PremiĂšre fois en Avignon : des artistes et des histoires

Juliette Follin 19/07/2019

Avignon, je venais vers toi Ă  reculons. On m’a parlĂ© de toi comme un four, un rouleau-compresseur d’artiste. Alors je suis venue en coup de vent en Avignon, sans conviction. Du 16 au 18 juillet, j’ai suivi Marion Mezadorian dans sa quĂȘte de spectateurs, de rires et d’émotions.

Arriver dans la citĂ© des Papes Ă©tait Ă©trangement agrĂ©able. La ville semblait belle et calme. Au loin, je voyais bien les lignĂ©es d’affiches, mais je restais Ă©pargnĂ©e par le karcher de Denise et la pluie de flyers au loin.

Marcher dans les rues, au milieu de tous ces saltimbanques qui ne rĂȘvent pas de stand-up, a d’abord Ă©tĂ© un problĂšme. Le mal du pays me gagnait dĂ©jĂ . Je partais Ă  la recherche d’une zone de confort, de visages habituels. Faire revivre Paris lĂ -bas devenait une prioritĂ© urgente.

J’étais tellement perdue que je calquais tous mes choix de boisson sur ceux de mon hĂŽte. RĂ©flexe de survie ? Peur de choisir sans voir de carte ? Aucune idĂ©e, mais la transition, c’était le sirop d’orgeat. Ce truc de dingue me faisait signer un traitĂ© de paix avec le cagnard du sud de la France.

Rencontre avec un serial photographe en Avignon

AprĂšs un premier repas entourĂ© d’abeilles, direction le ThĂ©Ăątre le Paris pour un cocktail VIP… qu’on a vĂ©cu en 30 secondes chrono. Entre les Chevaliers du Fiel et l’un des spectateurs, Cyril, on a choisi la deuxiĂšme option.

Qui est Cyril ? Fan d’Elie Kakou et Mado la Niçoise, il arpente les sorties de thĂ©Ăątres et de plateaux tĂ©lĂ© pour faire des photos avec les cĂ©lĂ©britĂ©s. 20 ans qu’il traque les stars pour des photos. Et lĂ , il choisissait Marion avant de passer Ă  un name-dropping impressionnant.

Ensuite, il m’a demandĂ© pourquoi je ne faisais pas ça, ça suffisait pour faire la promotion de spectacles, non ? En vĂ©ritĂ©, j’ai choisi l’autre camp depuis bien longtemps. Faire des photos, ça dĂ©value l’expĂ©rience Ă  mon sens. AprĂšs, pour lui, ça devient une compĂ©tition, un dĂ©fi, une prouesse sportive en quelque sorte !

Une bonne dose d’humilitĂ©

Paris et Avignon, ça n’a rien Ă  voir. Tout est Ă  refaire. Les canaux mĂ©diatiques sont diffĂ©rents, l’écosystĂšme n’a rien Ă  voir. Ils ne sont pas restĂ©s 20 ans de retard, mais ils connaissent la nouvelle gĂ©nĂ©ration par la tĂ©lĂ©vision. Quand je demandais Ă  Cyril qui il apprĂ©ciait dans la nouvelle gĂ©nĂ©ration, le silence s’imposait. Puis un long soupir, et enfin un nom lĂąchĂ© : Tom Villa.

Je lui parle ensuite de Pierre Thevenoux : inconnu au bataillon. J’hĂ©site Ă  parler de Ghislain Blique… La fracture culturelle est bĂ©ante. Il reste beaucoup de travail, mĂȘme pour moi. Je dois prĂ©senter plus que jamais mon travail face Ă  une audience qui fait sa vie sans moi, sans les saltimbanques des caves parisiennes.

En Avignon, vivez des rĂ©cits d’artistes

J’ai dĂ©cidĂ© de voir deux spectacles le mercredi. J’ai tout dĂ©cidĂ© sur le web une semaine plus tĂŽt. J’aurais pu en voir un de plus, mais je n’en ai pas eu envie. MalgrĂ© la carte de presse qui m’ouvrait gracieusement les portes des thĂ©Ăątres.

Je voulais une expĂ©rience 100 % qualitative et sur-mesure. J’ai choisi de passer une heure (de plus !) avec Marion et une autre avec Karim Duval et son spectacle Y.

Ces deux artistes ont des parcours bien distincts. Pourtant, ils jouent Ă  quelques pas l’un de l’autre. Ils partagent mĂȘme l’art de dresser un rĂ©cit palpitant. Marion Ă©merveille avec ses PĂ©pites.

L’heure du coup de gueule

Pourquoi les professionnels regardent ces spectacles et crĂ©ations poĂ©tiques de haut ? Avant de venir en Avignon par le train, j’ai dĂ©cidĂ© de tĂ©lĂ©charger des Ă©pisodes de Moot-Moot. Je dĂ©couvre le nom du rĂ©alisateur, François Reczulski, et son Ɠuvre : les Ratz, Platane, Oggy et les Cafards… et Hibou. Le bonheur de mes quinze derniĂšres annĂ©es rĂ©sumĂ© en une bio.

AprĂšs une recherche rapide sur le web, je tombe sur une critique du film Hibou. LĂ , je lis que ça manque de, ce n’est pas assez… mais pourquoi ? Pourquoi ce genre a-t-il si mauvaise presse, est-il jugĂ© si durement ?

Pour Marion, j’ai dĂ©jĂ  lu des critiques allant dans le mĂȘme sens. Il manque quelque chose. Probablement du trash, si Ă  la mode en ce moment ? Quoi qu’il en soit, ce que j’ai vu, c’est Laura Calu dans la salle, Ă  la fin du spectacle. Elle Ă©tait debout et applaudissait avec la ferveur d’une convaincue. Émue par l’histoire et l’univers de Marion, elle lui montrait toute sa reconnaissance. Toute la reconnaissance que la profession ne sait pas encore lui dĂ©livrer — Ă  tort !

Je vois ce spectacle depuis une dizaine de fois. Si l’émotion ne m’emporte plus comme la premiĂšre fois, l’émerveillement persiste. Son parcours est captivant. Vous pourriez me trouver des circonstances attĂ©nuantes. Moi aussi, je valorise les gens que je croise avec des mots, des portraits oĂč je verse tout le trop-plein d’émotion. Le lien qui existe entre Marion et moi (et son public !) n’émane pas du hasard. Il est juste, sincĂšre, authentique. Un appel d’air dans la chaleur ou la tension ambiante. Si cela ne parvient pas Ă  Ă©mouvoir les professionnels du festival, c’est qu’ils sont un peu morts Ă  l’intĂ©rieur !

De retour Ă  Paris, en toute nostalgie

MalgrĂ© la chaleur, Avignon a tout de mĂȘme Ă©tĂ© une expĂ©rience trĂšs positive. Je me faisais une joie de revenir Ă  Paris pour des 30-30 au Jardin Sauvage, mais la soirĂ©e ne s’est pas passĂ©e comme prĂ©vu. L’ambiance Ă©tait diffĂ©rente, Ă©trangement plus compĂ©titive et franchement dĂ©sagrĂ©able. J’étais Ă©puisĂ©e, certes, mais le contraste Ă©tait tel que j’avais juste une envie : y retourner ! Si on m’avait dit cela avant de partir, j’aurais ri au nez de mon interlocuteur
 Bravo Avignon !

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