Les spectacles d’humour qui ont marqué 2025 – 1/4
En 2025, de nombreux artistes de stand-up ont construit des premiers ou nouveaux spectacles d’humour qui valaient le détour. Nous vous proposons une série de 4 articles pour mettre en lumière le meilleur de la création humoristique. Dans ce premier volet, cinq artistes néophytes comme confirmés se (re)lancent dans l’arène.
Maxime Gasteuil, Retour aux sources (captation diffusée sur la RTS)
Retour aux sources est le premier spectacle d’envergure de Maxime Gasteuil. Ce n’est clairement pas son premier succès. En effet, dès 2016, je voyais en lui une future pépite qui méritait un bouche-à-oreille soutenu.
Retour en arrière
Néanmoins, lorsque l’humoriste de Saint-Émilion a dévoilé son nouvel opus au Théâtre Édouard VII, quelque chose me retenait. Sa présence sur les réseaux sociaux, fortement axée sur l’opposition Paris-province, offrait à voir des vidéos de qualité humoristique assez classique. Un peu loin, donc, des standards qu’il offrait sur scène… Mais nourrir les algorithmes pour toucher son public en salles suppose quelques compromis.
Je suis clairement tombée dans le piège d’apparences trompeuses, puisque les algorithmes obligent à rogner sur la qualité pour consentir à visibiliser les artistes. Heureusement, j’ai pu remonter à bord du train de la hype en deux étapes. La première : son invitation au podcast « Les mecs que je veux ken » de Rosa Bursztein. Le titre, « L’électron libre », donnait très envie, tant l’indépendance artistique offre des œuvres sans compromission.
Il y racontait le tournage de 14 Jours pour aller mieux, une comédie plus discrète que d’autres. Cependant, l’ambiance sur le tournage laissait présager d’une belle dynamique. Le pitch de cette comédie écrite par Lionel Dutemple et Édouard Pluvieux :
Maxime, cadre ambitieux et cartésien, ne pense qu’à sa carrière et à son futur mariage avec Nadège, la fille de son patron. Au bord du burn-out, seul à ne pas s’en rendre compte, il se retrouve embarqué par son futur beau-frère Romain au beau milieu de son pire cauchemar… Un stage de bien-être encadré par Clara et Luc, un couple de « clairvoyants », avec des stagiaires plus lunaires les uns que les autres.14 jours pour aller mieux, au cours desquels ses principes et préjugés vont être soumis au régime zénitude et bienveillance !
Sortir du potache pour laisser libre cours à l’émotion
Quand on lit un tel descriptif, deux chemins sont possibles :
- Voir une comédie potache à l’intérêt discutable, malgré un beau casting.
- Se laisser porter par un récit qui surprend, contre toute attente.
Figurez-vous que la bonne réponse est la 2. En effet, Maxime Gasteuil joue sur deux tableaux à haut niveau : l’humour qui déclenche des rires francs et le jeu qui fait naître des émotions intenses. Cette générosité artistique, qui transparaît de tous les projets de Maxime Gasteuil, s’applique rarement aussi fortement sur chaque volet… Jugez plutôt !
Retour aux sources figure dans le top 5 de l’ensemble des spectacles comiques de ma vie
En critique, il faut parfois mettre de l’eau dans son vin. Le risque, lorsqu’on émet un avis élogieux, est de fixer des attentes si élevées que vous ne profiterez pas bien de l’œuvre in fine. Cette règle d’or, je vais y déroger ici. En effet, pour avoir vu les deux spectacles et les avoir adorés, je suis certaine que Maxime Gasteuil évolue à un niveau d’athlète comique.
En prime, ce second spectacle, je l’ai vu en captation télé. L’écran atrophie parfois l’expérience — il n’en était rien. Au-delà de l’écriture ou du jeu, la scénographie est très travaillée. C’est une performance qui rend hilare, qui vous touche en plein cœur. J’ai dû pleurer pendant 5 bonnes minutes en voyant la fin, tant l’émotion était vivace et juste.
Retour aux sources se place aussi dans la lignée de certains aspects du film tourné avec Rosa et d’autres acteurs de renom. D’un point de départ sceptique sur la tendance des retraites spirituelles, on découvre un récit qui amène l’artiste à évoluer. Rire et faire réfléchir se conjuguent rarement avec autant de subtilité, tant les messages sont suggérés plutôt qu’assénés. Ce spectacle est à étudier dans toutes les écoles du rire, assurément.
Fiona G. à la Petite Loge : mieux que really, really nice
Les humoristes suisses évoluent rarement dans mon angle mort… Pourtant, Fiona G. a gravi les échelons dans des lieux très familiers sans que je ne le remarque. Du Motel à Paris au Caustic à Genève, elle a sans doute pâti de son absence dans « Les bras cassés » sur Couleur 3. Sa programmation à la Petite Loge m’a permis de combler mon retard.
Sans savoir où j’embarquais, j’ai donc retrouvé mon théâtre de cœur qui m’a offert tant de premières fois suisses. D’emblée, j’ai adoré son assurance sur scène et la précision de son personnage nihiliste. Sans jamais tomber dans l’antipathie, elle séduit avec des punchlines et des récits qui captivent de bout en bout.
