Swann Périssé électrise le Palais des Glaces avec Calme

Juliette Follin 26/02/2024

L’humoriste Swann Périssé joue son spectacle Calme au Palais des Glaces. Nous étions à la deuxième représentation : que vaut ce spectacle de stand-up ?

Calme : un spectacle de Swann Périssé sur la colère, entre féminisme et écologie

Swann a choisi son nom de spectacle pour s’approcher d’une utopie. Le calme, un état dont elle est souvent dépourvue, tant la colère gronde en elle. La première partie parle du féminisme et de l’état des relations en 2024. La seconde mêle développement personnel, médecines alternatives, urgence climatique et santé mentale.

Il y a tant à dire sur ce spectacle. D’une part, j’ai rarement vu une comédienne jouer aussi bien. Elle se qualifie d’influenceuse (et en est fière) et vérifie qui la connaît via les réseaux sociaux, et pourtant… Je n’ai pas applaudi à ce moment-là, car notre rencontre remonte à 2017 ou 2018. Le lieu ? La petite cave de la Grange, au plateau du 33 Comedy. À mes yeux, Swann fait du stand-up avant toute chose et son absence au théâtre me pesait. Rappelons-nous aussi son savoureux tour du monde des blagues.

Au Palais des Glaces, vous assistez à une véritable performance scénique. Une artiste établie qui vous en met plein les yeux avec son jeu, son texte et la qualité des lumières. Ses mimes, sa manière d’occuper la salle sont rarement si bien mobilisés. L’ensemble est de l’art à l’état brut, l’alternance des couleurs formant une œuvre stupéfiante.

Un humour engagé impeccable sur le féminisme, manquant de recul sur d’autres sujets

Je commence à me dire qu’on a un spectacle vraiment fou, jusqu’au moment où j’entends « développement personnel ». Jusqu’ici, le texte de Swann était drôle, pertinent, indispensable pour l’époque. Le glissement se produisait ainsi lorsqu’elle nous parlait de sa semaine de jeûne ou de son rendez-vous avec une énergéticienne.

Il manquait une prise de recul, un questionnement sur ces pratiques non reconnues et à tendance sectaire. Quant au développement personnel, il cumule de nombreuses critiques. L’humour disparaît lorsque la distance n’est plus. La forme reste impeccable dans le spectacle, mais le fond déçoit quelque peu. La conclusion autour de la psychologie rappelle un peu celle de Laurent Sciamma. Pour Laurent, le salut vient d’une chanson de 1996. Pour Swann, c’est la discussion avec sa colère.

Rassurez-vous, tout n’est pas à jeter. Sur la colère, pourquoi ne pas transformer la fin en jouant la discussion, plutôt qu’en une simple explication ? Sur les médecines alternatives, s’il fallait questionner le rapport conflictuel de l’occident qui permet de débusquer les charlatans ? Plus globalement, les expériences de Swann avec sa caravane sont une matière inestimable pour le stand-up. Elle allait à la rencontre des gens pour monter des initiatives écolo. Et si elle nous parlait de ses rencontres, de son changement de perspective sur le monde ? Enfin, si elle creusait la raison pour laquelle les femmes sont sommées de rester calmes, avec la honte comme alternative ?

Un spectacle plein de promesses, une progression à suivre attentivement

Swann Périssé rend donc une copie perfectible mais pleine de promesses au Palais des Glaces. Certaines personnes adoreront l’ensemble de son show, surtout si elles la suivent assidument. Pour monter en gamme, l’humoriste peut suivre les traces d’une Marina Rollman et tenter d’élargir son art au grand public. Elle en a largement les capacités, puisqu’elle ne tombe jamais dans l’écueil de s’engager sans faire rire.

Se débarrasser de la philosophie de comptoir lui assurera un succès fou. Mais le niveau est si élevé par rapport à la concurrence qu’on lui pardonne. Par ailleurs, il n’est pas nécessaire de s’identifier ou d’être d’accord avec toutes les œuvres. Elles nous enrichissent d’autant plus quand elles nous font réfléchir, avec les rires à la clé… Quant tant de spectacles sont juste basiques et sans prise de risque, il faut saluer les efforts de Swann pour construire un humour aussi ambitieux.

Dernier point de détail : si Swann électrise le Palais des Glaces, elle ne l’enflamme pas. Je m’explique : il faisait si froid dans la salle… Elle expliquait que c’était un geste pour l’écologie. J’ignore si elle choisissait de nous réfrigérer au Palais des Glaces ou si c’était dû à la vague de froid. Mais si elle veut nous donner une leçon de décroissance, qu’elle nous prévienne histoire qu’on s’organise un peu… Heureusement, on n’a déploré aucun droitard clamant l’écologie punitive ou d’éco-anxieux en pleine crise d’angoisse dans la salle !

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