Tournon : les coulisses d’un festival humour

Juliette Follin 31/08/2021

Vous connaissez désormais le palmarès de la 32e édition du Festival National des Humoristes à Tournon-sur-Rhône. Aujourd’hui, laissez-moi vous raconter les coulisses du festival de Tournon. C’était mon premier festival d’envergure où je n’étais plus outsider mais insider. Cette position inhabituelle apporte forcément son lot d’anecdotes mémorables.

Mercredi : arriver plus tôt, seule face à une armée de bénévoles

Le festival d’humour de Tournon-sur-Rhône n’existerait pas sans les bénévoles. À mon arrivée sur place, ils étaient en nombre et m’accueillaient vraiment chaleureusement. Même si je n’ai jamais fait de colo, j’avais vraiment l’impression de vivre une expérience comme ça. L’hospitalité m’a aussi rappelé mes premiers pas de journaliste sportive, où j’étais tout aussi intimidée.

Des bénévoles, le président du jury, du jambon et des ravioles. Pas de doute, nous sommes en festival.

Après un premier repas où tout le monde m’explique qu’ils se chambrent toute la journée et s’autoproclament Cotorep, les artistes arrivent les uns après les autres. Les premiers que je vois, ce sont Avril et William Pilet. Vous savez comme Avril entretient une bromance à Paris avec Pierre Metzger… Je n’aurais pas aimé être Pierre Metzger, car en quelques minutes, Avril semblait déjà l’avoir oublié et chavirer pour ce ténébreux nantais.

Les artistes en compétition à Tournon-sur-Rhône en 2021
Les artistes en compétition

Plus sérieusement, j’étais ravie de recroiser William Pilet après mon périple à Nantes. Avoir un artiste à l’humour singulier en compétition, cela n’arrive pas souvent. En plus, on apprenait qu’il passait en dernier dans l’ordre de passage du jeudi. Le clou du spectacle… Les meilleures conditions possibles pour briller, pourvu que le talent suive.

Derniers moments avant la bulle artistique du jury

Ensuite, je rencontrais Alexandre Pesle, président du jury. Auteur, comédien et humoriste, il avait du métier et connaissait déjà le festival en tant que jury. Il prenait avec beaucoup d’aisance et de plaisir ce rôle de guide des jurés. Ses propos sur le choix des artistes étaient raisonnés… Encore fallait-il vérifier que les autres membres du jury avaient la même éthique et capacité de réflexion… Fort heureusement, cela a été le cas.

Le briefing des membres du jury par l’organisation du festival

Il était le seul représentant du jury avec moi et qu’on allait tous être en vase clos à partir du jeudi matin. J’ai profité de la présence des artistes le mercredi soir pour partager le nouveau spectacle de Yohann Métay. J’ai littéralement été hermétique au spectacle, passant l’une de mes pires expériences dans une salle. C’était juste deux personnes qui ne se rencontrent pas artistiquement, car le boulot abattu pour ce spectacle semblait énorme.

Hungry for jokes… mais pas seulement

Peut-être que mon envie de dormir au moins une nuit correctement pesait dans la balance. En effet, les repas du soir ne commençaient pas à 23h30, voire minuit. J’étais complètement jetlag et au fil du festival, j’ai décliné de plus en plus avant de renaître comme par magie. On n’est pas passé loin de la case zombie, tandis que les autres avaient l’air de résister depuis plusieurs jours !

Je remercie infiniment les artistes de m’avoir recueillie lors de ce premier repas, il a vraiment contribué à ma survie dans un milieu que je jugeais hostile. Non pas que l’accueil n’allait pas : au contraire, tout était pensé pour qu’on se sente accueilli. Mais en festival, si vous êtes du genre ermite qui se couche tôt, trouvez des parades. Les gens sont enthousiastes et parlent fort en permanence. Sans oublier leur sens du tactile. Le consentement social, il faudrait l’inventer aussi. Il existe une (au moins) photo de moi qui vaut de l’or où le malaise se lit dans mon regard et tout le reste. Je ne l’ai pas vue, mais je sais que c’est épique. Dès que je l’ai, je vous montre ça car elle résume tout.

