Monter sur scène pour la première fois : mon expérience au 33 Comedy

Juliette Follin 21/02/2018

Ça y est, je suis montée sur scène ! Le 33 Comedy m’accueillait aux côtés de pointures du stand-up. Une voie royale pour réussir ce passage. Voilà comment cette première scène s’est passée. Vous pouvez aussi relire les épisodes précédents : l’annonce et la préparation.

L’avant-show : don’t stress

18h45, je pars de chez moi pour aller au 33 Comedy. Il y a 45 minutes de trajet, qui s’allongent pour une raison indéterminée. Mais j’ai décidé que le métro ne me perturberait pas.

J’arrive enfin à bon port une heure plus tard, l’une de mes amies est arrivée. Téléphone en main, elle me filme d’entrée de jeu, me demande un autographe sur son billet du 33 Comedy. Elle est encore plus perchée que moi, alors je lui livre un autographe à ma sauce. C’est graveleux.

Antek et Jean-Patrick sont là aussi : ils surgissent du sous-sol. Les deux me demandent comment je vais. Pour le moment, bien. Ils déterminent ensuite l’ordre de passage et j’apprends que Kyan Khojandi sera là. Il remplace Jason Brokerss, visiblement coincé chez lui. La poche de glace collée à son visage sur ses story Instagram confirme l’hypothèse. Satanés dentistes !

J’apprends l’ordre de passage : je passe troisième entre Antek et Jean-Patrick. Kyan ouvre la soirée, j’ai un spot confortable entre les résidents. Ça tombe bien, je remplace Ghislain. Et je porte les chaussettes que j’ai gagnées en évaluant le podcast Sympa la vie. La seule superstition que je me suis autorisée.

Bienvenue au 33 Comedy Club

Le 33 Comedy Club, c’est un peu devenu mon QG. La raison de cette première scène ici, c’est parce que j’ai passé beaucoup de temps dans le public. J’ai soutenu tous les projets personnels des trois résidents Antek, Jean-Patrick et Ghislain : spectacles, podcasts, émissions de radio…

Il n’existe pas de plateau où je me sens le plus à la maison. Aucun autre ne m’a donné cette impression, et c’est sûrement ça qui a conditionné la suite de la soirée. D’habitude, les loges du 33 Comedy sont blindées d’humoristes, mais lorsque Antek fait entrer le public, j’ai tout l’espace pour moi. Les autres n’arriveront qu’un peu après 20h30 après avoir visiblement discuté en haut.

Kyan se présente et moi aussi, mais on se connaît un peu. Je l’ai mentionné sur une publication Facebook, donc il connaît le spot du rire. Et moi, je suis comme tout le monde : Kyan Khojandi est une pointure. Si bien que depuis plusieurs mois, je n’ai aucun souci à écrire son nom sans faute. Et que je sais qu’il est bien plus que le mec de Bref.

Transmission

Ce soir, il y a donc des pointures : Lenny, Seb Mellia et Kyan Khojandi. J’ai l’impression qu’ils font du stand-up comme ils mettent un pied devant l’autre : la maîtrise. Voir mon nom au milieu de tous ceux-là plus Antek et Jean-Patrick, c’est un truc de dingue.

Le stress ne s’installe pas trop encore. Comme je l’ai dit, depuis que mon texte est su, il s’est évaporé. Mais il va revenir. Kyan monte sur scène ; son passage est dingue. Lorsque je l’ai vu en spectacle à Choisy-le-Roi en décembre dernier, son co-auteur Navo faisait la première partie. Ce jour-là, il s’amusait à jouer avec nos nerfs sur le rythme de son stand-up. Va-t-on savoir la suite ?

Au 33 Comedy, Kyan a repris un procédé similaire en faisant semblant de quitter la scène au beau milieu de son histoire. Deux fois de suite ! Un mécanisme qui donne évidemment envie de connaître la suite. C’est comme poser un paquet de bonbons devant soi. Ou le compte-à-rebours Netflix que Rémi Boyes adore mentionner dans son stand-up.

En terminant son passage, il dit aux autres qu’il suffit de parler au public : il est très bienveillant ce soir. Ça tombe bien pour moi. Antek enchaîne. C’est le dernier rempart avant mon passage. Là, le stress est là.

Plongeon

Pour rester calme, j’écoute ce que les autres font et je ris comme si j’étais spectatrice. Mais cela ne suffit pas. Heureusement, le small talk de Seb Mellia va arranger ça.

Je ne sais plus comment Jean-Philippe de Tinguy est arrivé dans la conversation… il faut dire que cela arrive souvent. Mais là, Seb me demande de confirmer qu’au début, j’allais le voir un peu partout. Je ne comprends pas la question, je crois qu’il me demande si je parle de Jean-Philippe dans le sketch.

Donc, je réponds non. Alors que clairement, la réponse était affirmative. Du coup, je corrige, on blague sur le fait que je savais son adresse avant son déménagement et que c’est sûrement pour ça qu’il a eu lieu… Toute la conversation a le mérite de détourner mon attention. Antek continue ses blagues avec quelques nouveautés, et je sens qu’il termine son passage.

