Cinzia Cattaneo à la Petite Loge – La Suisse à Paris

Avec l’arrivée de Cinzia Cattaneo en spectacle à Paris en janvier, puis Bruxelles en février, l’humour suisse romand veut se doter d’une nouvelle figure du stand-up. La relève a beaucoup de pression après les succès de Marina Rollman et Thomas Wiesel. L’intérêt pour les humoristes suisses en France grandit, à tel point que les Belges, longtemps voisins chouchoutés, vont devoir partager le gâteau.

Humour local vs. centres de formations de l’humour

Mais comme pour toute catégorisation par zone géographique, ce n’est pas tant la provenance que l’environnement de développement artistique qui compte. Au lieu de parler d’humour belge, il faudrait dire, par exemple, la bande du Kings of Comedy Club. Pour l’humour suisse, on pourrait parler de la bande de Couleur 3, chapeautée par Valérie Paccaud, par exemple. Et encore, on aurait une vision tronquée. Pour preuve, c’est précisément cette bande que je suis de près, ce qui a fait que je ne vous ai pas parlé des deux Vincent. Ces deux Vincent, institutions de l’humour romand, sont par ailleurs bien présents dans le documentaire « Drôles de Suisses ».

Bruno Peki, Cinzia Cattaneo, Thibaud Agoston : quelques visages de la relève suisse

Revenons à la relève suisse, désormais attractive humoristiquement hors de ses frontières. Dans ce contexte, Thibaud Agoston, Bruno Peki et Romain Jacques ont passé une tête en France via le tremplin des Best de l’Humour. Thibaud a connu la percée la plus grande avec un passage remarqué à la Petite Loge. Son slam poétique et son incarnation de l’homme moderne (nom de son spectacle) ont ému en plateau d’humour, à la radio et en festival.

Bruno Peki a parfois souffert d’une comparaison avec Paul Mirabel dans sa manière de conter la vulnérabilité masculine. De manière plus générale, il a vite été propulsé dans des captations et à la radio en Suisse. Ses records de précocité dans la production d’humour l’ont peut-être mené à un départ anticipé. Heureusement, il a su travailler sur cela à Genève, où il proposera son spectacle nouvelle formule en avril. Un temps de maturation nécessaire qui devrait lui permettre de passer à la vitesse supérieure dans un futur proche.

Cinzia Cattaneo : la technique est déjà là, le reste suivra

Du haut de ses 25 ans, Cinzia Cattaneo incarne aussi une forme de jeunesse scénique. La pression de devoir renouveler la génération d’humoristes suisses reconnus en France semble autant la galvaniser que la plonger à toute vitesse dans le grand bain. En ce début 2022, elle se retrouve elle aussi à la Petite Loge pour tester sa nouvelle heure. Techniquement, le phrasé et l’ADN stand-up sont là. On retrouve la patte genevoise précédemment portée par Charles Nouveau et Alexandre Kominek dans cette même salle. En conséquence, une forme de qualité découle naturellement de cette première heure.

Cependant, il reste du travail. On sent que le spectacle repose sur une série de réflexions plus que sur une introspection authentique. Les sujets personnels s’enchaînent, mais ne sont jamais réellement creusés. La forme est répétitive, comme une succession de passages stand-up sans fil conducteur véritable. Heureusement, Cinzia et ses deux co-autrices, les directrices du Caustic Comedy Club à Genève, sont conscientes de ce travail. Olivia Gardet et Émilie Chapelle vont continuer de s’y plonger corps et âme.

Pas de panique, donc. Chez Cinzia Cattaneo, il y a indéniablement une richesse. Les bases techniques et les blagues sont déjà là : la grammaire du rire chère à Christine Berrou est saine et sauve. Avec des fondations aussi solides, le reste va découler. Les voyants sont au vert : ses premières chroniques en radio prometteuses vont rendre son style singulier à terme. Le propos va se muscler et rejoindre son charisme scénique, que je trouve assez lumineux. Reste à connaître l’orientation de son spectacle au bout du périple. À quel point la stand-uppeuse genevoise va-t-elle se dévoiler ? Le suspense est haletant !