Jeudi : les choses sérieuses commencent, les péripéties aussi

Avant de regagner l’hôtel, on m’a discrètement fait comprendre qu’il fallait que les jurés restent avec les jurés, les artistes avec les artistes, etc. Je l’ai très mal vécu, surtout au début. Peut-être car je m’étais inconsciemment appliqué cette règle à partir de la rencontre avec tous les jurés, peut-être car ce n’était pas le bon moment pour me donner cette information alors que je rêvais de dormir…

Quoi qu’il en soit, le jeudi matin, j’avais l’impression qu’on me privait de tout ce qui me donnait envie d’être là. Je trouve que certains professionnels de l’humour ne comprennent pas les artistes, ou qu’ils les mettent tous dans le même sac. Forts de leurs expériences, ils se permettent de leur donner des conseils basés sur leur vécu et leur perspective artistique. Or chaque artiste est différent et connaître le parcours de chacun et ses sensibilités évite tant d’erreurs de jugement.

Développer un rapport singulier avec les artistes : indispensable pour comprendre le terrain

C’est quelque chose de vital, qui me fait me sentir hyper proche spirituellement d’un Philippe Manœuvre. On veut être là, écouter comme une éponge, tout comprendre sans s’imposer. Et on voit les autres approcher les artistes comme des bêtes de foire et non plus comme des humains. À Tournon, j’ai compris plus que jamais que mon rapport avec les artistes était différent, je les voyais comme d’autres professionnels et je m’intéressais surtout à leur processus de construction, d’épanouissement, etc. J’aime juste voir ces gens se trouver, ça m’aide à me trouver et basta.

Malgré une matinée mouvementée où les préposés au ménage ont complètement ignoré l’indication « ne pas déranger » à l’hôtel, je trouvais le courage d’être positive lors de la rencontre des jurys. Il y avait une journaliste locale qui semblait complètement dépassée par les événements. Heureusement, Alexandre Pesle veillait au grain, précisait l’orthographe de chaque personne citée et expliquait les choses de la comédie à cette novice du lol. L’article ne comportait qu’une seule erreur mineure — mission accomplie.

Premier déjeuner avec les jurés : comme un repas de famille avec des trucs compliqués dans l’assiette

Les restaurants qui nous accueillaient étaient classes. Naturellement, quand on côtoie surtout des caves de stand-up, on se sent un peu en décalage. Ça parle de références modernes comme l’ORTF, il y a des lieux communs comme « les jeunes ne consomment plus la radio ou la TV »… Ce qui est sûrement vrai pour tes programmes, mais pas pour des médias qui ont complètement perdu le lien avec eux et les prennent de haut.

À ce stade, j’étais extrêmement tendue car j’avais peur que le jury ne comprenne pas l’innovation en humour. Dans certains festivals, des prestations claquées au sol rencontrent un succès énorme et on ne comprend pas d’où vient l’engouement. Une habitude, un confort de retrouver ses repères initiaux en humour. Tout ce que je voyais, tout ce que je savais sur la nouvelle génération (la vraie, pas celle qui passe sur Rire et Chansons) devait être récompensé. Surtout vu la programmation qui laissait la place à des talents longtemps ignorés pour des propositions convenues, vues et revues.

Les coulisses du festival de Tournon, c’est bien. Le décryptage des soirées découvertes, c’est encore mieux.

Finalement, je retrouvais toutes mes capacités cognitives et mon enthousiasme le jeudi soir. J’étais venue pour ça, pas pour parler de choses et d’autres. Tout le reste n’était qu’une attente sociale où il fallait faire bonne figure, être avenant, tous ces trucs où j’excelle, bien entendu (sic !).

Une fois dans mon élément, j’ai sorti mon calepin pour prendre des notes et juger avec le plus de sérieux possible les prestations.

Inno JP : entre efficacité, authenticité et besoin de reconnaissance professionnelle

Le stand-up pur ouvrait le bal avec Inno JP. Cette fois-ci, je venais informée. Je savais qu’il était en quête de légitimité et de validation, qu’il en souffrait aussi pas mal. Je connaissais mieux son parcours, entre formation d’élite à l’École Nationale de l’Humour et entre difficulté à s’organiser et arriver à l’heure, ou arriver tout court.

Malgré toutes ses difficultés, il parvient toujours à proposer quelque chose de solide. Le public n’y voit que du feu : une personne au taquet, qui enchaîne les sujets avec beaucoup d’aisance. Seul écueil : le ton est toujours le même, très iconique de ce qu’est le stand-up. Résultat : techniquement, c’est super, mais cela manque de relief.

En prime, c’est comme si Inno JP n’arrivait pas à se libérer de son besoin de plaire aux professionnels. Il gagnerait à faire les choses pour lui, pour sortir ses tripes, et à faire plier les jurés. Le jour où il renversera le rapport de force, il deviendra mille fois plus fort.

