L’Omphalos, premier roman d’Alexandre Avril : notre critique

Juliette Follin 24/11/2021

Alexandre Avril signe un premier roman, L’Omphalos, en cette fin 2021*. Rédigé lors de son exil des contraintes sanitaires du dernier confinement, ce livre à la saveur thérapeutique se dévore avec un plaisir non dissimulé.

*Sur scène, c’est Avril. Mais du côté des livres, c’est Alexandre Avril.

L’Omphalos : quand Alexandre Avril narre l’art de perdre sa symétrie

Avec un titre pareil et un pitch aussi énigmatique, L’Omphalos a pourtant tout l’air d’un repoussoir. L’histoire d’un gars qui fait une montagne d’un nombril soudain légèrement désaxé ? Lui seul peut venir avec des idées aussi saugrenues, les coucher sur papier et… les rendre attirantes. Excusez du peu !

Donner l’impression de faire compliqué avec ce titre : est-ce un désir d’éloigner les plus réfractaires ? Plus précisément les moins susceptibles de comprendre la « rigidité » qu’il dépeint ? Profiter d’une œuvre d’Alexandre Avril, cela doit-il se mériter ? Si vous avez les réponses à ces questions, je suis preneuse : je cherche à comprendre depuis trois ans.

L’Omphalos : quand Alexandre Avril nous emporte dans son nouveau délire

Paradoxe ultime : comme lors de ses expérimentations scéniques, Alexandre Avril nous emporte dans son délire. Un délire pas si farfelu que cela. Tour à tour, on s’identifie, on se projette, on s’amuse même à déceler l’autobiographique du fictionnel.

De quoi ça parle ? J’étais surprise de voir l’intrigue, surtout dans la première partie, se concentrer sur la chasse à la donzelle. Quand on connaît l’auteur, cependant, on n’est pas étonné : tout est séduction dans son art. Enfin, dès lors que ce n’est pas trop frontal, vulgaire ou imprégné de pathos poétique artificiel. Ce sera un numéro d’équilibriste ou rien !

La déconstruction d’un personnage cynique qui rencontre sa vulnérabilité

Dans cette première partie, Jérôme est irrésistiblement sadique et cruellement cynique. Il ne comprend pas l’intérêt qu’il peut bien susciter et le rend au centuple, à sa façon toute particulière. Même si certaines digressions le rendent attachant, on commence à s’impatienter de le voir bousculé.

La deuxième partie viendra le pousser dans ses retranchements et libérer le lecteur de son éventuelle frustration. Alexandre Avril parlerait sûrement de « ralentir » pour décrire ce phénomène, qui ne doit rien au hasard. Et qui conquiert d’autant plus le lecteur.

Dans un récit œdipien à souhait (sa mère doit clairement lire son livre, son père un peu moins), il va côtoyer quelques personnages dressés avec une empathie teintée de finesse. Un soulagement, surtout en comparaison des premiers contacts avec les personnages féminins de la première partie.

C’est à la limite de l’objectification (coucou Brigitte), mais ça a le mérite d’être sincère et de déboucher sur une prise de distance critique. À la toute fin du livre, il va même faire l’autocritique de l’un des trucs qu’il préfère chez le sexe opposé. Et quand on le connaît, c’est drôlement jouissif.

L’Omphalos : l’intimité d’un personnage aussi tête à claques que précieux

Au fond, la sincérité est le véritable tour de force de ce roman. L’intrigue s’accompagne de réflexions inspirées sur des sujets très divers (mention spéciale au biathlon). Croyez-moi sur parole : ces digressions, qui n’en sont pas, se glissent logiquement dans le récit. On découvre un auteur au fur et à mesure qu’il déshabille son personnage, expose sa vulnérabilité et le fait revenir à l’équilibre.

Les plus férus de mythologie apprécieront l’épilogue qui nous raconte le mot « omphalos ». Si vous êtes comme moi, vous aurez oublié l’anecdote en refermant le livre. À ce moment précis, vous devriez néanmoins ressentir une forme de bien-être et de légèreté. Elle s’apparente au plaisir coupable d’avoir pénétré dans l’intimité d’un personnage aussi tête à claques que précieux.

Qu’attendez-vous pour tenter l’expérience ? Si vous commandez l’Omphalos aux éditions Forgotten Dreams à temps, vous pourrez même le faire dédicacer le dimanche 5 décembre à 15 heures. Ça se passe à la galerie d’art Le cabinet d’amateur, 12 rue de la Forge Royale, 75011 Paris, métro Ledru-Rollin ou Charonne.

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