PremiĂšre fois en Avignon : des artistes et des histoires
Avignon, je venais vers toi Ă reculons. On mâa parlĂ© de toi comme un four, un rouleau-compresseur dâartiste. Alors je suis venue en coup de vent en Avignon, sans conviction. Du 16 au 18 juillet, jâai suivi Marion Mezadorian dans sa quĂȘte de spectateurs, de rires et dâĂ©motions.
Arriver dans la citĂ© des Papes Ă©tait Ă©trangement agrĂ©able. La ville semblait belle et calme. Au loin, je voyais bien les lignĂ©es dâaffiches, mais je restais Ă©pargnĂ©e par le karcher de Denise et la pluie de flyers au loin.
Marcher dans les rues, au milieu de tous ces saltimbanques qui ne rĂȘvent pas de stand-up, a dâabord Ă©tĂ© un problĂšme. Le mal du pays me gagnait dĂ©jĂ . Je partais Ă la recherche dâune zone de confort, de visages habituels. Faire revivre Paris lĂ -bas devenait une prioritĂ© urgente.
JâĂ©tais tellement perdue que je calquais tous mes choix de boisson sur ceux de mon hĂŽte. RĂ©flexe de survie ? Peur de choisir sans voir de carte ? Aucune idĂ©e, mais la transition, câĂ©tait le sirop dâorgeat. Ce truc de dingue me faisait signer un traitĂ© de paix avec le cagnard du sud de la France.
Rencontre avec un serial photographe en Avignon
AprĂšs un premier repas entourĂ© dâabeilles, direction le ThĂ©Ăątre le Paris pour un cocktail VIP… quâon a vĂ©cu en 30 secondes chrono. Entre les Chevaliers du Fiel et lâun des spectateurs, Cyril, on a choisi la deuxiĂšme option.
Qui est Cyril ? Fan dâElie Kakou et Mado la Niçoise, il arpente les sorties de thĂ©Ăątres et de plateaux tĂ©lĂ© pour faire des photos avec les cĂ©lĂ©britĂ©s. 20 ans quâil traque les stars pour des photos. Et lĂ , il choisissait Marion avant de passer Ă un name-dropping impressionnant.
Ensuite, il mâa demandĂ© pourquoi je ne faisais pas ça, ça suffisait pour faire la promotion de spectacles, non ? En vĂ©ritĂ©, jâai choisi lâautre camp depuis bien longtemps. Faire des photos, ça dĂ©value lâexpĂ©rience Ă mon sens. AprĂšs, pour lui, ça devient une compĂ©tition, un dĂ©fi, une prouesse sportive en quelque sorte !
Une bonne dose dâhumilitĂ©
Paris et Avignon, ça nâa rien Ă voir. Tout est Ă refaire. Les canaux mĂ©diatiques sont diffĂ©rents, lâĂ©cosystĂšme nâa rien Ă voir. Ils ne sont pas restĂ©s 20 ans de retard, mais ils connaissent la nouvelle gĂ©nĂ©ration par la tĂ©lĂ©vision. Quand je demandais Ă Cyril qui il apprĂ©ciait dans la nouvelle gĂ©nĂ©ration, le silence sâimposait. Puis un long soupir, et enfin un nom lĂąchĂ© : Tom Villa.
Je lui parle ensuite de Pierre Thevenoux : inconnu au bataillon. JâhĂ©site Ă parler de Ghislain Blique… La fracture culturelle est bĂ©ante. Il reste beaucoup de travail, mĂȘme pour moi. Je dois prĂ©senter plus que jamais mon travail face Ă une audience qui fait sa vie sans moi, sans les saltimbanques des caves parisiennes.
En Avignon, vivez des rĂ©cits dâartistes
Jâai dĂ©cidĂ© de voir deux spectacles le mercredi. Jâai tout dĂ©cidĂ© sur le web une semaine plus tĂŽt. Jâaurais pu en voir un de plus, mais je nâen ai pas eu envie. MalgrĂ© la carte de presse qui mâouvrait gracieusement les portes des thĂ©Ăątres.
Je voulais une expĂ©rience 100 % qualitative et sur-mesure. Jâai choisi de passer une heure (de plus !) avec Marion et une autre avec Karim Duval et son spectacle Y.
Ces deux artistes ont des parcours bien distincts. Pourtant, ils jouent Ă quelques pas lâun de lâautre. Ils partagent mĂȘme lâart de dresser un rĂ©cit palpitant. Marion Ă©merveille avec ses PĂ©pites.
Lâheure du coup de gueule
Pourquoi les professionnels regardent ces spectacles et crĂ©ations poĂ©tiques de haut ? Avant de venir en Avignon par le train, jâai dĂ©cidĂ© de tĂ©lĂ©charger des Ă©pisodes de Moot-Moot. Je dĂ©couvre le nom du rĂ©alisateur, François Reczulski, et son Ćuvre : les Ratz, Platane, Oggy et les Cafards… et Hibou. Le bonheur de mes quinze derniĂšres annĂ©es rĂ©sumĂ© en une bio.
AprĂšs une recherche rapide sur le web, je tombe sur une critique du film Hibou. LĂ , je lis que ça manque de, ce nâest pas assez… mais pourquoi ? Pourquoi ce genre a-t-il si mauvaise presse, est-il jugĂ© si durement ?
Pour Marion, jâai dĂ©jĂ lu des critiques allant dans le mĂȘme sens. Il manque quelque chose. Probablement du trash, si Ă la mode en ce moment ? Quoi quâil en soit, ce que jâai vu, câest Laura Calu dans la salle, Ă la fin du spectacle. Elle Ă©tait debout et applaudissait avec la ferveur dâune convaincue. Ămue par lâhistoire et lâunivers de Marion, elle lui montrait toute sa reconnaissance. Toute la reconnaissance que la profession ne sait pas encore lui dĂ©livrer â Ă tort !
Je vois ce spectacle depuis une dizaine de fois. Si lâĂ©motion ne mâemporte plus comme la premiĂšre fois, lâĂ©merveillement persiste. Son parcours est captivant. Vous pourriez me trouver des circonstances attĂ©nuantes. Moi aussi, je valorise les gens que je croise avec des mots, des portraits oĂč je verse tout le trop-plein dâĂ©motion. Le lien qui existe entre Marion et moi (et son public !) nâĂ©mane pas du hasard. Il est juste, sincĂšre, authentique. Un appel dâair dans la chaleur ou la tension ambiante. Si cela ne parvient pas Ă Ă©mouvoir les professionnels du festival, câest quâils sont un peu morts Ă lâintĂ©rieur !
De retour Ă Paris, en toute nostalgie
MalgrĂ© la chaleur, Avignon a tout de mĂȘme Ă©tĂ© une expĂ©rience trĂšs positive. Je me faisais une joie de revenir Ă Paris pour des 30-30 au Jardin Sauvage, mais la soirĂ©e ne sâest pas passĂ©e comme prĂ©vu. Lâambiance Ă©tait diffĂ©rente, Ă©trangement plus compĂ©titive et franchement dĂ©sagrĂ©able. JâĂ©tais Ă©puisĂ©e, certes, mais le contraste Ă©tait tel que jâavais juste une envie : y retourner ! Si on mâavait dit cela avant de partir, jâaurais ri au nez de mon interlocuteur⊠Bravo Avignon !
Crédits illustration
© SRGIO