Léa Crevon : du cabaret comique déroutant, audacieux mais perfectible

Léa Crevon manie l’autodérision et pousse la chansonnette. Elle flirte avec le ridicule pour créer de la comédie. J’avais vu une prestation un peu similaire dans un autre festival, mais l’effet n’était pas le même. Dans le festival précédent, tout était ringard et malaisant. Léa Crevon arrive avec un capital sympathie, un véritable sérieux qui lui permettent de faire bonne figure.

Je ne suis pas experte pour juger une prestation comme celle-ci, aux antipodes de ce que j’aime. Cependant, j’ai eu le sentiment qu’il manquait quelque chose dans l’écriture ou la mise en scène. Comme si la base comique et artistique était là, mais que dans l’exécution, elle n’allait pas dans le bon sens. Quoi qu’il en soit, j’ai trouvé la performance rafraîchissante et j’espère que Léa Crevon trouvera son public.

Avril : l’art de vous emmener dans un univers inattendu et plein de promesses

Si vous êtes fidèle du spot du rire, vous connaissez bien la construction de carrière d’Avril. Désormais passé par la Petite Loge, il doit aujourd’hui s’affirmer dans ses choix comiques. Son travail avec Thierno Thioune lui a permis de défricher les sujets, poser les premières bases. Aujourd’hui, un Gérard Sibelle, qui travaille aussi avec Réda Seddiki, le fait vraiment pencher vers le seul-en-scène.

Ces deux influences se ressentaient bien dans le passage. Je retrouvais aussi son envie d’imposer et de défendre son univers à l’instant T. Il en résultait un passage assez complexe, très soigné au niveau de la mise en scène mais dont le fil rouge n’était pas encore solidifié. Résultat : d’excellentes promesses dans une prestation solide car portée par de la détermination. Ça a donné envie au jury de le soutenir, davantage que je ne l’avais anticipé. Mais nous y reviendrons.

William Pilet : c’est pour des moments comme ça qu’on fait ce métier

William Pilet a cette vibe très particulière qui m’évoque un Blaise Bersinger. L’humour à l’influence anglo-saxonne, celui qu’on peut voir au festival d’Édimbourg (mille fois plus intéressant qu’Avignon, si jamais), est un petit bijou de comédie. C’est à mon sens le truc le plus pointu qu’on peut voir sur scène.

Si en prime, vous ajoutez de l’absurde à ce comique d’accessoires, alors vous obtenez une tambouille irrésistible. Si les trois premières prestations étaient intéressantes, celle de William nous emmenait dans une autre galaxie. Mélangez de la musique, des tours de magie, du texte et du charisme scénique… Nichés dans une mise en scène qui fait côtoyer tous ces univers de manière homogène… Et vous obtenez quelque chose qui ne se voit pas ailleurs.

En regardant cela, j’exultais complètement. Je savais que j’aimerais son univers car j’aime les gens comme lui, Adrien Montowski ou encore Jean-Philippe de Tinguy. Si Yohann Métay était aux antipodes de mes envies, William Pilet tapait dans le mille. Je me posais parfois la question : « Voir des artistes chaque semaine, où ça me mène-t-il vraiment ? ». Quand ce doute s’installe, on retombe sur une personnalité incroyable qui nous rappelle l’objet de notre présence. Il fallait qu’il remporte ce truc. Quand j’ai vu cette prestation, j’ai compris que personne d’autre ne pouvait gagner. Malgré les quatre artistes à venir ensuite. C’était plié tant c’était bon.

Vendredi : la quête des bons arguments

Je pensais que nous délibérerions deux fois : le jeudi et le vendredi. En réalité, nous ne l’avons fait que le vendredi. Vendredi matin, toujours sujette aux insomnies, je trouvais des réponses à mes interrogations. Je n’avais pas anticipé la progression d’Inno JP et je me demandais comment bien départager les artistes.

C’est en reprenant les valeurs de mon site que j’ai réussi à trouver les réponses. William Pilet était un choix logique, implacable, et ne nécessitait pas d’y réfléchir. En revanche, entre Avril et Inno JP, l’incertitude planait. Inno JP semblait légèrement plus efficace, mais cela s’expliquait par une prise de risque moindre, une prestation plus scolaire.

Dans une optique de recherche de découvertes, d’originalité, Avril avait donc une longueur d’avance. Mais il restait quatre artistes à voir et rien n’était joué. Je guettais notamment les prestations de Serine Ayari et de Harold Barbé. Les Apollons allaient sûrement faire flamber le public, mais je ne me voyais pas soutenir leur prestation au jury. Je vous expliquerai pourquoi juste après.

