Télétravail humoristique : confessions de 4 comiques

L'invité du spot 29/05/2020

Les humoristes pourront bientôt revenir dans les théâtres et les comedy clubs après plus de deux mois sans scène. Antoine Richard a demandé aux humoristes Farah, Nordine Ganso, Klotilde et Levin Vaz de revenir sur cette période de télétravail humoristique. Vous allez le voir, chacun a su s’adapter à sa façon !

Nordine Ganso s’improvise scénariste en télétravail

Dans ce nouvel épisode, Yanis est prêt à tout pour se nourrir dans la villa et protéger ses friandises des autres habitants. Il est au cœur de tous les conflits.

Ce speech digne d’une télé-réalité, nous le devons à l’humoriste bordelais Nordine Ganso. Durant les 15 premiers jours du confinement, il propose à sa communauté une mini-série inédite« Quand tu fais du stand-up, ton seul moyen d’exister en dehors de la scène, c’est sur les réseaux sociaux. Au début, j’ai lancé une mini-série sur Instagram, car j’avais l’impression de vivre dans une télé-réalité. »

Un concept qui a ses failles. « J’ai vite réalisé que c’était difficile, car il se passait toujours les mêmes choses ». Nordine Ganso continue pourtant son télétravail humoristique. Il partage ainsi ses vannes et d’autres péripéties sur les réseaux sociaux.

Levin Vaz et Klotilde changent de rythme

C’est aussi le cas de Levin Vaz, un humoriste de 19 ans que j’ai eu l’occasion de croiser à Grenoble. Lors de son télétravail humoristique, il propose 5 sketches face caméra par semaine, contre une vidéo en temps normal.

« Même si c’est pesant en matière de boulot, faire ces vidéos me plaît. Elles marchent plus ou moins bien. Ce qui me gêne le plus, c’est qu’une fois que tu as posté, il n’y a pas de suite. »

Même constat pour Klotilde, humoriste parisienne confinée en Bourgogne. « Quand tu es sur scène, tu peux prendre ce qui est dans la salle, rebondir. En vidéo, le résultat est le même pour tout le monde, mais le côté positif c’est de pouvoir continuer de produire. »

Farah s’accorde une « parenthèse de calme obligatoire »

Contrairement aux trois humoristes précédents, la Bruxelloise Farah a fait le choix de ne pas se mettre en scène face caméra ou diffuser de sketch en ligne. « Je me suis refusée à le faire car je n’ai pas à me plaindre de ma situation. Je suis assez privilégiée de pouvoir rester chez moi », confie-t-elle.

Cependant, vous avez pu voir Farah participer au Téva Comedy Show, donner des chroniques ou répondre à des interviews en direct sur les réseaux sociaux. En effet, cette pratique est devenue virale chez les artistes en manque de scène.

Charlie Hebdo, Society et Spinoza 

Pour Farah, cette période de télétravail humoristique a constitué une « parenthèse de calme obligatoire. Depuis mes débuts en stand-up, je n’ai jamais eu deux mois entiers pour me poser. J’ai pu en profiter pour dormir comme je suis une grande dormeuse et pour me remettre à la lecture avec Charlie HebdoSociety et de la philosophie. Chaque jour, je lis un chapitre d’un livre sur cette discipline. Hier, c’était sur Spinoza. »

Si Farah lit autant, c’est parce qu’elle y trouve l’inspiration et la documentation nécessaires pour écrire ses vannes. Dans son spectacle, elle aborde les problèmes qui composent notre société comme la xénophobie ou le populisme.

« Je n’écris pas sur la Covid-19, mais il a mis en exergue certains sujets sur lesquels j’ai déjà fait des recherches comme le système de santé. La crise ne vient pas juste d’un pangolin et d’une chauve-souris, mais des gouvernements qui ont détricoté le système de santé au fil des années. »

Télétravail : un test de créativité humoristique pour tous les comiques

Ne pas écrire sur la Covid-19 alors que la pandémie domine l’actualité, ce n’est pas toujours évident. Or cela s’avère parfois inévitable pour proposer du neuf.

« Dans les sketches que j’ai écrits durant cette période, j’ai vraiment voulu m’éloigner de ce contexte actuel car ça vite se périmer. C’est intéressant pour des vidéos aujourd’hui, mais pas pour la scène dans quelques mois », affirme l’humoriste grenoblois Levin Vaz.

La créativité des humoristes a été tantôt mise à rude épreuve, tantôt stimulée. Ainsi, Klotilde a modifié son approche au fil des semaines. « Au début, j’étais partie dans l’idée d’écrire un deuxième spectacle. Avoir du temps m’a fait me dire : “Wow, c’est un signe !”. Mais finalement, ne pas avoir de perspective m’a bloquée. »

En plus de devoir lutter contre le syndrome de la page blanche, les humoristes évoluent sans pouvoir évaluer la qualité de leur travail. « Il n’y a pas de scène pour tester les vannes, les corriger. Comme tu ne testes pas, tu risques de partir dans un délire personnel. »

Fin du télétravail rime avec retrouver sa dose de scène, la “joke coke”

Pour ces humoristes, quel a été le bilan de ces derniers mois ? Pas de comedy clubs, des vannes sur la Covid-19 qui finissent sur les réseaux sociaux et surtout, l’envie de retrouver la scène.

« J’ai hâte de retrouver la scène, c’est comme une drogue. Quand on me la retire, on m’enlève une partie de moi », déplore Nordine Ganso. Entre la réouverture des lieux de spectacle et son dernier plateau au Rire et houblon (où notre confrère Louis Bolla joue un petit rôle), il s’est passé plus de deux mois. Nordine devait d’ailleurs jouer à domicile au Théâtre Trianon.

Souvenir de dernière scène

Tous se souviennent de leur dernière scène, notamment Farah et Klotilde, dont la dernière dose de scène remonte aux instants ultimes avant les fermetures.

« Le 14 mars, je jouais mon spectacle Élevée en plein air à Marseille. Cinq minutes avant de monter sur scène, la régisseuse vient me voir et me dit : “on va fermer après toi”. Je pense que ça m’a permis de jouer de façon plus intimiste. On évoluait comme dans une bulle, alors que dehors il y avait déjà des changements », raconte Klotilde.

Cette ambiance particulière contraste avec la soirée de Farah à La Rochelle. « La situation était particulière. En Belgique, tout était fini dès le 12 mars, mais en France il y a eu un moment de flottement pour les salles de moins de 100 personnes. On a pu jouer, mais la salle était presque vide et le public présent était assez stressé. »

Les conditions d’accueil du public restent encore floues pour la reprise, prévue le 2 ou le 22 juin en fonction des départements français. Néanmoins, tout un travail de communication va reprendre autour des dates reportées. Une chose est sûre : tous auront hâte de revenir sur scène… sauf s’ils souffrent du syndrome de la cabane, comme Farah : « Je suis un peu déjà nostalgique du confinement ! », s’amuse-t-elle.

Crédits photo

Farah : © Laïd Liazid

Klotilde : © KB Studios Paris / Stéphane Kerrad

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