Cela faisait longtemps que j’avais ri de bon cœur dans une petite salle. Peut-être avais-je simplement perdu l’habitude de revenir en salles, puisqu’ensuite, j’ai enchaîné avec d’autres belles surprises (Raphaël Wilmes, Urbain…). Mais ces histoires, je vous les conterai plus tard…
Trauma and chill : un show de stand-up entre légèreté et rigueur comique
Avec sa phrase d’accroche « I’m really, really nice », déclinée à l’envi, Fiona construit un premier spectacle qui donne envie de découvrir la suite. Lorsqu’elle connaîtra son texte sur le bout des doigts, et qu’elle musclera l’ensemble, son show fera des ravages.
Pour l’heure, elle évolue déjà à un niveau très élevé, témoignage de son expérience scénique pluriannuelle… Pas mal pour une artiste qui a souvent picoré les expériences de vie, profité et qui aurait pu offrir un show sans rigueur. Avis aux amateurs de mixologie et de stand-up : ce cocktail détonnant va vous remplir d’ivresse comique !
Pierre Thevenoux, humoriste vraiment marrant, revient avec Life coach
Suivre la carrière de Pierre Thevenoux, c’est un pèlerinage comique qui régale à chaque étape. J’ai eu la chance de voir son précédent show dans ma ville en version longue : il en offrait toujours plus au public d’abonnés qui va au théâtre, pas voir du stand-up. Une salle immense pour un beau point final…
Comme tous les artistes qui commencent bien leur carrière, reprendre à zéro est toujours une prise de risque. D’autant plus que la durée de vie des spectacles est bien plus courte aujourd’hui. Pour Pierre Thevenoux, tout paraît simple, car c’est le fruit d’un travail acharné. Les comedy clubs comme les plateaux miteux sont son quotidien, entre deux séances de muscul’ (seuls les vrais savent)… et autres épisodes de podcast.
Un rodage en catimini au Red Comedy Club
Pierre Thevenoux est une valeur refuge du marché du rire. Ainsi, il est plus difficile pour lui de vérifier si ses vannes font mouche, tant le public le suit aisément. Sa méthode : roder au Red Comedy Club sans trop communiquer dessus… Se mettre en difficulté, donc, pour éviter à ses nombreux fidèles de rire juste par habitude.
Et la formule marche : il parvient à se renouveler, à aller même sur des sujets plus sombres… Tout en conservant des fondamentaux et se plaçant dans la continuité de son premier opus. La mitraillette du LOL, qui distribue les punchlines avec un style inimitable, est donc toujours aussi efficace. Il semble même prendre plaisir à communier avec le public, lui dont les côtés ronchons dus à une pudeur et une pointe d’introversion pourraient présager l’inverse. Dans son élément, généreux sur scène sans en faire des caisses, le Thev continue ainsi sa route en renvoyant une impression de facilité.
Désormais bien amorcé, le spectacle Life coach de Pierre Thevenoux va ravir les foules. Une large tournée permettra au public d’en profiter partout, alors allez-y !
Adele Barbers, pleine d’adresse dans Malàdroite
Comme pour Pierre Thevenoux, j’ai eu le privilège de suivre assidûment le parcours d’Adele Barbers. Des premiers rodages dans des lieux confidentiels, elle a musclé son spectacle jusque dans les meilleures salles d’humour parisiennes. Au République, d’abord, puis à la Nouvelle Seine.
Outre une aisance scénique désormais acquise, Adele a su habilement construire son show. L’articulation entre son vécu et l’actualité politique, dans une période d’emballement, est impeccable.
Un show de stand-up introspectif plus que solide en dépit d’une actualité politique frénétique
Pourtant, les nouvelles qui irriguent avec frénésie l’actu de nos dirigeants la poussent à se renouveler bien trop vite pour dire ouf. Or, le spectacle, lui, est bien ouf ! On adorait déjà son parcours sur le terrain, qui lui confère l’un des regards les plus pertinents sur le sujet. On a succombé au bonheur de voir cette biographie comique s’installer, dans un cadre où les punchlines fusent.
Parier sur de nouvelles têtes n’aboutit pas toujours à du bonheur comique… Mais cette fois-ci, l’histoire penche dans le bon sens ! Si vous aviez besoin d’une confirmation de son talent, vous l’avez : le spectacle est un passage obligé pour tous les vrais amoureux de comédie.
Djamil le Shlag dans Exode(s), indéniablement dans le patrimoine du LOL
L’humoriste Djamil le Shlag n’a pas attendu de faire rire sur France Inter, puis Radio Nova pour être drôle. Un phrasé inimitable, dès son entrée sur scène : « Je suis à 15% de mes capacités » qui s’accompagne d’une gestuelle généreuse… Ça, c’était au Jamel Comedy Club et ça annonçait déjà des lendemains qui chantent.
Si Exode(s) est un spectacle hilarant, il a longtemps été sous-coté. Des années plus tôt, Pierre Metzger me l’assurait : c’était une claque artistique. Bien loin de brasser du vent en faisant monter les décibels et en gesticulant chaleureusement, Djamil raconte avec beaucoup de complicité son histoire, ses histoires et ses punchlines. La forme est unique en son genre et le fond aussi riche que généreux.
Résultat : de l’hilarité à revendre, et une solide envie de revenir pour communier à nouveau avec un grand artiste. Les refs des années 90 se mêlent avec l’histoire de son correspondant allemand, toujours gravée dans ma mémoire des mois après ma venue à la Scène Parisienne. Les cases que j’aime voir cochées le sont : le vécu, la qualité du propos sur la société et la singularité. Que demande le peuple ?