Ch’nit Comedy Club : une fin de saison de haut vol

Juliette Follin 13/06/2022

La dernière édition du Ch’nit Comedy Club saison 1 achevait une série de soirées stand-up francophones de haut vol à Lausanne. Nous faisions partie des chanceux spectateurs sur place. Retour sur une soirée désormais incontournable.

Le Ch’nit Comedy Club : le meilleur plateau francophone du monde ?

Alors oui, on y va fort. Lausanne est déjà capitale olympique, il ne faudrait pas qu’elle devienne le centre névralgique de l’humour ? Et que dire du Kings of Comedy Club, KOCC pour les intimes, prisé par les humoristes de tous horizons ? On frôlerait l’incident diplomatique, d’autant plus que je ne peux pas comparer avec un lieu où je n’ai pas mis les pieds.

Le KOCC, par ailleurs, était le QG de Christelle Girard, à la tête du Ch’nit comedy club. Là-bas, elle a noué des relations pour la vie avec les humoristes, belges évidemment, mais pas seulement. Avec la conviction que l’humour francophone devait se réunir.

Alors forcément, à force de se déplacer à Paris, Bruxelles, Avignon, Tournon, Bordeaux… Bref n’importe où, pourvu qu’il y ait une scène, elle a voulu transformer cette légitimité en cet événement fort.

Ça se passe au Cazard, qui abrite une salle de spectacles au sein d’une résidence étudiante. Rien à voir avec les plateaux de stand-up d’Ivry-sur-Seine, cela dit. Le Ch’nit est un mélange d’habitués anonymes et médiatisés localement, qui font leur marché pour trouver de nouvelles pépites humoristiques.

La dernière de la saison du Ch’nit : une diversité de talents en pleine forme !

Celui qui ouvre le bal, Simon Romang, se fait rare en comedy club. Ces lieux l’effraient, car ils sembleraient réservés aux stand-uppers. Erreur fatale ! En effet, quand on fait du seul-en-scène, on a un boulevard pour se distinguer. Malgré un micro récalcitrant et la position d’ouvreur de bal, Simon parvenait à attirer le public dans son univers.

Techniquement, ce n’était pas lui qui débutait la soirée. Thibaud Agoston sautillait sur scène avec une énergie bouillonnante qui chauffait instantanément la salle. Un pur bonheur de le voir pleinement libéré, se lâcher complètement et nous transporter avec succès. Il revenait entre chaque artiste et la magie opérait à chaque fois.

Renaud de Vargas, premier stand-upper sur scène

Simon désormais hors de scène, le stand-upper et chroniqueur Renaud de Vargas prenait place. Sa marque de fabrique, les imitations de journalistes ou de sportifs, lui permettait de poser des bases solides. Mais il parvenait aussi habilement à aborder d’autres sujets. Fait amusant : le « fan club de Renaud de Vargas » était venu le soutenir presque aussi fort que les Reds de Liverpool. Contrairement à ceux qui ne marcheront jamais seuls, Renaud, tout seul, a raflé une belle victoire sous la forme du premier carton de la soirée.

La surprise Alexandre Kominek

Une rampe de lancement idéale pour la surprise de la soirée. Quand Alexandre Kominek vient tester des blagues, c’est plutôt sympa. Mais quand cela se produit en Suisse, c’est comme s’il était libéré d’une observation permanente. Scruté sur la scène parisienne, notamment ces derniers temps, il a toujours poussé sa folie plus loin à domicile.

Si Paris n’est pas prêt pour des passages aussi bons, il faudrait bannir le stand-up dans la capitale, sincèrement. Vêtue du pull à la mode des gens qui pèsent à Roland Garros, la tornade de plaisir n’a pas arrosé le public mais bien enflammé le Cazard. Sans prétention, juste avec du talent et des punchlines violemment jouissives.

La programmation régulière reprend ses droits

Tristan Lucas fermait la première partie de la soirée, et son expérience en plateau lui a permis de continuer la dynamique de la soirée. De la même manière, il mobilisait son sens du roast pour lancer des piques ici ou là. Chaque passage ou presque a offert ces moments bonbons qu’on voit rarement en plateaux. Quand tout le monde a du talent, la magie opère…

Une fois le bar pris d’assaut, la soirée pouvait redémarrer. Nous avons pu découvrir Dos, l’un des participants à l’open mic organisé chaque début de saison. Il n’était pas prêt à ce moment-là, mais quelque chose interpellait l’organisation, qui lui donnait ce dernier moment de l’année. Pour paraphraser Panayotis qui décrivait Yazid Assoumani à ses débuts, la musicalité était là, les vannes en gestation. Avec seulement un an de stand-up (hors Paris, les plateaux sont moins nombreux et la progression plus lente), Dos ne tremblait pas et impressionnait même ses ainés. Sa meilleure blague était même un duo avec le bar du Ch’nit, absolument pas prévu… Difficile le décrire à ceux qui n’étaient pas dans la salle, mais le pop d’une bouteille de Prosecco (précision de l’organisateur) a tombé à pic.

Farah, ou l’importance de découvrir à nouveau un talent

Farah enchaînait avec un passage mêlant nouveautés et blagues maintes fois approuvées. Je ne l’avais pas vue depuis une demi-décennie ou presque. Déjà très à l’aise et charismatique sur scène à l’époque, elle avait gagné en naturel. Son set était donc encore plus efficace qu’à l’époque et se soldait logiquement par un carton. Kominek s’est repris une cartouche très, très bien sentie… Il n’en fallait pas plus pour plonger la salle dans l’hilarité.

Et la fin de son passage, issue de son set à Montreux, passait beaucoup mieux sur scène qu’en vidéo. Les captations, la lie du stand-up ? C’est sans doute à méditer… Farah gagne à être connue à la fois sur scène et hors de la scène. C’est un talent que je n’avais pas vu depuis longtemps, et la redécouvrir avec cette nouvelle perspective m’a prouvé qu’elle méritait davantage d’exposition.

Cérémonie de clôture de plateau : Adrien Arnoux, l’habitué de l’exercice, est la personne idéale pour ce faire

Pour clore la saison, quoi de mieux qu’un stakhanoviste des plateaux ? Depuis plus d’une décennie, il trimballe sa voix iconique et ses vannes fracassantes sur tous les plateaux d’humour disponibles. Adrien Arnoux n’a pas simplement misé sur son talent, il a joué à son meilleur niveau et m’a plié en deux sur des blagues que je connaissais déjà bien. Rare et suffisamment impressionnant pour être souligné !

Le Ch’nit se concluait ainsi. Pour avoir assisté à de nombreux plateaux d’humour, celui-ci était un cran au-dessus. D’abord, la rareté de l’expérience joue beaucoup. Des programmations comme celle-ci sont quasi-inédites, car la combinaison implique de déplacer les talents. Ensuite, l’exigence de qualité parle d’elle-même. Enfin, la connivence entre la scène locale et ses liens étroits avec ses voisins francophones livre une ambiance de folie à la fois sur scène et en coulisses. De manière très subjective, quand trois membres des Bras Cassés se retrouvent sur un plateau, c’est souvent un gage de qualité. Ce soir-là, ce fut le cas. Et je n’ai pas boudé mon plaisir !

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