Harold Barbé : cet ovni des festivals les prend finalement bien au sérieux

Harold Barbé est l’un des artistes les plus attachants et purs que vous croiserez sur scène. Quand je l’ai découvert à la Comédie des 3 Bornes, j’ai pris une claque. Ces derniers temps, il a commencé à se révéler aux yeux des professionnels, être un peu plus en avant. Un peu comme Adrien Montowski (qui cartonne aussi en festival en ce moment…).

Son début de passage recevait un bon accueil. C’était une version améliorée de son passage au Montreux Comedy Pop, qui donnait envie d’en savoir plus. Très habile, Harold a su monter en puissance et retourner la salle. À ce moment-là, inclure Harold dans ma sélection n’était plus facultatif mais obligatoire. En prime, il a inclus un segment personnalisé sur la gifle d’Emmanuel Macron, qui était intervenue à Tain-l’Hermitage, l’autre ville du festival.

Avec beaucoup d’audace et en préparant son rodage de spectacle, Harold a fait un pari qui semblait risqué aux yeux du président du jury. Moi, je savais que ça passerait, car Harold est un vieux routard du rire. S’il a l’air décontracté et détaché, il ne faut pas s’y fier. C’est un artiste qui fera tout pour bien faire, car s’il se fiche de remporter des prix, son exigence artistique personnelle l’empêchera toujours de prendre la comédie à la légère. En résulte une éthique de travail de puriste, celle des grands humoristes qui doivent compter. Il est temps que le monde le comprenne…

Les Apollons : fin prêts pour conquérir les publics de France et de Navarre

Les Apollons, c’était un peu ma bête noire. Comme je l’ai dit précédemment, leur nom de scène ne présageait rien de bon. Leurs extraits vidéo me faisaient peur, car j’avais l’impression qu’on reverrait des pirouettes comme celles des Desgars. Le cirque, c’est bien, mais comment juger la qualité comique comme pour les autres ?

Fort heureusement, les Apollons ne sont pas les Desgars. Ce sont de véritables professionnels de l’humour, des machines de communication et d’exécution artistique. De sérieux clients, à raison, qui ne sont pas juste à l’ancienne. On ne va pas se mentir, ça reste une prestation pour un public qui ne cherche pas de l’humour pointu.

Mais là où c’est très pointu, c’est dans le professionnalisme. Les changements de costume sont nombreux, le numéro est soigné… C’est une véritable performance. Le choix musical est finalement plus moderne que prévu (Jet, Are you gonna be my girl, par exemple) et à certains égards, la dynamique du duo fait penser à Ambroise et Xavier.

Ces quelques signaux faibles m’ont complètement adoucie sur leur prestation, plus familiale que ringarde. Pour moi, les Apollons n’ont pas besoin de tremplins d’humour. Leur travail leur permet aisément de prétendre à des tournées pendant plusieurs années ! C’est dommage que l’on ne ressente pas cela sans cet arrière-goût de « ça a l’air ringard quand même » dans leurs teasers, parce que ça ne leur rend pas justice.

Serine Ayari : on veut la voir au Kings of Comedy Club

Serine Ayari est une stand-uppeuse pure et dure, dans la lignée du stand-up américain. On m’avait prévenue : son truc, c’est le crowd work. Traduction pour le public âgé et amateur de vin local : l’interaction avec le public.

Cette grande salle, à mille lieues de l’ambiance intimiste nécessaire pour briller, n’a pas permis à Serine de faire valoir ses atouts. Son aisance scénique était bien là, mais elle a souffert de 30 minutes à la qualité inégale. Je ne peux que déplorer que le stand-up pur et dur ne soit pas adapté à ces festivals…

Si vous avez vu Serine à Tournon, trouvez le moyen de la voir en comedy club. Ce doit être une expérience incroyable.

Julien Bing : comment vous dire…

Julien Bing était un artiste que j’avais déjà rayé de ma liste. Déjà vu aux Best de l’humour, je ne comprenais simplement pas l’intérêt de sa présence. Pourquoi voir une prestation aussi datée, jouant sur les clichés, encore et encore ? Que découvrir dans cet humour, sinon un temps parfait pour faire le vide et réfléchir aux vainqueurs à désigner ?

Premier problème : la sincérité sur scène. Se cacher derrière des choses déjà vues, adopter des intonations de voix dignes des téléfilms les plus ringards de TF1… Certes, il y a un marché pour ces prestations-là et le public qui n’y connaît rien peut se faire berner. Mais artistiquement, pourquoi se lancer dans cela, sinon pour jouer à l’artiste ?

