10 minutes in le BarbĂšs Comedy Club
10 minutes in le BarbĂšs Comedy Club, câest lâhistoire dâun mec qui rĂ©pĂšte sans cesse la mĂȘme histoire. « Je suis nul, jâcomprends rien. » Au fond dâune salle de classe, il tente de dĂ©chiffrer son environnement. Il nây croit pas. Il a peut-ĂȘtre cru en lui un jour, mais depuis, on lui a bien fait comprendre ça : sa case, câest dâĂȘtre nul.
Pourtant, cette salle de classe sĂ©lective, il a rĂ©ussi Ă lâintĂ©grer. Comme tous les autres membres de son groupe, on lâa choisi pour sa personnalitĂ©. Jâignore les critĂšres qui ont motivĂ© cette dĂ©cision, mais je les devine.
10 minutes in le BarbĂšs Comedy Club : Ă la recherche des talents perdus
Comme vous le savez, je passe le plus clair de mon temps Ă scruter les talents. Dâordinaire, je les croise sur scĂšne. Leur refuge, bien souvent, car les bureaux dâentreprise et autres lieux dâenseignement ne sont quâoppression pour eux.
Alors quand je regarde ce mec du fond de la classe, je repasse en mode chasseuse de talents. Au milieu de tous ces gens qui jouent un rĂŽle bien dĂ©fini par la sociĂ©tĂ© et semblent exceller, câest lui que je vois Ă©merger. Pendant que les autres sâaffairent Ă respecter les consignes et se prĂ©parent Ă ĂȘtre « juste assez bons pour Ă©viter les ennuis », lui opĂšre diffĂ©remment.
Comique dâobservation et sens du personnage
Depuis le dĂ©but, sans coup fĂ©rir, il scanne tout le monde. Il semble dans la lune, alors quâen rĂ©alitĂ©, son cerveau surchauffe lors de cette phase dâobservation. Les autres, il apprend Ă les incarner. Sans sâen rendre compte, il enregistre tout. Il questionne tout.
Et ça, de quoi sâagit-il ? Des compĂ©tences dâun bon humoriste. LĂ , je tombe sur un excellent cru : dans son regard perçant, je vois toutes les Ă©motions passer. Il y a de la rage en lui, une dĂ©termination insoupçonnĂ©e, un potentiel survolĂ© par ses semblables. Une envie folle de retourner. Retourner des tables de rage⊠ou bien retourner des salles avec conviction.
10 minutes in America⊠ne partons pas si loin !
Je vais vous faire une confidence : quand je me rappelle Gad Elmaleh dans 10 minutes in America, je partage la rage de mon camarade de classe. Une grande chaĂźne de tĂ©lĂ©vision et une agence dâaudiovisuelle prisĂ©e offrent un plateau dâargent Ă quelquâun qui joue le pire rĂŽle de rĂ©ussite qui soit. Le pitch : comment repartir de zĂ©ro et Ă©crire 10 minutes de blagues lĂ oĂč vous nâĂȘtes « soi-disant » personne.
Sauf que ça, câĂ©tait avant les rĂ©vĂ©lations de CopyComic. La plupart des gens, moi y compris, ont tout gobĂ©. RegardĂ© avec admiration un homme qui avait tout jouer celui qui nâavait rien.
10 minutes in le BarbĂšs Comedy Club : lâart de prĂ©fĂ©rer les diamants bruts
Jâai en face de moi quelquâun qui a lâavenir devant lui mais qui se persuade du contraire. Avec lui, jâai envie de lancer un autre documentaire, bien moins romancĂ© mais bien plus sincĂšre. Ăa sâappellerait 10 minutes in le BarbĂšs Comedy Club.
LâidĂ©e : ouvrir les yeux Ă ce talent qui sâignore. Lui (dĂ©)montrer sa façon unique dâincarner des personnages. Le convaincre que sa force crĂ©ative lui ouvrira les plus belles portes. Seulement voilĂ , il faut remplir le premier contrat : croire en soi. Ăa nâa lâair de rien, comme ça, mais nous y sommes tous confrontĂ©s. MĂȘme Gad, qui a fait comme bien dâautres : ponctionnĂ© le talent des autres pour briller sans partage.
Lâabsence de feu sacrĂ© vs. la sincĂ©ritĂ© comique
Câest pour ça que jâenrage. Oui, je me rĂ©pĂšte, parce quâil faut bien comprendre cet aspect. Tout le monde ne peut pas rĂ©ussir dans le sens social du terme. Ceux Ă qui on a fait comprendre quâils Ă©taient nuls le resteront peut-ĂȘtre malgrĂ© tous leurs efforts. Mais il existe une autre voie : emmerder ceux qui pensent comprendre plus vite que les autres. Ceux qui vous disent que vous ĂȘtes nul, car en rĂ©alitĂ©, votre force comique, Ă©motionnelle ou intellectuelle les effraie. Elle leur rappelle quâils auront toujours un plafond de verre mĂ©connu : lâabsence de feu sacrĂ©.
Prendre le micro, câest un acte fort. Câest aussi sâoffrir le plus beau des cadeaux : que toutes les imperfections quâon voit en soi deviennent des armes humoristiques massives. Ce nâest pas pour rien que les artistes raffolent de lâautodĂ©rision. Ă ce petit jeu-lĂ , encore faut-il se distinguer de la masse de ceux qui jouent les nĂ©vrosĂ©s par pur calcul.
Mon talent du fond de la classe, lui, a la sincĂ©ritĂ© de son cĂŽtĂ©. La puretĂ© de ses interrogations et de son sens de lâobservation le fait sortir des sentiers battus. Câest lâoutsider par excellence. Ma mission est donc de lui montrer la voie : le faire passer de lâĂ©cole de Marcadet-Poissonniers Ă celle de ChĂąteau Rouge. Le BarbĂšs Comedy Club, les micros ouverts de Shirley Souagnon⊠et si câĂ©tait ça, son salut ? Ou bien le vĂŽtre ? Qui saitâŠ
DâoĂč sort ce texte ?
Quand je me suis Ă©garĂ©e Ă la Rocket School, jâai rencontrĂ© un type un peu spĂ©cial, un peu diffĂ©rent. ParaĂźt quâil avait fait de la taule. Peu importe, il Ă©tait lĂ , avec tous les autres sĂ©lectionnĂ©s pour un nouveau dĂ©part. LâĂ©cole se situait dans le mĂȘme quartier que le BarbĂšs Comedy Club. Alors jâai pondu ce texte, et jâai attendu assez longtemps pour assumer son cĂŽtĂ© « fiction ».
Cet incident de parcours personnel mâa tout de mĂȘme menĂ© Ă quitter lâĂ©cole pour rejoindre le BarbĂšs, perdue, sans savoir sur qui jâallais tomber. Il y avait deux mecs, fraĂźchement colocs, Yassir et Tom Baldetti. Un an plus tard, les deux jouaient Ă la Petite Loge. Je nâĂ©tais plus perdue⊠Pour ce gars, je ne sais pas ce quâil en est. Peut-ĂȘtre quâun jour, il sâinscrira Ă une scĂšne ouverte ? Qui saitâŠ