Humour instantané – Mon coup d’un soir avec l’Espace Gerson

Juliette Follin 02/10/2017

L’espace Gerson vient d’accueillir son festival d’humour pour la cinquième fois. Le spot du rire a eu la chance de s’y rendre la veille de la finale. Une aventure qui ne s’est pas passée comme prévu mais qui restera mémorable.

Cet article mêlera mon marathon de spectacles du week-end, ma façon d’être passionnée par les gens, les spectacles et mon passé Fast and Furious. Par avance, nous nous excusons de la confusion occasionnée.

L'Espace Gerson fait son festival : teaser

A l’improviste : l’œil subjectif de la spectatrice

J’ai croisé Haroun, il y a peu. Il est venu à la première du spectacle de Jean-Patrick, Je suis lapin, et a donné un conseil à l’un de ses acolytes humoristes.

Tu dois créer le manque, c’est comme ça que les gens vont venir et s’attacher.

Avant d’écrire pour le spot du rire, je suis donc cette spectatrice lambda qui ressent du manque et va parfois, de manière compulsive, se ruer sur la billetterie d’un spectacle pour le combler.

Dont acte avec l’espace Gerson… Au programme : un line-up assez alléchant : l’artiste maison du spot du rire Jean-Philippe de Tinguy, ou encore le virtuose des mots Félix Radu. En deux noms, on tenait mes favoris avec toute la subjectivité de ma facette membre du public.

Impossible d’y aller le jeudi voir le prix Raymond Devos pour l’humour 2016 pour cause d’afterwork obligatoire, ni de voir la finale car Joseph Roussin faisait un showcase à la Petite Loge le samedi… Ne restait plus que le vendredi avec l’ovni de l’humour qui n’a plus de secret pour le spot du rire. La dernière journée de découverte pour se qualifier pour la finale du samedi et décrocher 3 petits prix…

En route vers l’Espace Gerson : un périple semé d’embûches

La déception pointait le bout de son nez, car le spot du rire a un emploi de bureau dans une start-up de l’edtech (bon sang, qui est donc ce webmaster mystérieux qui frappe ces lignes ?!). Mais je n’avais pas dit mon dernier mot, ai expédié mes quelques tâches de la semaine pour renégocier ce jour-là. Lundi, avec 4 jours pour préparer ma venue, j’ai obtenu le Saint Graal. L’espace Gerson m’ouvrirait ses portes pour un soir. Oublié le manque, en pleine grisaille de septembre… Pourtant, les imprévus ne faisaient que commencer !

J’explique en n’essayant de ne pas vous perdre : en sports mécaniques (passion passée), il arrive que des concurrents ne prennent pas part aux compétitions. Généralement, c’est une histoire d’intoxication alimentaire à la veille de l’épreuve ou l’affaire des 107%. Je n’entrerai pas dans les détails pour ne pas vous perdre, mais pour un spectateur-supporter, ça ne respire pas le bonheur printanier.

Aucune des justifications ci-dessus n’entraînait la disparition de Jean-Philippe de Tinguy de la programmation. La raison était valable et suffisamment importante pour l’empêcher de bouger plusieurs semaines : le couperet tombait mardi soir. Fort heureusement, la spectatrice qui sommeille en moi sait la mettre en sourdine pour l’amour du théâtre et des belles blagues. Même si, pendant 30 secondes (ou plutôt 24 heures), c’était Six feet under.

Le vendredi devenait ainsi une belle occasion de faire une vraie découverte. Car franchement, Thomas de Laporte et Mélodie Fontaine ne sont plus des découvertes à mes yeux. Ce sont plutôt des talents confirmés, avec des spectacles et postures comiques solides. Ils auraient proposé une belle opposition à Jean-Philippe de Tinguy, détenteur d’une flopée de prix glanée cette dernière année.

Valentin Clerc se retrouvait donc propulsé à ce spot délicat… et j’étais très curieuse de voir comment il allait s’en sortir !

Espace Gerson : quand le spot de l’humour lyonnais fait son festival

Mon impression, dans ce lieu chargé d’histoire. Une chaleur propice aux blagues. Une ambiance bon enfant facilitée par les boissons de table en table. Une atmosphère feutrée et tamisée. Une décoration nourrie par les nombreux portraits d’humoristes passés par-là.

