Récit d’une semaine ordinaire en plateaux d’humour

Juliette Follin 27/11/2019

Les plateaux d’humour peuplent mon agenda tout au long de l’année. Cela faisait longtemps que je ne vous avais pas décrit ces soirées dans l’ordre chronologique. Prêt à vivre un beau moment d’improvisation, à découvrir l’ouverture de Montreux, fêter la cinquantième du Blague à Part et terminer par un plateau alternatif ?

La vérité des plateaux d’humour : vous préférez notre version ou celle de Binge Audio ?

En cette dernière semaine de novembre, un podcast signé Binge Audio entend vous présenter le stand-up. Programme B commence ainsi avec une présentation larmoyante des débuts sur scène, puis la galère des humoristes qui parviennent à en vivre. Ce récit digne des Misérables nous semble quelque peu fataliste. Alors qu’au fond, cela ressemblerait plus à Jacques le Fataliste et son maître.

C’est un très bon aperçu si on survole le sujet. Mais ici, on va plus loin. Embarquez dans un périple qui vous fera découvrir le vrai stand-up ! Ça commence maintenant…

PS : on vous raconte d’autres moments de la semaine dans d’autres articles, suivez les liens ! Ça commence par lundi et l’exceptionnelle de Nicolas Fabié

Dans les plateaux d’humour, ce mardi : Jardin Sauvage, Gérémy Crédeville offre une Tournée générale…

J’avais entendu parler de cet événement d’improvisation, et je me réjouissais de le voir enfin. Gérémy Crédeville est un artiste complet, capable d’être drôle sur le petit écran comme sur les planches.

Il plaisait déjà au public avec son spectacle G, parfait et modeste. Aujourd’hui, alors qu’il prépare un nouveau spectacle, il accumule également les événements d’improvisation dans l’Hexagone.

La Tournée Générale repose sur un concept simple : un tableau, vos mots et de l’impro. Le public du Jardin Sauvage était au rendez-vous : devant une salle comble, l’interaction a pu atteindre des sommets.

Au début, le flottement était palpable. Gérémy Crédeville vient seul improviser toute une soirée, et le public sadique rédige les mots les plus improbables sur le tableau. Il ne sera pas en reste : chaque micro-improvisation mobilise un ou plusieurs de ses membres.

Pour relever le défi et utiliser tous les mots, Gérémy doit ainsi imaginer une galerie de personnages et prendre de nombreux risques. Pour cela, il peut compter sur sa capacité à jouer avec les mots. Après les premières minutes, où il feint de tricher avec de la facilité, il nous convainc de plus en plus. Il improvise même une chanson sur la lettre P, encore une fois un sujet choisi par le public…

C’est très drôle, car Gérémy et le public qui monte sur scène avec lui font voir leur difficulté à pédaler dans la semoule, puis leur victoire à chaque mot effacé. C’était donc une soirée atypique, où Gérémy n’a pas eu à payer de tournée générale. Telle est la règle : s’il utilise tous les mots, celui qui a inscrit le dernier mot du tableau remporte une consommation. Sinon, tout le monde boit à la santé du comédien.

Jeudi : Gala d’ouverture de Montreux sur Comédie+

Parfois, l’humour s’invite dans votre salon. Jeudi constituait ma seule soirée libre de la semaine. Je venais de découvrir Humourman et revoir Mahaut jouer 30 minutes de blagues chacun. J’allais voir l’une des artistes que j’apprécie le plus vivre un moment peut-être charnière dans sa carrière.

Montreux, ça fait rêver. Je préfère cette escale suisse au Marrakech du rire. D’abord, il y a l’humour suisse qui occupe une place (heureusement !). Faire Montreux, pour moi, ça veut dire beaucoup. Alors quand j’ai appris que Marion Mezadorian allait y prendre part, c’était un grand moment.

Peut-être me suis-je enflammée, cela dit… La soirée d’ouverture m’amusait si peu que j’ai interrompu mon périple à mi-parcours. La télécommande me libérait ainsi après le passage de Marion Mezadorian. Hormis Gérémy Crédeville qui m’a étonnamment fait rire sur une parodie de vie de couple morose, tout tombait à plat. Je sentais le stress de Marion à travers mon poste et ne comprenais pas les réactions du public, hilare ou applaudissant des humoristes à la ramasse et soudainement plus discret. Rageant de voir un passage ne pas exprimer toute la quintessence d’un talent.

