À propos des découvertes humour

Juliette Follin 31/01/2022

Depuis le début de l’histoire du spot du rire, la rubrique des découvertes humour consacre les nouveaux talents. Dès leurs premiers émois scéniques, je les mets en lumière, parfois avant tout le monde. Attachée à ce patrimoine naissant, je n’envisage pas d’arrêter cette promotion.

Cependant, pour offrir des suggestions de qualité, il faut du temps de maturation. Ces derniers mois, j’ai puisé dans les dernières réserves du spectacle vivant. Ne vous méprenez pas : les nouveaux talents existent. Cependant, en raison de la pandémie, deux paramètres ont changé la donne.

Quelques ajustements s’imposent…

Le premier paramètre, c’est l’application plus ou moins heureuse des règles sanitaires dans les plateaux d’humour. Cela m’a conduit à bouder les scènes ouvertes, endroit pourtant phare pour découvrir les talents avant tout le monde.

Le second paramètre a aussi un lien avec la situation sanitaire. Le spot du rire est un projet bénévole et il le restera. Pour gagner ma vie, je consacre un temps plein à un travail qui me bouffe 39 heures par semaine. C’est normal, et l’idée n’est pas de me plaindre.

En revanche, depuis 2017, j’ai placé ces deux activités avant tout le reste. 2016, d’ailleurs : avant de me lancer, il m’a fallu un an d’immersion. Prendre ce temps pour mieux cerner le terrain s’impose de nouveau.

Objectif : conserver une qualité de sélection artistique à tout prix

Ma priorité absolue est de conserver un haut niveau de qualité dans ma sélection. Je veux faire des choix par conviction, toujours au contact du terrain. En début d’année, vous avez sans doute vu les nombreux tops d’humoristes fleurir dans la presse. Déconnectés de la réalité, ils mettaient en lumière des personnes déjà bien en vue. Soit par leur réseau, soit par leur capacité à se promouvoir en vidéo.

Il est essentiel de se nourrir du terrain pour promouvoir au mieux les talents. Je me répète, mais le message ne passe pas partout… Pour ma part, je n’ai pas réduit mes sorties spectacles, je vais progressivement reprendre les plateaux. Je suspens temporairement la rubrique des découvertes humour. À vue de nez, six mois à un an, ça suffira.

Deux expériences décevantes en open mic

Cette annonce est aussi à mettre en perspective sur la base de l’état actuel des scènes ouvertes. Le stand-up est aujourd’hui si populaire que les prétendants aux open mic sont très (trop ?) nombreux. J’ai assisté à deux d’entre eux ces derniers mois, tous les deux au Fridge. Un endroit prisé, car c’est peu ou prou le seul lieu qui offre une rémunération aux débutants. Malheureusement, les artistes sont nombreux à questionner la gestion de la programmation de ce lieu sur cette fameuse scène ouverte… Quelque part, ça me rassure, parce que ce qu’il s’y passe semble ahurissant.

La première fois, ce n’était pas génial. Autant, le niveau attendu est bas, mais il faut a minima travailler son texte. La deuxième fois, mon sang n’a fait qu’un tour. Une brochette de mecs qui semblait davantage vouloir pécho (sic !) dans le public avec des techniques de drague même pas vues dans le pire des films Taxi. Petite précision pour vous, messieurs. Il ne suffit pas de prendre le micro pour, tout à coup, vivre « l’effet Axe » que les publicitaires vous ont mis dans le crâne. Travaillez, ne prenez pas de créneaux de 3 minutes de jeu à ceux qui veulent vraiment se lancer et revoyez vos priorités.

Vous l’aurez compris, il va falloir du temps pour faire le tri. Car de bons humoristes, il en existe. Certains se cooptent déjà à un petit niveau, quitte à apparaître dans des captations sans être prêt. En coulisses, les interrogations sur leur niveau très faible se faufilent comme un bouche-à-oreille frigorifique. Maîtriser les réseaux sociaux davantage que les blagues permet parfois d’exister davantage qu’une personne qui a le meilleur terreau artistique. Je continuerai à y veiller, contre vents et abonnés. Et ce discours n’est pas si farfelu si l’on écoute les ressentis du côté de chez Topito, où tout cela semble bien mieux pensé.

Un rythme éditorial modifié

Ce temps permettra de découvrir vingt à trente nouveaux talents avérés ainsi qu’à en apprivoiser la moitié. En plus de la liste d’attente (il me restait quelques artistes dont j’étais certaine), nous allons pouvoir repartir de plus belle. Pour le reste des contenus, je vous proposerai une mise en valeur chaque mercredi, sur Instagram, de nouveaux talents. Ce sera ludique, interactif, et ça nous occupera toute l’année.

Pour le reste, les articles arriveront au compte-goutte. Critiques, portraits, billets d’humeur, indignations diverses, coups de cœur bienvenus… Ce changement de temporalité est vital pour me permettre de continuer à produire et à vivre dans de bonnes conditions. Mais croyez-moi, début janvier, j’étais remontée, furieuse de voir ces tops à géométrie variable. Il reste encore du travail, je n’abdiquerai pas. Je le dois à tous les talents mis en avant, mais aussi aux futurs.

Je suis à la croisée des chemins entre l’ascension des personnes que j’ai vu débuter (Alexandra Pizzagali chez Quotidien, du bonheur à l’état brut) et l’arrivée de nouveaux venus. Ces deux trajectoires vont guider la suite des événements, pour le reste, tout est à écrire !

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