Je distingue notamment les dédicaces de Gad Elmaleh ou Shirley Souagnon, qui remercient l’espace Gerson de les avoir accueillis. Des photos noir et blanc qui ajoutent au charme de l’ensemble. On est bien, c’est le week-end, tout est propice au rire. Le monde extérieur n’a plus d’importance.

Thomas de Laporte : plébiscité par le public de l’Espace Gerson

La soirée commence avec Thomas de Laporte. Déjà vu au Cactus Comedy, il ne m’a pas surprise par son talent que je connaissais déjà. Sa prestation est impeccable : il joue la carte de la séduction, car une compétition se joue. Le public est conquis : il lui adressera le prix qui le qualifiera pour la finale, le lendemain.

Pour ceux qui ne connaissent pas son spectacle Idées rouges humour noir, cela fustige la politique, c’est grinçant, malin et intelligent. Et je rassure les gens de droite (coucou la famille) : cela ne pue pas l’altermondialiste, cela reste accessible à un votant de François Fillon. Je sais que c’est important pour eux d’avoir ce référentiel. Parce que la faucille sur son affiche aurait pu, initialement, les faire fuir.

Valentin Clerc : au bon endroit, au bon moment à l’Espace Gerson

Valentin Clerc enchaîne. Il patine un peu. Il tente de forcer quelques rires avec l’usage récurrent du mot spatule. Les gens sont réceptifs à son énergie, mais il reste encore du chemin à faire. Valentin Clerc ne se démonte pas : sans trembler, il continue sa prestation tranquillement.

Il pose un genou à terre (métaphoriquement). Sur le ton de la confession, il feint de reconnaître son inexpérience. Il retourne pourtant la situation, tout en subtilité. En feignant d’admettre une faiblesse, il détourne notre attention, nous fait croire qu’il n’a pas grand-chose de plus à nous proposer. Nous sommes dans l’erreur.

Après des confessions sur son rêve d’être sur scène, une interprétation d’un chef d’orchestre qui confirme son sens du rythme, Valentin Clerc reprend avec un playback détonnant. Une bande son se lance : avec 2 chaises sur scène, il refera le débat politique. Le rythme du débat est en temps réel, l’attention du spectateur est sur les lèvres de l’artiste. Il réalise une natation synchronisée sans eau ni sans faux pas.

Puis, la bande son s’altère. Accélérations de voix, ralentissements qui font penser aux anonymisations télévisuelles, samples et musiques improbables pour un débat politique casse le rythme. Valentin Clerc rayonne alors sur scène et réussit à convaincre. Il est applaudi avec vigueur.

Ce rythme intelligent lui vaudra un repêchage du jury et une qualification pour la finale, le lendemain. Il n’avait tellement pas prévu cela qu’il était sensé partir avant samedi soir et se retrouvait bien embêté ! Fort heureusement, il a dû finir par s’en sortir pour se produire comme prévu devant une salle de 900 personnes. Une expérience due au hasard de la programmation, qu’il n’aura pas volée.

Mélodie Fontaine donne la parole aux animaux : empathie garantie !

La soirée s’achève avec Mélodie Fontaine. Vêtue d’une salopette verte improbable, elle incarne différents animaux. Son positionnement d’artiste est original : cela dénonce avec bienveillance, il y a beaucoup d’empathie et de sincérité dans l’interprétation.

Le talent est là, mais il n’aura pas payé ce soir-là. Pas de qualification pour la finale, comme pour de nombreux autres artistes non repêchés ce soir-là.

Retour vers la subjectivité : Serial spectacting reprend du service !

Impossible pour moi de juger les choix du jury, du presse ou du public en n’ayant vu qu’une seule journée du spectacle. Les choix ont sûrement été difficiles, et je serais bien lâche de me mettre à leur place tant je ne me risque pas aux critiques. La subjectivité est facile dans le milieu de l’humour, alors qu’en sports mécaniques, monde de chiffres et de chronomètres, des metrics tangibles vont guider les choix avec une précision d’horloger.

Toujours est-il que le samedi, je suis rentrée à Paris avec la déception d’une spectatrice subjective et riche de nouvelles découvertes et rencontres. Joseph Roussin attend ma critique sur BilletReduc et compte sur ma présence à la Petite Loge. Elle me vaudra un nouveau surnom, décerné par mes collègues : serial spectacting. To be continued.

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