La caméra sauve la mise

Le lendemain matin, j’envoyais un message à Marion pour recueillir ses ressentis. L’encourageais à repartir au charbon, parce que je savais qu’elle pouvait rectifier le tir. Il se trouve qu’à Montreux, les soirées ont lieu plusieurs fois. Vendredi soir, donc, Marion revenait sur scène pour la Radio Télévision Suisse (qu’on aime, Ndlr.).

Et elle l’a fait. 24 heures changent beaucoup de choses, et MyCanal a décidé de conserver cette version du gala d’ouverture pour les rediffusions et le replay. Quand les planètes s’alignent et que l’artiste garde la tête froide, voilà le miracle qui peut se produire… Et une contact en Suisse m’a permis de voir cette prestation et l’envoyer à l’intéressée pour la postérité. Double alignement des planètes.

Vendredi, je passais aussi par la Petite Loge (comment passer une semaine sans ce théâtre ? Impossible !). Au programme : Aude Alisque, qui a bien remanié son spectacle qu’on adorait déjà.

Samedi : le Blague à Part Comedy Club, c’est la Baze

La cinquantième du Blague à Part Comedy Club était une date exceptionnelle. Elle accueillait Baptiste Lecaplain, Adrien Arnoux, Maryvonne Beaune, Marouane Sista et le MC, Grégory Robet.

C’était l’occasion de découvrir ce plateau en tant que spectateur, car étrangement, j’y ai joué avant de vivre cette expérience. Grégory m’a proposé de nouveau de passer, mais je laisse la place à ceux qui ont vraiment envie de monter sur scène

Honnêtement, j’étais épuisée. Pour la première fois depuis des mois, j’ai vu le soleil se lever pour assister à un stage de clown (juste regarder). Je vous raconte ça ici, car c’était assez marquant comme expérience. Mais j’ai tout de même gardé de l’énergie pour vivre cette soirée au Blague à part Comedy Club…

Les forces en présence : une question de subjectivité

Cette soirée était l’occasion de comprendre la différence entre les humoristes expérimentés et les espoirs du rire. Elle se résume en un mot : efficacité. Ils arrivent avec une autre confiance, un personnage scénique assumé et une précision chirurgicale dans leur jeu et leur texte.

Ainsi, Baptiste Lecaplain et Adrien Arnoux retournaient la salle avec une facilité apparente. Car on sait tous qu’il faut conquérir le public quel que soit son nom ou son standing. Et être connu ne change rien, même quand vous êtes une légende… Baptiste Lecaplain livrait même un clin d’œil aux gens comme moi : « si vous n’aimez pas les mimes ou les mecs qui parlent trop fort, ne venez pas voir Baptiste Lecaplain ! ». Cette conscience de son côté clivant malgré son expérience et son assurance scénique m’ont laissée pantoise. Bravo, respect.

Maryvonne Beaune apportait un angle original et un jeu très personnel pour nous alerter : la fin du monde approche à cause du capitalisme. Un sujet dont je n’ai pas envie d’entendre parler sur scène, mais sa manière de l’amener m’a permis d’en rire. Le reste de la salle était conquis. On ne peut pas plaire à tout le monde quand on livre quelque chose de très personnel, et ça, ça se respecte.

Au final, Adrien Arnoux me faisait le plus rire et j’étais agréablement surprise par la progression de Grégory Robet. La première fois que je l’ai vu jouer, je n’étais pas encore convaincue. Mais comme le dit Shirley Souagnon, il faut attendre… Car un déclic, ça change tout, et Grégory est sur la voie. Marouane Sista, je n’ai vraiment pas adhéré : son ton de voix m’a rappelé Gad Elmaleh, et malgré quelques blagues bien senties, ça sentait le déjà vu. Encore une fois, on laisse le bénéfice du doute et on n’oublie pas le line-up exceptionnel de la soirée !

Dimanche : un Cap ou pas Cap Comedy pour la forme

Le dimanche, c’est le jour où on est totalement libre. Pour certains, c’est une célébration religieuse. Moi, c’est plus un truc de bagnoles comme vous avez pu le voir sur Twitch.

