Les leçons d’Arnaud Tsamère pour perdurer sur scène
Arnaud Tsamère, révélé entre autres dans ONDAR, a investi la salle parisienne du Trianon pour son spectacle 2 mariages & 1 enterrement. Habituée à voir des humoristes émergents, j’ai tiré de nombreux enseignements en assistant à ce show. Des très bons, et d’autres plus nuancés.
Règle n°1 : comme Arnaud Tsamère, développez un « humour signature »
Arnaud Tsamère est un humoriste à la fois grand public et à part. Il est notamment l’un des héritiers naturels de François Rollin… mais pas seulement. Ainsi, il manie l’absurde, l’humour parfois potache et le mime invraisemblable. Également, il sait faire rire avec un paperboard en sublimant l’accessoire, lorsque d’autres s’appuient sur l’accessoire pour justifier leur drôlerie. Enfin, il sait aussi faire dans l’introspection, l’humour noir et l’émotion.
L’humoriste pioche dans chacun de ces tiroirs scéniques et y applique le bon dosage. Ce faisant, il maintient le public en haleine. Même si parfois, on se demande pourquoi il nous amène à un endroit (et qu’on ne comprend rien), on sait qu’il nous récupèrera en chemin.
Règle n°2 : restez authentique, travaillez les fondamentaux et renouvelez-vous si nécessaire
La difficulté n’est pas tant d’acquérir tous ces savoir-faire mais de les mobiliser pour tout nouveau spectacle. Tout cela en restant pertinent, car la case de l’humoriste ringard est très attractive. La première partie du spectacle avait un ton déjà entendu il y a dix ans, des blagues à l’originalité absente. Comme une bobine avariée de Rire et Chansons, elle se vantait d’être culte. Dans les faits, la déception était palpable.
Voir cette première partie m’a fait un peu peur, je vous l’avoue. J’ai cru que c’était le spectacle de trop d’Arnaud Tsamère… avant qu’il ne me rassure en étant solide sur ses appuis. Quelques ingrédients qui fonctionnent : ne pas jouer à la vedette, garder sa sincérité et son autodérision et prendre des risques. Dans l’ensemble, Arnaud Tsamère y parvient.
Un autre lieu où il se révèle brillant, c’est sa manière très originale d’aborder la résilience. Un thème extrêmement porteur et en phase avec son époque. Cela peut être pesant ; les manières de le désarçonner sont d’ailleurs multiples et toutes surprenantes. Arnaud Tsamère s’autorise ces folies pour le meilleur et sait alterner entre les tableaux. La technique le suit dans ses idées comiques très inspirées, et le public en redemande.
Piège n°1 : ne jouez pas (trop) sur le fait d’être connu
L’artiste qui a eu son heure de gloire en début de carrière peut vouloir rappeler son appartenance à la caste « humoriste vu à la télé ». Sur ce point, Arnaud Tsamère a, à quelques moments, commis cet impair. C’est notamment le cas lorsqu’il évoque sa participation aux Grosses têtes. Heureusement, l’affaire ne dure qu’un temps.
Nuançons toutefois le propos. Une partie du grand public, surtout lorsqu’il est spectateur occasionnel ou collectionneur de selfies, apprécie l’expérience de voir un humoriste connu. De telles adresses rappellent à ce type de spectateur que oui, ce soir, il voit une vedette.
Mais la notoriété n’a rien à voir avec la vraie vie. Ce qui amène le public au spectacle, c’est le désir d’identification. Le moment où Arnaud Tsamère explique la genèse du spectacle et le moment où Jérémy Ferrari a été décisif nous a tous émus.
Piège n°2 : n’en dévoilez pas trop en promo
Ce piège est délicat. Dans le cas d’Arnaud Tsamère, il était doublement à risque avec moi. En plus d’être humoriste, il est pilote et passionné de sport automobile. Ainsi, je le connais en bicanal. Et l’écoute de l’excellent podcast « Dans la boîte à gants » associée à la lecture d’articles un peu partout en révèle beaucoup.
Pour les amateurs de comédie, il y a aussi le passage d’Arnaud Tsamère à Montreux. Il est en partie présent dans le spectacle, mais augmenté. Le virage a bien été négocié sur ce secteur. Si vous comptez voir ce spectacle, je vous invite à garder une certaine naïveté en ne vous renseignant pas trop sur l’homme/l’artiste.
Verdict : Arnaud Tsamère, bien inspiré de continuer sa route comique ?
J’ai réussi à pardonner Arnaud Tsamère lorsqu’il a prolongé le spectacle et commencé en retard. Entrer peu avant 20h au Trianon et en sortir à près de 23h, c’est le genre de chose qui me met en rogne. D’où provient ce pardon temporel ? Arnaud Tsamère a réussi à ne pas me décevoir, alors que j’avais mis la barre très haute.
C’est assez injuste, par ailleurs, car la création d’un nouveau spectacle est toujours une prise de risque. La notoriété ne rime pas forcément avec qualité garantie. En prime, le spectacle est assez différent de Confidences sur pas mal de trucs plus ou moins confidentiels. Un spectacle que j’ai en DVD — c’est dire à quel point ma fidélité est réelle.
Quelque part, Arnaud Tsamère a pris la place de Stéphane de Groodt dans mon cœur de fan de voitures et de galéjades. Je lui souhaite de continuer à surprendre dans de nouveaux spectacles, car « il en a encore sous la pédale » !
Bonus : les indiscrétions de la file d’attente
Le 10 mars, je n’étais pas seule dans la salle du Trianon. J’ai pu constater le lendemain comme le monde était petit. À la Petite Loge, je surprends une conversation dans la file d’attente du plus petit théâtre de Paris. Une femme raconte qu’elle a passé 3 heures dans le théâtre, qu’elle a fini sa soirée à faire cuire des pâtes tant l’expérience empêchait de dîner à une heure décente. Et elle ajoute : ça aurait pu être plus court, histoire de couper ce qui était moins drôle.
Je ne partage pas son diagnostic de la coupure de certains segments de spectacle. En effet, les moments farfelus nous baladent subtilement, c’est prévu. En revanche, le temps passé sur place était bel et bien trop long. Virer la première partie et l’entracte fait déjà gagner 45 minutes. La conclusion aurait aussi pu intervenir plus tôt… Pourquoi toujours devoir faire des rappels et des messages personnels ? Disons qu’Arnaud Tsamère a voulu profiter de son Trianon. Or le spectateur parisien sur-sollicité n’a pas forcément envie de faire partie d’un trip égotique. Mais ces désagréments, à mon sens, ne nuisent pas au niveau général du spectacle.