un peu de bonheur aux citadins stressés qui s’engouffrent dans les caves comme celle de la Grange.

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