Je ne sais pas si Julien Bing calcule cela ou si, réellement, il pense que le meilleur humour possible est celui qu’il propose. En tout cas, je ne comprends pas pourquoi cet humoriste jouit d’une programmation régulière au Théâtre du Marais à Paris à la rentrée.

Autre problème de taille : son passage était entrecoupé de noirs complets. On se disait : « est-ce la fin ? » et la lumière revenait. Il y en avait encore, et encore, et ça restait toujours aussi fade. Des clichés sur le fait qu’il est un homme à femmes, de la misogynie qu’on voit venir à des kilomètres à la ronde… Vraiment, ça ne passe pas, j’en suis navrée. Il a l’air de savoir poser sa voix, ce genre de choses, mais il gâche la technique qu’il a développée je ne sais où pour une raison obscure.

Les délibérations

Je m’attendais à un bain de sang. Au final, le président du jury nous a simplement demandé de voter en notre âme et conscience. Donner deux noms : notre favori, son second, et un troisième au cas où. Une astuce très utile pour départager des prestations de qualité.

En gros, le trio qui revenait le plus souvent, c’était William Pilet, Harold Barbé et Avril. William Pilet était toujours en tête, large vainqueur. Harold Barbé et Avril arrivaient quant à eux à égalité. Lors de la dernière édition, face à une égalité parfaite, les gens se sont pris le chou sur des critères de style artistique. Fatigués de ne pas pouvoir les départager, ils ont primé les deux.

Grâce à ce système des 3 premiers, on pouvait départager au nombre des deuxièmes places Harold et Avril. Grâce à une prestation plus solide et sa capacité à retourner la salle, Harold Barbé était logiquement devant. Ça n’a pas été mon choix car j’estime que Harold est un excellent artiste depuis longtemps. Je souhaitais utiliser mon vote pour promouvoir une proposition artistique pointue et décalée (William Pilet) et une autre plus émergente, une vraie découverte (Avril).

Un dernier mot sur la manière de séduire un jury, un public ou n’importe qui. Je citerais l’approche de Harvey Specter dans la série Suits. [At poker], I don’t play the odds, I play the man. D’où l’importance de sortir du côté scolaire, surprendre et cultiver son propre style… Et parfois, ça ne passe pas, mais ça ne signifie pas que la proposition artistique est mauvaise…

Épilogue des coulisses du festival de Tournon

Ceci étant dit, je suis absolument ravie de ce résultat. Voir récompensé mon trio préféré à la fois artistiquement et humainement m’a permis de retrouver le sommeil. J’ai vécu ce week-end avec beaucoup de passion, d’envie de bien faire et de voir la comédie la plus pure primée. Ça a été intense et mon retour à Paris m’a permis de mesurer à quel point cette expérience était belle.

En effet, à Tournon, j’étais tendue car je voulais, comme Harold en somme, donner le meilleur de moi-même dans mes choix. Je voulais me regarder dans le miroir en sachant que je n’avais fait preuve d’aucun favoritisme. Je voulais faire le bon choix pour moi et pour le bon déroulement des carrières artistiques. Et ça s’est très bien passé, finalement, même mieux que je pensais.

Coulisses du festival de Tournon : la scène du pont à jamais gravée dans ma mémoire

Le samedi, la journée était plus détendue avec une activité touristique, une micro-fugue pour retourner voir du sport à l’hôtel chacun de son côté avec Harold Barbé (Formule 1 vs. SM Caen)… Avril en a profité pour s’éclipser lui aussi et la traversée du pont entre Tain-l’Hermitage et Tournon-sur-Rhône me fait encore rire aujourd’hui. Pour ce moment, Harold Barbé méritait encore plus son Bouffon. Les comiques qui savent faire rire dans la vie et sur scène sont rares, lui fait mentir les statistiques. C’est pour ce genre d’anecdotes, impossibles à percevoir de l’extérieur, que je suis heureuse de vous livrer les coulisses du festival de Tournon…

Quant à William Pilet, le voir gagner le Grand Prix du jury est le plus beau cadeau qui soit. Comme les appellations sont compliquées, William pensait que c’était Harold et non lui qui avait le premier prix. Son humilité était saisissante. Je devais garder le secret du vendredi soir au samedi soir… J’ai juste exulté quand j’ai enfin pu lui dire que c’était lui. Un mec à la de Tinguy, à la Bersinger, à la Montowski, sans leur ressembler plus que d’être un artiste exceptionnel. Que rêver de mieux ?

Crédits photos

© François Maquaire / Festival National des Humoristes

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