Les applaudissements confirment mon intuition. Comme il me l’avait dit avant la soirée, Antek me concocte une introduction aux petits oignons. Je vais dans les scènes ouvertes en permanence, j’ai décidé de faire ma première scène au 33 Comedy, c’est un moment d’émotion. Tout le pathos est réuni pour me faire éviter le bide. Et ça a marché !

Instantanés de scène au 33 Comedy avec Jean-Patrick et Kyan Khojandi

Ma première scène au 33 Comedy

Lors de cette première scène, je demande aux gens s’ils vont bien. Je leur réponds ensuite que moi, c’est moyen Parkinson. En fait, je partage l’information suivante : oui, je tremble, je sais, et je m’en fiche. Donc on peut se concentrer sur les blagues.

Mon sketch, je l’ai pratiquement appris à la virgule près, mais j’ai fait de nombreuses modifications. Les différentes versions se mélangent un peu, mais grâce à la concision du passage, l’ensemble conserve de la cohérence.

Je remarque un phénomène auquel je ne m’attendais pas. Là où j’ai parié sur des rires, je les ai obtenus. J’avais l’impression d’avoir à appuyer sur un bouton qui déclencherait des rires enregistrés. Sur scène, on entend une masse de rire comme des rires enregistrés.

J’enchaîne mon texte, je trébuche sur quelques mots mais j’essaie de me tenir à ce que ce soit clair. J’ai réduit considérablement mon débit de parole par rapport aux répétitions, mais ceux qui n’avaient rien vu estiment que c’est encore trop rapide. Un défaut récurrent chez les nouveaux venus, qui ont envie de s’échapper de la situation plutôt que de la vivre.

Plutôt que les pneus hiver, la séquence émotion

La toute fin de mon sketch n’a pas été apprise. J’avais un jeu de mots sur les niches (passions de niche vs. la niche du chien), le chien Beethoven et le fait d’être aux abois… Et je ne savais pas comment finir. J’avais initialement beaucoup plus de texte et je voulais faire l’analogie entre la communication avec les autres êtres humains et le fait d’être doté de pneus hiver. J’avais tout un fil rouge sur les garages qui n’en sont pas, ça partait dans tous les sens.

Bref, ça a été jeté. C’est grâce au livre de Christine Berrou que je n’ai pas eu de quartier pour ces tentatives-là. A la place, j’ai dit que ma niche, c’était le stand-up, que les lieux comme le 33 avaient changé ma vie. Je m’étais dit qu’avec ça, je pouvais me mettre le public dans la poche assez facilement.

Or, faire vivre un moment d’émotion n’est pas facile car on dévoile beaucoup de soi. On se rend compte qu’on dit à des inconnus quelque chose qui fait ce qu’on est. On touche un peu à l’intime, mine de rien. Ma voix s’est tordue, j’ai pensé : « Je ne vais pas pleurer, là, quand même ? ». C’était tendu, mais c’est passé. Ça devait être vrai. Prends ça, Marc Levy !

L’après-première scène : feedback et mal au dos

Quand je termine mon passage, je vois Antek dans les loges avec son sourire et ses lunettes rouges de mec heureux. J’attends que les applaudissements cessent pour annoncer Jean-Patrick, tandis qu’Antek gère la régie.

Je fais une petite blague sur le fait que même les végétariens peuvent l’aimer, car c’est un lapin. Et je sors de cette première scène. Seb Mellia me dit que j’ai bien géré cette première : je n’ai pas fait trop long. Lenny me dira ensuite qu’il a bien aimé le moment d’émotion. Et Antek a apprécié l’une de mes punchlines. Mission accomplie, dans une ambiance très bienveillante et propice à la chance du débutant.

Je m’assois ensuite, histoire de décompresser. Mais ça ne se passe pas ainsi : un mal de dos de dingue s’installe, j’ai l’impression d’être une mamie et qu’un rouleau compresseur est venu me broyer. J’ai aussi mal dormi avant de monter sur scène qu’après. C’est très physique, mine de rien. Il paraît que c’est l’adrénaline. J’en saurais probablement plus si je remonte sur scène, mais…

Envie de remonter sur scène ?

Je ne sais pas ce qui pousse les gens à me voir réitérer cette première scène. J’ai passé un bon moment, bien apprécié que les gens rient. C’était sympa pour la confiance en soi, mais je ne me suis pas dit que c’était magique. Ce que je préfère, c’est voir les autres sur scène.

Si j’ai fait cette expérience, c’était pour mieux les comprendre. Leur montrer une marque de respect en me jetant dans l’arène. Mais il semblerait que les gens ont envie que je revienne. Affaire à suivre. Pour l’heure, un grand merci à tous les humoristes qui m’ont soutenue avant, pendant et après cette épreuve émotionnelle. C’était un vrai défi, et je suis contente de l’avoir relevé ! Maintenant, rendez-moi mon sommeil, merci.

Crédits photo

© Seb Mellia / Antek

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