One More Joke et 33 Comedy : ils ont osé inviter tous les humoristes !

Juliette Follin 02/08/2017

Cet été, 2 plateaux ont fait un pari. Les comedy clubs perdent mathématiquement leur public parti en vacances. Pour attirer un public conséquent, ils sortent donc l’artillerie lourde de l’humour parisien. Amener 20 humoristes et plus dans la même soirée, les faire jouer 3 minutes chrono.

Le public vient plus nombreux, l’ambiance monte et les risques d’annulation de plateau… s’annulent. Le spot du rire y était pour savoir ce que vaut un tel format !

En immersion dans l’humour parisien

On m’a déjà dit que je pourrais être détective privée. Figurez-vous qu’il existe des gens qui prennent des trains pour lire au-dessus des épaules de Business Executive et écouter des conversations privées. Parce que les gens signent des clauses de confidentialité, mais ils restent humains et finissent parfois par dévoiler des détails qui n’auraient pas dû fuiter.

Mais je ne suis pas détective privée. Par contre, je me suis infiltrée dans 2 plateaux d’humoristes un peu spéciaux en cet été 2017. 20 humoristes au One More Joke, 33 humoristes au 33 Comedy (enfin 34, mais ça a été vendu avec 33 protagonistes initialement)… j’étais donc parée pour une vraie aventure. En voici les détails… pas très confidentiels.

Plateaux géants : une kermesse du rire

Ambiance mariage, métro japonais… cela ne fait aucun doute : dans les deux cas, nous sommes dans une salle bondée. L’idée initiale vient de Louis Dubourg, il la lâche en off lors de l’enregistrement de l’émission d’Antek, Antek on R’. Plutôt que de faire venir 3 humoristes pour leur laisser 20 minutes de parole, inversons les chiffres : 20 humoristes plutôt que 3 garantit de brasser une fanbase plus dense !

Premier rendez-vous pris le jeudi 27 juillet, avec des humoristes sur le point de partir en vacances. Chacun dispose de 3 minutes, et Louis veille au grain. Le videur du One More peut être réquisitionné à tout moment pour déloger l’humoriste de scène. Mais s’ils aiment pousser l’humour et le comique pour obtenir des rires, ils sont beaux joueurs et aucun ne fera de sitting ou de grève de la faim pour terminer sa blague.

Dans le public, on grince des dents. L’angoisse du temps qui défile se vit avec l’humoriste. Si on lui coupe la parole, c’est la catastrophe ! On a tous envie qu’il réussisse. L’événement permet, plus que jamais, d’aller dans le même sens, pour la beauté du geste technique. Voilà un échantillon du stand-up à l’état brut, il n’y a plus du tout de quatrième mur.

Faire rire en 3 minutes : plusieurs écoles se côtoient

Antek au One More Joke

© Fabrice Mawule Houessou

Il y a ceux qui ont préparé une prestation spéciale, comme Antek qui réserve un hommage convaincant au chanteur Chester Bennington. La thématique : s’il avait été bobo, mangé du quinoa, il serait peut-être encore de ce monde.

D’autres commencent tranquillement leur passage habituel. Cela fonctionne également : comme le stand-up peut se passer de transition, on peut l’arrêter à tout moment. David Azencot et Guilhem Malissen, par exemple, ont un univers bien à eux. L’ambiance s’en retrouve toujours altérée, et les rires fusent.

Il en va de même pour les one-liners. Joseph Roussin, qui a mis de côté son personnage de détective pour l’occasion, retourne à ses premières amours et lance plusieurs répliques pour rebondir sur l’affaire du petit Grégory.

Joseph Roussin et Rémi Boyes au One More Joke

© Fabrice Mawule Houessou

Certains tentent de mélanger leurs passages habituels avec de légères nouveautés. Par exemple, Rémi Boyes en a profité pour introduire sa nouvelle punchline sur Pompéi. Si vous l’avez manquée, elle a fonctionné comme jamais ce soir-là. Déjà testée au 33 Comedy dans un plateau plus classique, elle faisait déjà rire. Là, le One More était vraiment retourné, comme aiment le dire Certe Mathurin et Louis Dubourg.

Comment le public accueille-t-il ce format ?

Le One More Joke propose traditionnellement un entracte. 20 humoristes, cela se divise hyper bien par 2. Mes études littéraires me permettent d’être autonome sur cette opération. Ainsi, pas de fatigue à déplorer.

En revanche, le 33 Comedy a davantage patiné : les 33 humoristes s’enchaînaient sans interruption. Et pour inaugurer le mois d’août, il fallait attirer des humoristes présents et disponibles. Quand on atteint le chiffre 33, cela devient difficile de proposer une qualité homogène.

Le ventre mou n’a pas été simple à affronter, malgré un glissement sporadique d’humoristes confirmés çà et là. Marina Cars a fait partie de celles qui ont ranimé la flamme et fait oublier la fatigue de la journée.

Débutants, confirmés, nouveaux départs : une chance de briller pour tous !

