Festival – À Soyaux Fou d’Humour, Julie Geller l’emporte

Juliette Follin 14/11/2021

Le samedi 6 novembre matin, j’achève une semaine lourde. La grisaille de novembre, une invitation au spectacle d’Anne Roumanoff et une actualité médiatique sordide dictée par TPMP : rien ne va. Mais à ce moment-là, il fait beau et le week-end suivant sera prolongé. L’opportunité est trop belle pour ne pas profiter d’une escapade humoristique au festival Soyaux Fou d’Humour.

D’habitude, je pèse et sous-pèse chaque déplacement avant de m’y rendre. Et là, en une heure, je jette mon dévolu sur ce petit festival : Soyaux Fou d’Humour. Oui, il y a un jeu de mot (enfin, je crois). Tournon-sur-Rhône était intense ; je me disais que ce serait probablement le dernier gros déplacement de l’année. Entretemps, il y a eu Lausanne, cela dit.

Soirées découverte de Soyaux Fou d’Humour : priorité à la parité

Le festival s’appelle Soyaux Fou d’Humour. Il a lieu non loin d’Angoulême. La ville me rappelle l’anecdote de la bagarre bourrée de Pierre Thevenoux. La ville est fort heureusement plus connue pour son festival de bande-dessinée, et à cet instant-là, je veux en être.

L’affiche de la soirée jeunes talents a le mérite d’être mixte. Aucun artiste ne me débecte : ils ne sont que quatre et je suis les avancées de deux d’entre eux : Avril et Guillaume Guisset. Il manquerait Adrien Montowski, William Pilet ou des femmes éloignées du circuit des festivals qui dépoussièreraient le genre pour que ce soit parfait. Mais c’est un bon début. Les organisateurs m’ont confié sur place qu’ils veulent éviter l’humour vulgaire et fustigent avec vigueur Jean-Marie Bigard. Ils cherchent du poétique, ont de réelles convictions de programmation et les appliquent.

Mais quand je planifie ce week-end, je ne le sais pas encore. Officiellement, je m’y prépare pour prendre des vacances. Je ne suis donc pas en croisade pour sauver l’humour. J’ajoute simplement ce festival à mon programme pour partager deux repas avec le staff, vivre une quasi-nuit blanche et classer quatre talents sur un petit bulletin. Je dois comprendre comment ça se passe, un festival moins en vue.

Le contact avec le président du festival est chaleureux. Il accueille sans ciller ma demande d’invitation et d’immersion, veille à s’assurer que ça ne dérangera pas les artistes. Je lui promets que je sais m’éclipser quand c’est nécessaire. L’affaire est entendue : je vais en profiter et revivre pour la dernière fois en 2021 l’ambiance de festival.

Soyaux Fou d’Humour : Julie Geller sort largement victorieuse, 4 artistes dévoilent leur talent

Julie Geller est une humoriste belge déjà habituée du circuit des festivals. Je ne connaissais que l’affiche de son spectacle, On ne sait jamais… Ce simple argument marketing m’a conduit à la sous-estimer.

Quand je l’ai vue en chair et en os, je l’ai trouvée d’emblée plus intéressante. Il suffisait de la regarder pour comprendre, sans savoir pourquoi. Mais à ce stade, je ne savais toujours pas ce qu’elle faisait sur scène.

Son passage était le plus efficace et le plus apprécié de la soirée, sans aucun doute possible. Je n’étais pas tout à fait convaincue car je chasse les clichés de manière dictatoriale. Avant, cela me semblait couler de source. Pourtant, Julie Geller m’a ouvert les yeux sur mes œillères. Et a raflé sans difficulté le prix du public !

Julie Geller : le jeu et la présence scénique portent un humour audacieux

Parler de femmes épilées en décembre, jouer sur les stéréotypes sur les hommes et les femmes… Ce refrain, on le connaît déjà. Mais quand Julie joue la fille éméchée qui souffle dans un éthylotest, la comédienne se révèle chirurgicale.

Derrière ces ficelles qui paraissent grossières se cache pourtant des angles surprenants et une interprétation singulière. L’art de concilier les publics les plus pointus et les plus vierges de comédie. Ce passage était perturbant pour moi, qui recherche l’originalité de manière tout aussi dictatoriale que je fuis les clichés. Il y avait les deux, et les clichés étaient utilisés à bon escient.

Julie m’a donné une leçon d’humour avec des choses que je déteste. Et je lui tire mon chapeau, car il faut savoir défendre des propositions artistiques aussi audacieuses ! Dans ce théâtre de 600 places, j’ai aussi senti à quel point elle avait pris la mesure de la scène, à quel point elle était dans son élément. C’est peut-être pour ça que certains la comparent à Florence Foresti. Alors même si on préfère l’expérimental au populaire, on s’incline.

À Ruelle-sur-Touvre, une soirée découvertes immunisée contre les bides

Il est rare de voir 100 % des prestations fonctionner. Bien sûr, certaines choses fonctionnent un peu moins bien dans le feu de l’action. Mis à part quelques imperfections rapidement balayées par le reste, les quatre artistes sur scène démontraient tous leur talent.

Avril et Guillaume Guisset livrent de belles prestations, mais ce n’était pas leur meilleur soir

Il y avait d’abord Avril, qui composait entre la chauffe et son tempérament naissant de bête de concours. Certaines armes scéniques faisaient mouchent, d’autres un peu moins. J’ai apprécié retrouver la prise de risque qui le fait souvent avancer tel un funambule. Son passage en trois temps, un résumé de son spectacle C’était mieux maintenant, était bien servi par une mise en scène et un travail d’orfèvre sur les lumières. Quand la rigueur du timing côtoie la folie artistique, c’est toujours intéressant à observer.

Guillaume Guisset confirme qu’il fera parler de lui avec le passage qui m’a fait le plus rire de la soirée. C’est un peu une affaire de goût, aussi une maîtrise dans l’art de proposer un personnage naïvement fou. J’ai regretté de ne pas pleinement voir le Guillaume Guisset authentique que j’ai vu récemment à la Petite Loge. Comme s’il manquait une vision complète de l’artiste et que ses forces sont tronquées. Le dosage était presque parfait, tout s’est joué sur des points de détail.

Amandine Lourdel se révèle dans 30 minutes chargées de promesses

Enfin, Amandine Lourdel est la véritable découverte de ce festival. Elle a commencé la scène pendant la pandémie. Et à peine un an après, elle arrive en festival avec 30 minutes à présenter. Pas n’importe quelles minutes : elle enchaîne les sujets telle une métronome. Le début était assez intéressant, mais pas encore si percutant. Or à plusieurs reprises, elle surprend, innove et déclenche des rires de plus en plus denses.

C’est une prouesse que de réussir un truc pareil en si peu de temps. Avril et Guillaume ont aussi commencé fort leur carrière, mais il leur a fallu plus d’encadrement pour se forger. Quand Amandine aura un metteur en scène, elle saura encore plus rythmer son passage et deviendra imbattable en festival.

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