Pour fêter la fin de la saison de Formule 1, j’ai donc décidé de rire. Parce que le rire ne me laisse pas tomber six mois durant l’année, contrairement aux vrombissements des moteurs.

J’avais tout de même une bonne raison de bouger. Emma de Foucaud, je la vois trop peu souvent sur scène. Et j’adore sa manière d’aborder la comédie. Elle me fait penser un peu aux nantais, avec ce ton si unique de parler du bide. Elle dénonce beaucoup, elle observe et critique l’univers du LOL qui la passionne. Cet esprit critique va sans doute l’aider à progresser plus vite. Elle a la bonne approche, et sa progression me semble prometteuse. Ce soir-là, elle allait encore me convaincre grâce à un bon set… traditionnel vis-à-vis de ce qui allait se jouer dans la soirée !

Le spectacle commence avant le spectacle

Avant d’arriver au théâtre, le spectacle commençait déjà. Je croisais une artiste, Cerisette, dans le métro. Elle tient à la main une pochette avec son CV. Une femme l’interpelle dans le métro pour lui donner des pièces, elle la prend pour une mendiante… Enfin, en vérité, elle lui disait : « J’ai vu votre CV, j’ai cru que vous pointiez à l’ANPE ! ». Vous ne rêvez pas, la scène se passe en 2019 sur la ligne 5 du métro parisien…

Moi, j’avais repéré Cerisette sur le quai du métro et j’avais décidé de la suivre discrètement dans le métro. Je ne m’attendais pas à assister à ça… Une heure plus tard, cette artiste atypique arborait un costume de l’espace et nous faisait tous rire en proposant un sketch complètement barré de robot de l’espace. Ce n’est pas exactement le même sketch ou costume que sur YouTube, mais vous avez l’idée. Barge et incroyable.

Le Cap ou pas Cap, c’est pile la soirée d’humour à laquelle tu ne t’attends pas. Tu viens et tu ne connais peut-être aucun artiste, tu n’attends aucun miracle et une folie heureuse vient rendre la soirée burlesque. Le MC amène des bières, il a l’air un peu trop décontracté… Les artistes tentent aussi des choses parce que le plateau a un côté confidentiel. On est dans la back-story de la back-story, et au final, la soirée recharge les batteries de tout le monde. Un délice improbable, qui déménagerait vers Ledru-Rollin dans un endroit dédié au comics — les organisateurs font tout pour !

Entre défis et morceaux choisis

Le Cap ou pas Cap, ce sont aussi des défis : l’applaudimètre désigne des artistes qui vont rejouer sur scène quelques minutes. Le verdict : Cerisette et Avril ont été sélectionnés, alors qu’il y avait quand même une égalité avec Humourman.

Le hasard a voulu qu’une personne du public tire le défi « replay » pour Avril. Il devait rejouer le sketch d’un des autres artistes… Dans la pénombre, il murmurait déjà : « Je sais exactement qui je vais prendre » alors qu’il se jetait sur la cape de son poto Humourman. La vidéo existe, et on espère qu’ils pourront la vendre à quelqu’un. Avril avait déjà fait fort en montant sur scène avec quelques phrases résumant la soirée, il continuait sur sa lancée.

Cerisette a dû rejouer son sketch, elle aussi, mais version sexy. Cela devenait n’importe quoi, et le public a dû jouir en même temps que le robot sur scène. J’arrive à peine à croire que j’écris ces lignes… Mais c’était mémorable, inattendu, incomparable et incroyable ! Même les reprises d’À Corps Renversés m’embarquaient, alors que ça n’avait rien de classique…

Plateaux d’humour : verdict

Les plateaux d’humour restent une expérience ultra-fun. Vous pouvez bien sûr opter pour des valeurs sûres comme le Barbès Comedy Club, le Paname Art Café ou encore Madame Sarfati. Et bientôt le Fridge, d’ailleurs…

Mais il existe bien d’autres lieux, qui apparaissent et disparaissent. Certains abritent de très belles soirées pendant quelques mois. Profitez-en, ce n’est pas un mirage : les rires sont à portée de consommation.

Crédits photo

© Christophe Castejon / Kobayashi Photography

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