Merwane Benlazar forge son art au Point Virgule : critique

Juliette Follin 08/11/2021

J’ai mis du temps, mais j’ai pris ma place pour découvrir le spectacle de Merwane Benlazar, Pour la première fois, au Point Virgule. Je me faisais plus rare dans cette salle, et je me disais que ce spectacle était idéal pour comprendre l’évolution du théâtre.

Il me fallait donc répondre à deux questions. D’une part, le Point Virgule a-il perdu sa science de la programmation ? Disons que son virage stand-up à la Paname Art Café avec si peu de femmes est déroutant. D’autre part, Merwane Benlazar est-il à la hauteur de cette salle ? Oui, pour un premier spectacle. Découvrez pourquoi.

Merwane Benlazar : un parcours riche avant son spectacle

Mes précédentes références étaient multiples. J’ai vu 30 minutes de son spectacle lorsqu’il rodait avec Rémi Boyes. C’était il y a longtemps, au Théâtre Montmartre Galabru (le lieu du Bordel Club). À l’époque, je trouvais que Merwane livrait un storytelling poussif.

Deuxième référence : la chauffe de la salle lors du tournage d’Autour de. Les coulisses de cette captation révélaient un Merwane Benlazar excellent en interaction.

Une première partie en rodage

Avant de découvrir Merwane sur scène, Nathan Bensoussan assurait la première partie. Je l’ai déjà vu à plusieurs reprises. Un mec plutôt cool, visiblement inspiré du stand-up à la sauce ricaine. De fait, l’assurance était là et le propos plus convenu. Peut-être qu’il travaille trop dans les mêmes cercles, mais il y avait beaucoup de ressemblance avec le stand-up de Louis Dubourg à ses débuts.

Entendre un nouvel adulescent faisant la promotion de la weed ? J’aurais pu m’en passer. Mais pour certains artistes, il faut passer par une longue maturation. Pour Nathan, il faudra donc attendre avant de livrer une analyse définitive de son potentiel. Cela passera aussi par l’expérience sur scène et de vie. Histoire de se construire un vécu pour le mobiliser et véritablement raconter des histoires.

Pour la première fois : qu’attendre du spectacle de Merwane Benlazar ?

Le vécu est d’ailleurs l’un des thèmes centraux de Merwane Benlazar. Entre décryptage du racisme ordinaire et des interpellations policières malvenues, il joue sur le loufoque et les anecdotes qui s’empilent. Le public en redemande et parvient à tenir la cadence énervée du flow de l’artiste. Plus digestes lors de la première demi-heure, elles gagneraient à être plus précises sur la seconde.

Philippe Lellouche dit de Top Gear que c’est l’émission devant laquelle vous ne pouvez pas vous endormir. Le spectacle de Merwane répond à la même logique. Les prémisses s’étirent et se retrouvent noyées dans quelques tics de langage. Ou bien est-ce une affaire de style ? Après tout, on n’est peut-être pas obligé de voir uniquement des spectacles à l’écriture ciselée comme celui de Fanny Ruwet

Merwane Benlazar imprime son style au Point Virgule

Force est de constater que j’étais bien seule à vouloir ajuster le tempo. Au fond, Merwane Benlazar fait naître un style qui lui est propre. Personne ne pourra le lui piquer. Ça marche parce que c’est lui, parce qu’il partage avec bonheur son art.

Je sors ainsi de ce spectacle avec un regard presque neuf sur l’humour. L’art est définitivement une affaire de goût : les styles d’écriture ou de musique font naître les débats les plus âpres. On ne tombera jamais tous d’accord, mais il y aura toujours du monde pour aimer Merwane Benlazar.

Merwane a donc réussi son pari : devenir un artiste validé à force d’abnégation. Une foi inébranlable et une volonté à toute épreuve le mènent aujourd’hui à un succès qui continuera de grandir. Précisons que le spectacle de Merwane Benlazar, lorsque je l’ai vu au Point Virgule, était encore en rodage… Et lorsqu’on voit son Montreux un an plus tard, on constate le chemin parcouru. Un chemin parcouru par un artiste à l’éthique et l’intégrité dans le travail rares. Toujours un bon signe… Et Montreux prouve que niveau delivery, il est bien plus précis… tout en conservant son naturel et sa force dans les interactions.

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