On pourrait croire que le 33 Comedy a manqué le coche. Il n’en est rien : pour la première fois, j’ai assisté à un vrai panorama de stand-up. Tous les styles et niveaux se côtoyaient. Il y avait ceux qui avaient besoin de reprendre confiance après un ou deux bides. Le public n’est pas toujours tendre/bienveillant, et il n’est pas simple de rebondir, parfois.

Difficile d’établir un classement entre les bons et les moins bons. Je note juste que Mathias Fudala et Paul de Saint-Sernin m’ont agréablement surprise lors de leurs passages respectifs.

Mathias prend le risque des jeux de mots. Il pourrait tomber dans les blagues Carambar, mais il tient un univers qui lui est propre. Il tourne en dérision son image de mec timide et peu sûr de lui en disant qu’il incarne un personnage. En fait, sa personnalité tourne plutôt autour d’un grand black ultra baraqué. La salle explose de rire, s’attache. On ne perçoit aucun jugement de valeur sur sa personne, juste un élan d’humanité face à cette sincérité dans le jeu.

Quant à Paul, il joue dans un registre similaire à Charles Nouveau en revisitant les commentaires sportifs. Comme je connais ce milieu, je suis complètement happée dans le sketch et pleinement convaincue de la prestation.

Jean-Philippe de Tinguy au One More Joke

© Fabrice Mawule Houessou

Bien entendu, on n’oublie pas la présence des artistes du spot du rire, représentés ce soir-là par Jean-Philippe et Nadim. Leur univers parallèle a encore fait mouche. Les deux cohabitent dans ce même espace-temps sans jamais empiéter sur le jeu de scène de l’autre.

Ils se croisent de plus en plus sur les mêmes plateaux, riant allègrement de la prestation de leur quasi-double. Les fans du genre aimeraient fortement les voir partager 30 minutes de scène chacun. Je pose cet argument ici, advienne que pourra.

Les bars comme lieux d’accueil de l’humour parisien

Il s’appelle Jérôme, et c’est le big boss de la Grange, le bar qui accueille le 33 Comedy depuis un peu plus d’un an. Les gens comme Jérôme, ce sont eux qui donnent leur première chance aux artistes de s’exprimer. Ils offrent un espace de liberté, et cela bénéficie à tout le monde : public, artistes.

C’est grâce à des gens comme Jérôme qu’on assiste à une émulation qui stimule la créativité des figures du stand-up, de plus en plus nombreuses et affûtées. Pour ces lieux, aménager un espace pour le stand-up est un bon moyen d’attirer du monde, d’apporter de la convivialité dans une société sclérosée par les apparences, bref de permettre aux gens de péter un coup face au destin qui l’attend.

En vérité, pour accueillir le 33 Comedy et ses 33 humoristes, il a fallu faire preuve d’ingéniosité. Le spectacle est passé du sous-sol au rez-de-chaussée. Les artistes n’étaient pas aussi isolés que d’habitude. Situés juste derrière le public, ils se tenaient fin prêts à passer chacun leur tour.

Le bar a gracieusement prêté du matériel son pour cette organisation inédite, qui s’est déroulée en un temps record : annonce le dimanche sur les réseaux sociaux, événement le mardi.

Et le public était au rendez-vous. La Grange, c’est aussi le lieu de prédilection de l’enregistrement de l’émission d’Antek, donc en matière de QG pour ses 3 résidents (Jean-Patrick et Ghislain, accompagnés d’Antek), on est plutôt dans du lourd. Si vous voulez en savoir plus sur ce lieu, on lui a consacré une petite fiche explicative avec le plan et le plateau dédié.

En résumé

Honnêtement, j’étais sceptique sur la réussite d’un passage de nombreux humoristes en 3 minutes. Je comprenais le modèle économique de l’idée sans difficulté, mais j’avais du mal à me projeter en tant que public. Au final, la découverte est facilitée par ce type de format. La curiosité est attisée : on a encore faim.

Seul bémol : difficile pour un artiste de faire son actualité sur ces événements, mais on peut se dire que le public sera au rendez-vous au prochain plateau pour les revoir !

Enfin, il est temps de vous livrer une anecdote. J’ai aussi croisé quelqu’un du public qui venait seul et découvrait les plateaux français pour la première fois. Le Français est sa langue maternelle mais il a découvert les comedy clubs à travers Erasmus et ses voyages à l’étranger.

Son premier contact avec les scènes parisiennes, c’est l’un des plateaux anglophones de la capitale : la stand-up comedy night au Tennessee, un bar parisien de Saint-Germain des Prés. Je ne sais pas s’il a passé une bonne soirée, mais il s’est resservi en bière 3 fois. Une enquête rondement menée par le spot du rire, comme vous pouvez le voir !

Crédits photo

Dans les humoristes présents à ces petites kermesses du rire, on trouve Fabrice Mawule Houessou. Pour ceux qui ne le connaissent pas, c’est le photographe de l’Underground Comedy Club. Si vous voulez jeter un œil à son art, une page dédiée répertorie toutes les photos prises lors de ce plateau d’humoristes.

Autant vous dire qu’elles sont extrêmement bien prises et que c’est un régal pour les yeux ! Merci à lui pour l’aimable autorisation de reproduction de ces clichés !

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