Inno JP et Jessé : deux humoristes à l’engagement singulier

Juliette Follin 21/02/2022

Inno JP et Jessé intègrent la Petite Loge pour roder leurs spectacles respectifs : La vie quoi et Message personnel. Les deux artistes ont plusieurs avantages à faire valoir. Tout d’abord, un vécu propice pour être pertinent sur scène. Ensuite, un entourage scénique qui les met en action. Enfin, un réseau non négligeable pour avancer plus vite. Portraits croisés et critique de ces nouveautés attendues.

Inno JP et Jessé : deux artistes sur des rails…

Inno JP, c’était la découverte d’un gala entre Paris et Bruxelles avec Kyan Khojandi. Propulsé sous les feux des projecteurs en un rien de temps, il paraissait avoir fait ça toute sa vie. Toujours dans les bons plans, il souffrait parfois d’un manque de rigueur. Résultat des courses : une exceptionnelle passée à la trappe, il fut un temps. Inno JP et les retards, ça a souvent été tout un programme. Malgré tout, ses nombreux soutiens le prennent sous son aile, le défendent par message avec abnégation : il faut le suivre à tout prix. Si vous insistez… Et ça marche : aujourd’hui, Tcholélé Productions veille à ce qu’il se développe efficacement.

Sous ses airs de nouveau venu, Jessé a déjà un pied bien ancré dans le microcosme artistique. Il connaît du monde, mais ça ne s’arrête pas là. Sa collaboration avec Marion Mezadorian, qui le met en scène (une première pour l’humoriste !), le pousse dans ses retranchements. Elle n’en démord pas : il faut creuser dans son histoire personnelle. Ainsi, elle le bouscule pour le meilleur. Un texte poignant naît alors. Il faut ensuite le mettre en scène et le jouer. La première s’achève sur une standing ovation, la seconde par des applaudissements généreux.

Des vécus complexes, un propos qui vaut le détour

Inno JP et Jessé ont tous les deux un rapport particulier avec leurs origines. Le premier, né au Rwanda, est adopté par un couple de lesbiennes belges, le second a « un papa, une maman et un géniteur ». L’homosexualité des mères devient celle du personnage principal, qui, à sa façon, part en quête de ses origines religieuses.

Ces chocs culturels s’entrechoquent pour mettre au monde des histoires rocambolesques, puissantes, nourries de blagues inspirées. Les deux spectacles diffèrent dans leur forme : tous les deux recherchent la confiance dans le jeu et l’approbation de leur drôlerie. Inno s’excuse parfois quand une vanne n’atteint pas sa cible. Quant à Jessé, s’il fait mine de rien, des micro-hésitations n’échappent pas à l’œil expert de Marion Mezadorian.

Les deux spectacles font réfléchir. Jessé et Inno ne se posent jamais en donneurs de leçons. Cependant, ils soulignent avec beaucoup d’habileté et de finesse les contradictions qui mènent à des clichés, des jugements qui n’ont pas lieu d’être… Le racisme ou l’homophobie ordinaire ne sont plus amené en lourdeurs militantes, mais comme des problèmes à résoudre avec pragmatisme. Point de rancune à l’horizon : à l’inverse, ce besoin de faire comprendre quel vécu les a forgés et les amènent à se tenir devant vous.

Inno JP et Jessé : une mine d’or pour les programmateurs

La vie quoi et Message personnel sont des spectacles qui mêlent comique et dramatique. Celui de Jessé est le plus poignant, à la manière de Nanette ou de Bonne nuit Blanche. Pour ma part, j’ai plus de mal avec ces formes, car j’utilise le rire pour m’évader du quotidien, avec légèreté et absurde si possible… Mais si vous vous identifiez ou si vous cherchez de l’émotion, ces spectacles se révèlent thérapeutiques.

En tout cas, ces spectacles vont certainement intéresser les programmateurs, parce qu’ils sortent du lot, surtout pour du rodage ! Charge à Inno et à Jessé de parfaire leur spectacle et de trouver des personnes prêtes à défendre leurs créations originales bec et ongles. C’est tout ce que je leur souhaite.

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