La drôle de vie d’Alfred H contée à la Petite Loge

Juliette Follin 13/11/2023

On ne pouvait plus l’esquiver ! Avec son spectacle Drôle de vie, Alfred H se produit à la Petite Loge les dimanches à 19 heures. Lorsque sa communication le plaçait sur la carte des trucs à voir pour éviter la FOMO, on pouvait encore procrastiner. Mais s’il auditionne dans le centre de formation de l’élite du LOL et qu’il décroche un spot… Il faut le prendre au sérieux.

Des blagues sur la F1 comme passe décisive à la critique culturelle ?

Alors un dimanche sans Grand Prix de Formule 1, je devais m’y résoudre. Justement, Alfred vous accueille avec des blagues personnalisées. Le charme des débuts, quand vous connaissez tout votre public. La mâchoire extraordinaire de David Coulthard se matérialisait dans ma tête, comme pour m’intimer de faire bouger la mienne. Vous n’avez pas compris cette phrase ? Le public n’avait pas la ref non plus.

Or pendant ce temps, je me souvenais d’un moment de ma vie où un rédacteur en chef d’AutoHebdo m’avait dit : « Vous savez, il y a le rêve et le réel. » Traduction : redescends sur Terre, ta passion, c’est pas pareil dans la vraie vie. Une réplique qu’Alfred H, s’il en avait entendu une variante, aurait sans doute ignorée.

Alfred H raconte sa drôle de vie à la Petite Loge : un spectacle en construction

Retour au réel. Je sais désormais ce que vaut Alfred H à la Petite Loge à l’automne 2023. La datation est importante pour ce passionné qui veut marquer le stand-up de son empreinte. Car une variable à elle seule changera la donne. Va-t-il tenir et progresser ?

Depuis ses débuts, il a franchi un palier et avance en dépit du qu’en dira-t-on. Comme s’il voulait que personne ne brise son rêve, il veut dessiner un parcours héroïque. Oui, mais il y a un hic. S’il est singulier dans sa communication, il peine à le transposer sur scène.

Deux faiblesses le maintiennent dans le ventre mou du jeu. D’abord, les lieux communs. Concrètement, il feint de partager une réflexion innovante et enfonce la porte la plus ouverte qui soit. Résultat : un matériel déjà vu, surtout sur les prémices. Deuxième point, plus classique chez les néo-comiques : il évalue sa prestation en temps réel. L’équivalent du mec qui se regarde dans un miroir pendant une levrette ? Pas tant, puisque chez Alfred H, il se projette plus qu’il ne se vante. En prime, il sait manier l’émotion et la poésie. Son air brut de décoffrage offre par ailleurs une proximité maximale au public.

Quelques bonnes punchlines noyées dans des lieux communs : quelle suite pour ce spectacle ?

Et c’est donc cette projection qui le met dans la sauce autant qu’elle le sauve. Un phénomène finalement assez rare. Certaines punchlines sont bien senties et sa volonté de réussir le rendent tout de même appréciable. Au bout du compte, Alfred H ne déçoit pas, mais il ne creuse pas assez. On finit frustré de ne pas entendre d’histoires plus développées ou profondes. À certains moments, on sent même que la fiction dépasse la réalité et noie l’essentiel. On a du mal à savoir qui est le vrai Alfred H, comme s’il avait passé sa vie à se raconter sa Drôle de vie.

De fait, on a hâte qu’il l’incarne vraiment, qu’il sorte de la case fake it until you make it. Car Alfred H restera sur le ring, qu’on le veuille ou non. Ses rêves valent la peine d’être poursuivis et il y a quelque chose de touchant dans cette quête. Cependant, au vu de la concurrence qui offre des spectacles divers et variés en évoluant au bon niveau… Il serait dommageable de passer sous silence les imperfections de ce spectacle. Qu’il nous raconte son destin peu ordinaire, sa famille qui paraît étrange et son mal-être politique ! Ainsi, en faisant de sa situation particulière un moyen de connexion avec le public, il n’aurait plus à enfoncer ces fameuses portes ouvertes…

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